On nous aurait parlé de « coronapiste » il y a 18 mois, on aurait ouvert des yeux ronds et on aurait été bien embêtées pour trouver ce que peut signifier ce mot. Une nouvelle discipline sportive, où interviennent de la bière mexicaine et de la luge, peut-être ?
Ce mot, qui désigne en fait les aménagements cyclables mis en place dans les grandes villes en 2020, lors du premier déconfinement, va entrer dans le Petit Larousse Illustré 2022, et avec lui quelque 150 autres définitions, comme « cluster », « quatorzaine » ou encore « click and collect » (dont la définition contient au passage la mention « déconseillé » pour lui préférer « cliqué-retiré », alors qu’on aurait largement préféré le désuet et adorable « clique et cueillette »).
Certains mots déjà existants qui se sont imposés dans notre quotidien ont aussi vu leur sens être modifié, comme « asymptomatique » ou « télétravailler ».
Bref, sans aucune surprise, cette cuvée 2022 de nouveaux mots est très marquée par le Covid-19, qui, vous vous en doutiez, a bien sûr eu l’honneur de rejoindre lui aussi le dictionnaire.
« Racisé » enfin dans le Larousse
Mais un mot fait son entrée dans le dictionnaire Larousse sans avoir quelque chose à voir avec la crise sanitaire et la pandémie mondiale, c’est le mot « racisé », issu des travaux de la sociologue Colette Guillaumin, qui sera donc dans l’édition 2022 du Petit Larousse. À noter que Le Robert
, l’autre grand nom qui se partage le marché du dico en France, a déjà intégré ce mot depuis son édition 2019.
La définition du mot « racisé » indiquera donc « quelqu’un qui est l’objet de perceptions ou comportements racistes ».
Si cette entrée est loin d’être anodine, c’est parce qu’en France, l’utilisation de ce concept est toujours source de tensions et de débats.
Alors que certains l’accusent d’entretenir du racisme, d’être essentialisant, le terme « racisé » permet de parler de la réalité sociale des discriminations et de leurs conséquences concrètes sur la vie des individus.
La journaliste et militante antiraciste et féministe Rokhaya Diallo le rappelait de façon très limpide lors d’un débat face à l’autrice Rachel Khan, dont le dernier livre Racée, est une explication de pourquoi elle a choisi de rejeter l’usage de ce mot :
« Quand on parle de personnes racisées, il ne s’agit pas d’un état ou d’un statut, mais d’un processus. Il y a des personnes qui subissent, du fait de l’histoire de notre pays, du fait des discriminations qui découlent de certaines positions qui sont liées à des apparences physiques, à des origines ethniques, qui subissent des discriminations. C’est la société qui racise, on n’est pas racisé de naissance. »
« Racisé », validé ?
Cette arrivée dans les pages du Petit Larousse Illustré est-elle un pied de nez à tous ceux qui s’échinent à vouloir combattre ce mot ? La militante féministe décoloniale et politologue Françoise Vergès a en tout cas fait part de sa grande satisfaction suite à cette annonce :
Une question demeure : doit-on attendre qu’un mot fasse son entrée dans le dictionnaire pour que son usage et sa pertinence soient validées, acceptées par tous et toutes ?
Si l’on n’a pas attendu pour utiliser le mot « racisé » pour parler des personnes qui subissent du racisme à tous les niveaux dans la société, si le terme n’est plus cantonné aux milieux militants et antiracistes, mais résonne de plus en plus dans l’espace public et médiatique, on peut avoir l’espoir que son entrée progressive dans les dictionnaires permettra peut-être de ne plus avoir à négocier son usage. Et de dépasser enfin le débat autour de son sens et de sa portée, pour s’attaquer aux discriminations qu’il pointe.
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Les Commentaires
Sinon pour ce qui est de racisme pour moi y a clairement une différence entre ce que peut subir une personne d'origine polonaise ou une personne d'origine congolaise que ce soit en Belgique, en France ou ailleurs.
Pour donner un exemple idiot il y a eu en France un gros bashing sur les breton·nes - interdiction de parler le breton, de donner des prénoms bretons avec des procès qui se poursuivent encore aujourd'hui, les termes "plouc" ou "baragouiner" - mais y a pas eu des milliards de théories comme quoi les breton·nes et les français·es seraient si différent·es qu'iels ne seraient pas de la même race. De même que se faire traiter de "babtou" n'est pas du racisme.