Quand je suis revenue de congé maternité, une petite surprise m’attendait sur mon bureau : une nouvelle version d’un livre que j’avais beaucoup lu au tout début de mon adolescence, Le guide du zizi sexuel.
Le communiqué de presse qui l’accompagnait me promettait « une nouvelle édition actualisée, augmentée de contenus inédits ».
Intriguée, j’ai eu envie d’en savoir plus et de comparer les deux versions. Celle que j’avais lu en 2001 en tant qu’enfant (et que j’espérais récupérer quelque part chez mes parents à Noël), et celle de 2020, que je consulte aujourd’hui en tant que mère.
La nouvelle version du Guide du zizi sexuel décryptée
En presque vingt ans (tout ceci ne nous rajeunit pas…) qu’est-ce qui a changé dans Le guide du zizi sexuel ? Et surtout, qu’est-ce que ces modifications disent des transformations profondes de notre société ?
J’ai mené l’enquête, photos à l’appui.
Commençons déjà par noter que Le guide du zizi sexuel version 2020 comporte une vingtaine de pages de plus et que sa couverture est passée du violet-bleu au violet-rose (oui, bon, je sais que je devrais dire « parme » ou « aubergine » ou je sais pas quoi d’autre, mais je suis nulle en couleurs, voilà, c’est comme ça !).
Le gros changement sur la couverture, c’est surtout que Nadia est apparue aux côtés de Titeuf. Et ça, outre le fait que ça me fait plaisir, c’est aussi le signe que Le guide du zizi sexuel s’adresse enfin réellement aux filles, mais j’y reviendrai.
Au dos du livre, il y a aussi des changements. La version 2020 fait apparaître des questions différentes de la version 2001. Et notamment une — est-ce qu’on est obligé de faire l’amour ? — qui est assez représentative du changement d’approche en matière d’éducation sexuelle.
Le consentement c’est pô facultatif dans Le guide du zizi sexuel
En effet, comme moi, les autres enfants et adolescents des années 2000 n’ont probablement pas trop entendu parler du consentement dans leurs cours de SVT ou leurs séances d’éducation à la sexualité qui, dans mon collège, se résumaient à enfiler un préservatif sur une banane en ricanant.
Aujourd’hui par contre, le grand public semble beaucoup plus sensibilisé à l’importance d’enseigner cette notion dès le plus jeune âge. Et je trouve ça logique — mais quand même très chouette —que Le guide du zizi sexuel réédité consacre un chapitre entier à la question.
La préface du livre, signée Titeuf, en remet d’ailleurs une petite couche, en précisant que « faut connaître par cœur que le consentement, c’est pô facultatif ». Quand la version de mon enfance se demandait, elle : « pourquoi les filles crient quand on leur pince les nénés ? » (!)
Du côté du sommaire, on peut noter quelques autres différences. Outre ce nouveau chapitre sur le consentement « Être d’accord », Le guide du zizi sexuel 2020 consacre aussi une nouvelle partie à « L’amour de soi », dans laquelle les sujets de l’estime de soi, mais aussi du harcèlement, des discriminations, de l’identité de genre et de l’orientation sexuelle sont abordées.
Le guide du zizi sexuel, enfin pour les filles ?!
Autre petit changement, le chapitre 2 sur la puberté fait passer « la puberté des filles » avant « la puberté des garçons ». C’est sans doute un détail pour vous, mais pour moi, ça veut dire beaucoup…
En comparant les deux ouvrages, ce qui m’a le plus marqué, c’est que la version 2001 était en fait très tournée vers les garçons. Quand le guide parlait des filles, c’était souvent en comparaison avec les garçons ou comme des partenaires potentielles.
Par exemple, à la question « La puberté des filles, c’est à quel âge ? », le guide de 2001 répondait : « Un peu plus tôt que chez les garçons. Autour de 12 ans ».
La version 2020, elle, précise : « C’est très variable, certaines filles commencent leur puberté à 9 ans, d’autres à 15 ans, et cela dure plus ou moins longtemps selon les personnes ».
Cela peut paraître un détail, mais il y a une multitude de petites différences de ce type qui montrent que Le guide du zizi sexuel s’adresse maintenant vraiment à tous les enfants, et ne répond pas uniquement aux questions que se posent un garçon sur le continent mystérieux des filles.
