Le Bourbon Kid, c’est un nom qui aurait pu être tiré d’un western. C’est le genre de surnom qui claque et qui évoque le whisky, les cigares, le poker, la transpiration et les joues mal rasées des truands. Ce qui tombe bien, parce que le Bourbon Kid est l’un des personnages du Livre sans nom et que ce livre ne parle que de truands.
Publié depuis deux mois en France, on commence à peine à parler de cet étrange roman déjà considéré comme culte chez nos amis anglo-saxons. Sorti d’abord en Grande-Bretagne puis aux États-Unis, ce livre sans nom ni auteur cartonne, comme en témoigne l’impatience inouïe avec laquelle ont été attendus les deux tomes suivants dans ces deux États.
A l’origine du phénomène : un époustouflant premier chapitre du Livre sans nom posté anonymement sur internet en 2007. Un éditeur le remarque, décide de le publier et devient la seule personne au monde à en connaitre l’auteur (rassurez-vous, je compte prochainement le prendre en otage pour lui faire cracher le morceau). Depuis, les rumeurs sur l’identité de celui-ci vont bon train et Tarantino remporte la palme de la personnalité à laquelle on attribue le plus souvent la paternité de l’ouvrage, ce qui est loin d’être étonnant car ce livre est complètement barré. Je veux dire, vraiment barré ! Le style est fabuleux : l’auteur accumule les clins d’œil et les situations improbables et hilarantes, ce qui le rend étonnamment proche de son lecteur. Chaque scène, chaque personne et chaque costume est si précisément décrit qu’on aurait presque l’impression de lire un film. Le second degré, les citations et les références au cinéma (Seven, The Ring, Star Wars, et peut-être même Kill Bill) et à la musique (Fine Young Cannibals, Elvis Presley) sont partout et font du Livre sans nom un ahurissant condensé de culture pop !
Le scénario de ce livre est simple : une pierre très précieuse aux pouvoirs étranges est volée dans un monastère, et chaque personnage sans exception veut la récupérer à n’importe quel prix, ce qui dans une ville peuplée d’ordures signifie tout simplement que les massacres s’enchainent. Le livre pourrait donc être d’une violence insupportable, mais il est mis en scène d’une façon tellement tarantinesque que le sang qui ne cesse de jaillir n’est en fin de compte qu’un nouvel élément comique ajouté à la longue liste de choses qui font de ce bouquin un objet littéraire non identifié dont la lecture est aussi étonnante qu’haletante.
Il est également question de paranormal dans Le livre sans nom, mais le surnaturel est discret et pourtant essentiel dans ce roman qui peut s’aborder autant comme un polar que comme un livre fantastique. Il ne décevra ni les amateurs de l’un, ni de l’autre et plaira à coup sûr à tout lecteur de bande dessinée.
“Anonyme” est un auteur de génie qui nous trimbale de l’une à l’autre des ordures attachantes, presque caricaturales et hautes en couleur qui constituent ses personnages sans que l’on puisse deviner un seul instant le fin mot de l’histoire, brillamment dévoilé par petites touches dans les dernières pages. La construction de ce livre s’apparente réellement à un puzzle impossible à reconstituer si l’on ne connait l’image finale. Je vous conseille vivement ce livre barge, déjanté et sanglant, et j’attends la suite avec impatience !
> Référence : Sonatine Editions, 21 euros
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