Le Livre de Perle est le dernier ouvrage de Timothée de Fombelle. Pour ceux et celles auxquel•le•s ce nom n’évoque absolument rien, sachez qu’il est aujourd’hui l’un des grands noms du roman pour la jeunesse, grâce à son (désormais culte) Tobie Lolness ou encore à son diptyque d’aventure Vango !
Acclamé par la critique et la blogosphère, Le Livre de Perle a reçu la pépite du roman européen lors du dernier Salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil, le prix français le plus prestigieux en matière de littérature de jeunesse. Cette reconnaissance n’est pas due au hasard : je vous propose donc une petite immersion dans le monde de Perle…
Entre onirisme, magie et tragédie bien trop réelle
Difficile de ne pas être décontenancé•e devant Le Livre de Perle dans un premier temps. Les chapitres s’ouvrent un à un avec des intrigues différentes, qui se mêlent sans logique distincte — du moins à première vue. On bascule d’une page à l’autre dans des univers radicalement opposés : le monde féerique, où les princes règnent, les fées protègent, et les génies peuvent être malfaisants, et un autre tout ce qu’il y a de plus réel, où la guerre fait rage, où les Juifs sont traqués, et où l’on trouve un peu de douceur dans la guimauve.
À mesure que la lecture progresse, des protagonistes se dessinent : un enfant de quatorze ans sauvé de la noyade en pleine forêt par un mystérieux ermite qui amasse d’étranges reliques venues d’un autre monde ; une tout aussi jeune fée nommée Olia, qui a abandonné ses pouvoirs magiques par amour pour un garçon qui a disparu et qu’elle recherche avec ardeur ; un prince appelé Ilian dont le frère sanguinaire, Ian, le condamne à l’exil ; un mystérieux jeune garçon recueilli par un couple de confiseurs de grande renommée, les Perle, qui va prendre l’identité de leur fils défunt, Joshua.
Ces fragments de vie viennent alors s’imbriquer les uns aux autres, le voile se lève sur les mystères des premiers chapitres, sans toutefois tout nous révéler trop vite, histoire de nous garder en captivité encore un moment. Les zones d’ombre se dévoilent jusqu’à la toute dernière page, disséminant des réponses aux interrogations tout en créant de nouvelles incompréhensions, rendant le roman complètement addictif.
Deux mondes qui ne font qu’un
On réalise rapidement que Joshua et Ilian ne font qu’un, et que, banni du royaume de l’imaginaire, il cherchera à reconstruire son passé dans notre monde réel, en gardant l’espoir de revoir Olia, celle qu’il aime. Il tentera donc de briser le sort qui le condamne à vivre sur notre continent en vue de retourner chez lui, et ce en amassant toute sa vie un trésor composé de souvenirs de son monde à lui : celui des contes.
Le roman ne cesse de nous faire faire des bonds dans le temps et dans l’espace, entre la jeunesse d’Ilian au Royaume et sa conscription lors de la Seconde Guerre Mondiale, la convalescence du jeune curieux et anonyme que l’on retrouvera vingt-cinq ans plus tard sur les traces de la maison où il a été recueilli, mêlant frustration de ne pas avoir la suite d’une intrigue et plaisir d’en retrouver une autre.
Une ode aux contes… en forme de conte
Lorsque les éléments se remettent dans l’ordre et construisent la logique du roman, on découvre une belle histoire de chagrin d’amour, une aventure palpitante, et un formidable hymne à l’imaginaire. Le roman devient plaidoyer pour les récits, pour les contes, et raison de vivre des personnages féeriques, qui ne trouveront le repos que lorsque leur histoire sera couchée sur papier, brisant ainsi le sortilège qui les tenait en otages.
Le Livre de Perle nourrit une profonde envie de croire aux contes, de se persuader qu’au coin de la rue, une âme bienveillante et merveilleuse nous protège, ou qu’une autre a tout sacrifié par amour au point d’atterrir dans notre monde, celui où, a priori, la magie n’existe que dans les livres. « Les histoires nous inventent », écrit l’auteur : il s’agira de ne pas laisser mourir au fond de nous cette envie de croire à la magie, ni le plaisir procuré par les histoires.
L’écriture de Timothée de Fombelle nous prend par la main pour nous emmener dans un monde de merveilles, dans un roman truffé de phrases que l’on aimerait inscrire dans un petit carnet qui nous accompagnerait partout, et qu’il suffirait de lire pour regagner du courage et de la poésie pendant les coups durs. Le Livre de Perle fait partie de ces romans qui nous font éteindre la lumière tard le soir, et auxquels on pense longtemps après les avoir refermés !
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