On peut dater le moment de l’apparition du nom de Fluxus, terme médical qui désigne l’écoulement organique hors du corps, en 1961, pour désigner ce mouvement bien particulier ; en revanche il a été amorcé un peu avant qu’on le nomme précisément. Il a commencé dans les années cinquante, sous l’influence de John Cage, de jeunes artistes rejettent la notion d’Art et les institutions artistiques.
Tout d’abord, qui est donc John Cage ? Né en 1912 à Los Angeles, c’est avant tout un musicien, mais un musicien un peu particulier puisqu’il disait lui-même considérer le silence comme une vraie note. Ses compositions en découlent alors de façon presque logique : le silence étant une vraie note, il est essentiel de lui accorder une place aussi importante qu’aux autres notes. Son morceau le plus célèbre est ainsi 4’33, une pièce pour piano et un happening durant lequel le musicien pose ses mains sur le clavier et écoute son public. Il cherche aussi à épurer la musique, à laisser de la place au silence mais également au public. Ainsi, ses compositions, pour la plupart du temps, ne comportent pas de ponctuation musicale : c’est au musicien d’improviser face à l’ambiance et au public tels qu’il les ressent.
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4’33, joué en concert au Classical Music WeShow Awards US
Le hasard n’est pas laissé de côté : John Cage joue parfois en tirant les notes au sort ; parfois il modifie son piano, y ajoute boulons, gommes, petits objets de bois et de métal, pour en tirer des sons différents et inattendus.
On peut également compter l’école Zen comme une influence du mouvement Fluxus. Cette mouvance du bouddhisme insiste particulièrement sur la notion de méditation : Zazen, la méditation assise, consiste à s’assoir, ne faire qu’un avec l’illumination du Bouddha, et de découvrir la nature véritable de sa propre conscience. Le monde n’est que celui que la conscience perçoit, dit cette philosophie. S’assoir, pratiquer, est un but en soi, ou plutôt : il faut accepter de n’avoir pas d’autre but que la pratique. C’est aussi sur ces principes que se base Fluxus : la pratique, le processus de création est aussi important que le résultat final. C’est ce que cela signifiait pour John Cage quand il s’asseyait devant son piano sans en jouer : être assis face au public était aussi important, sinon plus, que de produire une belle mélodie.
En 1961, George Maciunas crée une galerie qui exposera les oeuvres des artistes de ce mouvement en émergence. Parmi eux, on peut compter Yoko Ono, qui s’efforce de créer une interactivité entre l’artiste et son public : elle crée par exemple un happening nommé Cut Piece, où elle est simplement assise par terre, sur scène, et où elle invite le public à venir découper à chaque fois un petit morceau de ses vêtements jusqu’à ce qu’elle se retrouve presque nue. L’oeuvre n’existe donc pas sans le public qui la crée, et elle exprime en même temps quelque chose : la fragilité humaine face à ses congénères.
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Yoko Ono, Cut Piece
On voit ainsi que les happenings ont une grande importance : les artistes ont tendance à encourager la simplicité et une des règles d’or pourrait être « Do it yourself ». Un happening, c’est avant toute chose une bonne idée, un public et un artiste : pas besoin de matériel très complexe. Une façon de mettre l’art à la portée, du moins matériellement parlant, de chacun ! Comme Dada l’a été avant, ce mouvement est très ancré dans la critique de la société de consommation et la critique de l’art institutionnalisé.
De plus, essayant de se séparer de l’art institutionnalisé, ils essaient constamment de ne pas cloisonner leur travail à une seule catégorie. Les artistes de ce mouvement sont fascinants parce qu’ils ne sont pas seulement peintre, ou compositeur ou poète, mais un peu de tout cela. Un poème ne trouvera son sens que lu à un public dans une mise en scène particulière, si possible en faisant agir le public lui-même durant cette lecture ; ainsi le poème n’est plus seulement un texte, mais une vidéo l’accompagnant, une façon de le présenter.
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Depuis le début des années 80 et la mort de Murciano, directeur de galerie qui a fait connaître Fluxus, en 1978, le mouvement ne s’essouffle pas. C’est pourtant souvent là que les critiques font s’arrêter le mouvement, le datant ainsi très précisément de 1961 à 1978, mais il serait faux de dire que ces artistes ne continuent plus à travailler au sein de ce même mouvement. Ses membres fondateurs sont aujourd’hui décédés, mais beaucoup d’artistes se réclament encore de cette école et créent des oeuvres qui répondent à la définition du Fluxus : simples, interactives, avec une implication réelle du public. C’est d’autant plus intéressant aujourd’hui que de nouvelles formes de communication naissent chaque année, et que de plus en plus d’outils s’offrent aux artistes qui explorent de nouveaux média entre le public et l’art. Le célèbre Ben Vautier n’est pas seulement le roi des agendas et du rayon papeterie ; son site web propose de nombreuses activités étonnantes : jouer de la musique, regarder via sa webcam ce qui se passe chez lui, un vote pour communiquer avec les extra-terrestres … beaucoup de choses loufoques et simples qui essaient tout bêtement de faire tomber les barrières.
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