Le désert des Tartares, c’est le surnom donné à cette immense plaine qui s’étend en bas des murailles du fort. Cette modeste forteresse décrépie veille inutilement sur une frontière oubliée où rien, probablement, ne s’est jamais passé, où rien ne se passe et où les soldats espèrent qu’il se passera un jour quelque chose. Parmi eux, le lieutenant Giovanni Drogo. Encore jeune homme, il observe, nerveux, les hommes qui semblent avoir abandonné toute idée d’ailleurs, la résignation des militaires en fin de carrière, et se jure de partir dès qu’il en aura l’occasion.
Pourtant le fort Bastiani exerce sur lui son influence, il se prend à s’attacher aux courants d’air entre les murs froids, à la rigueur de la sécurité frôlant le ridicule, aux hommes enfin. Mais par-dessus tout, c’est le désert des Tartares qui l’intrigue, cette ligne d’horizon où le moindre frémissement devient un mouvement d’armée ennemie dans l’imaginaire de ces hommes. Les jours, les mois, les années défilent. Les yeux fixés sur l’étendue désertique, là-bas, Giovanni Drogo attend.
Car le personnage principal, c’est bien l’attente. Une attente douloureuse, frustrante, désespérée, l’attente d’un événement improbable qui justifierait sa présence au fort et lui permettrait, enfin, d’être un héros. Drogo sent confusément que la voie qu’il a choisi n’est pas la bonne, mais préfère malgré tout s’y conformer. Partir, c’est avouer l’inutilité du fort, c’est renier ses espérances, c’est rayer une part de son existence. Rester, c’est attendre plutôt que vivre.
– Le désert des Tartares, de Dino Buzzati, aux éditions Pocket.
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