Qu’est ce que ça raconte ?
1942, Jenny Fields est infirmière et cultive une grande gueule et un immense mépris pour le genre masculin. Obsédée par l’idée d’avoir un enfant, mais dégoûtée par la perspective d’être une épouse, Jenny trouve la solution idéale en profitant de l’érection d’un soldat dans le coma à l’hôpital. Neuf mois plus tard naît Garp.
Grandir sans père n’est pas évident, mais grandir sans père, dans les années 40, avec une mère féministe, c’est encore moins facile. Garp devient quelqu’un de tout à fait singulier, partagé entre sa passion pour l’écriture, pour les filles, et sa peur du danger. Comme dans la plupart des romans de John Irving, le Monde selon Garp raconte la vie entière de Garp, d’avant sa naissance à après sa mort. Longues descriptions, détails insolites, histoires dans l’histoire : Irving nous plonge dans la vie d’un personnage qu’on finit par connaître comme quelqu’un de notre propre famille.
De quoi ça parle, vraiment ?
Garp évolue dans un monde de femmes, et comme John Irving, il est féministe : il éprouve davantage de respect pour les femmes que pour les hommes, et il est complètement fasciné par la féminité.
Le seul homme du roman à être admiré par Garp est Roberta, un transexuel sensible et émotif. La mère de Garp est d’ailleurs une icône du féminisme, auteur à succès de Sexuellement suspecte, un essai scandaleux incitant les femmes à se passer des hommes.
« In this dirty minded world, you are either someone’s wife or someone’s whore. And if you’re not either people think there is something wrong with you….but there is nothing wrong with me » (Dans ce monde à l’esprit pourri, vous ne pouvez être que l’épouse ou la putain d’un homme. Et si vous n’êtes aucune des deux, les gens pensent que quelque chose cloche chez vous… mais rien ne cloche chez moi).
Un autre thème très abordé dans le roman est celui de la famille. À la différence de sa mère, en marge de la société, Garp rêve d’une famille simple, parfaite. Lorsqu’il devient père, il se découvre un nouveau rôle, et se sent enfin une utilité. Son couple et ses enfants deviennent alors des trésors à protéger. Père poule, s’occupant du ménage et de la cuisine, il occupe un rôle qui était à l’époque réservé aux femmes, et y trouve une grande satisfaction.
Dans la préface du roman, John Irving raconte qu’il a fait lire Le monde selon Garp
à son fils de 12 ans. A la question « de quoi parle ce roman ? », le gamin a répondu sans hésiter « de la peur ». La vérité sort effectivement de la bouche des enfants. La peur reste l’acteur central de ce livre, la peur qui s’infiltre de partout, dans l’esprit de chaque personnage, et plus particulièrement dans celui de Garp.
Garp a peur, constamment : de perdre ses proches, de la mort, des dangers du quotidien, des accidents. Cette peur, qui, inévitablement, finit par provoquer des drames. L’omniprésence de la peur a une résonance très actuelle, à l’heure ou la « peur de l’étranger » est devenue une épidémie dans tous les pays développés.
Pourquoi c’est génial ?
Parce que c’est magistralement bien écrit, et que j’ai souligné une phrase sur deux au crayon pour essayer de m’en souvenir comme d’une belle poésie. Parce que Garp est un humain, comme nous, pas plus pas moins. Il se trompe, il rêve, il débloque. Parce que les drames sont traités comme des comédies, et les comédies comme des drames. Le monde selon Garp est une sacrée leçon de vie, un livre-médicament. Après l’avoir lu, ma vision du monde a changé, j’ai regardé les choses différemment, et j’ai arrêté de m’inquiéter pour tout. J’ai compris que les petits et les gros incidents de la vie sont là pour la construire et pour nous construire, que dans chaque drame, il y a de quoi rire, et dans chaque blague, de quoi pleurer. Une sorte de douce fatalité ressort de la lecture de ce roman : le monde est violent, et le meilleur moyen d’éviter cette violence et de ne pas la craindre.
Ah oui, Le monde selon Garp est un film aussi, mais lisez-le d’abord !
Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
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