Saluons aussi l’emploi du terme « vulve » et pas juste « vagin » et de la pleine page consacrée au clitoris (qui était déjà mentionné mais pas représenté en 2001), avec une belle illustration de cet organe.
Du côté des ajouts de la version 2020, on peut aussi noter la page qui détaille les diverses protections périodiques existantes (cup, culottes lavables, etc.) Comme j’aurais aimé avoir connaissance de ces options à l’adolescence et ne pas devoir attendre mes 25 ans pour découvrir la culotte de règles !
Le guide du zizi sexuel en phase avec la société de 2020
Au-delà de ce changement radical de paradigme, la nouvelle édition du livre aborde des notions importantes qui n’étaient pas dans l’édition précédente : la transidentité mais aussi la bisexualité, l’asexualité, les familles homoparentales, le polyamour, l’IVG, la pornographie, le cyberharcèlement, les rencontres en ligne, etc.
Signe de l’évolution des représentations autour de la sexualité : « faire l’amour » n’est plus présenté uniquement comme la pénétration d’un pénis dans un vagin.
En feuilletant les deux ouvrages, on se rend vite compte que la version 2020 comporte plus de texte que la version 2001.
Les explications sont à chaque fois plus détaillées, plus précises scientifiquement et sans ambiguïté sur des points importants comme le consentement. ZEP et Hélène Bruller remercient d’ailleurs en début d’ouvrage des médecins et des pro de l’éducation sexuelle. Elles et ils ont filé des conseils et relu le bouquin, et ça se sent !
Il y a aussi à mon sens moins d’injonctions dans la nouvelle mouture et un ton moins péremptoire pour être plus fidèle à la multiplicité des vécus et des situations.
Je dirai que le guide s’adresse aujourd’hui sans doute à des enfants un peu plus grands que la version de ma jeunesse. L’ouvrage reste très accessible, mais il y a plus de contenus, et je pense que des ado de 12-13 ans y apprendraient encore des choses, contrairement à la précédente version que j’avais dû délaisser dès la 5ème.
Le guide du zizi sexuel : ce qu’il manque encore
En comparaison, l’édition 2001 n’a donc pas très bien vieilli. Celle de 2020 montre qu’on en a enfin fini avec l’éducation sexuelle à l’ancienne : « le papa et la maman s’aiment très fort, puis le monsieur donne sa petite graine à la dame et pouf ça fait un bébé. Blablabla, mais surtout, PROTÉGEZ-VOUS ! »
J’ai refermé l’ouvrage avec un sentiment très positif. Il est bien écrit, pertinent, toujours drôle – sans être problématique – et je pense l’offrir aux jeunes ado de mon entourage.
J’ai tout de même quelques réserves à la marge. D’abord, Le guide du zizi sexuel ne mentionne pas la possibilité d’être suivie par une sage-femme pour la contraception, et ne rappelle pas aux jeunes adolescentes qu’il n’est pas nécessaire de faire des frottis avant ses 25 ans (sauf problèmes particuliers bien sûr) avant de se faire prescrire la pilule.
Ensuite, l’ouvrage parle de pédophilie pour alerter les enfants et leur donne des numéros à appeler pour obtenir de l’aide, mais le terme correct « pédocriminalité » n’apparaît pas. Les personnes qui agressent sexuellement ou violent des enfants ne les « aiment » pas. En 2021, arrêtons avec ce terme qui minimise la violence infligée aux victimes.
Je regrette aussi le manque de diversité dans les dessins. J’ai dit précédemment que Le guide du zizi sexuel s’adressait à tous les enfants… ce n’est pas tout à fait vrai. Les personnages de la bande dessinée Titeuf étant tous blancs, il n’y a quasiment aucune personne racisée représentée dans le guide.
Enfin, j’ai parfois regretté que le guide n’aille pas encore plus loin en matière d’écriture inclusive, même si l’équilibre avec la lisibilité et l’accessibilité de l’ouvrage est peut-être difficile à trouver.
En tout cas, Le guide du zizi sexuel nouvelle version va aller remplacer sur l’étagère l’édition précédente, que je garderai peut-être en guise de preuves de l’évolution de la société. Et j’espère pouvoir la lire avec ma fille dans dix ans.
À moins qu’une nouvelle version ne vienne me montrer à quel point la société s’est encore transformée… Je nous le souhaite !
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