Le mardi 1er novembre, un véritable bijou sortira en salle. Doux, violent et bouleversant, Close est un film d’une densité et d’une intelligence rare, porté par deux jeunes acteurs au talent hypnotique (Eden Dambrine et Gustav De Wael).
À l’occasion de la sortie du film, on a rencontré Lukas Dhont, jeune réalisateur belge à qui l’on doit également le très beau Girl, qui parlait d’enfance, de masculinité et de tendresse.
Close, de quoi ça parle ?
Léo et Rémi, 13 ans, sont amis depuis toujours. Jusqu’à ce qu’un événement impensable les sépare. Léo se rapproche alors de Sophie, la mère de Rémi, pour essayer de comprendre…
Entretien avec Lukas Dhont (sans spoiler)
Madmoizelle. Pouvez-vous nous parler de la genèse du film ?
Lukas Dhont. Après Girl, je me suis retrouvé devant une page blanche. Je devais trouver quelque chose à raconter. C’est comme si j’avais voyagé pendant un an et demi avec Girl.
Après avoir été dans l’analyse constante de ce film, j’ai eu besoin d’un retour à une essence, à une origine. Un retour également à l’enfant pour lequel et à cause duquel je fais des films aujourd’hui. Je me suis donc rendu dans le village de mon enfance.
Pourquoi avoir choisi de situer le film pendant l’enfance ?
Quand j’étais enfant, je me sentais assez solitaire. J’avais le sentiment de n’appartenir ni au groupe des filles, ni au groupe des garçons. C’est pourquoi je me plongeais dans la créativité. Pour moi, le cinéma a donc d’abord été une manière de fuir.
Mon rapport au cinéma a changé pendant l’adolescence. J’ai commencé à regarder des films dans lesquels je découvrais des personnages avec qui je me sentais connecté. Et là, tout à coup, j’ai compris que le cinéma peut aussi être une manière de se sentir vu, de montrer une certaine perspective sur le monde.
En me plongeant dans l’histoire du cinéma, en particulier dans ces films qui parlent de jeunes garçons qui grandissent, comme L’enfance nue, Les 400 coups ou encore Ratcatcher, j’avais le sentiment de ne pas me retrouver, même si ces films sont très beaux.
J’avais envie de montrer le portrait d’un jeune garçon à cet âge-là, à ce moment-là, charnière entre l’enfance et l’adolescence. J’avais envie de parler de cette période de la vie comme un hommage à l’enfant que j’étais.
Votre film raconte la difficulté que rencontrent deux jeunes amis à être tendres l’un envers l’autre en grandissant…
Quand j’ai réfléchi à ce que je voulais dire de cette période, j’ai compris que je voulais aussi parler d‘amitié. C’est alors que j’ai lu une recherche qui a été très importante pour moi. Une psychologue américaine a suivi 150 garçons âgés de 13 à 18 ans. À l’âge de treize ans, elle leur a demandé de parler de leurs amis masculins : et ils en parlent comme des histoires d’amour, avec beaucoup de tendresse.
Or, lorsqu’elle repose ces questions à ces mêmes garçons une fois qu’ils ont grandi, ils parlent complètement différemment : ils ont perdu leur vocabulaire de vulnérabilité. Tout à coup, l’adolescence leur a pris que le langage des émotions. On leur apprend que ce langage appartient au « monde féminin ».
La masculinité est l’un des personnages principaux du film…
Je trouvais cette étude très intéressante parce que ça nous raconte quelque chose de la masculinité. Ça montre comment, très tôt, on apprend aux jeunes garçons à ne pas être en contact avec leur monde intérieur et à prendre leurs distances par rapport aux autres. Et c’est un sentiment que j’ai moi-même eu, étant enfant.
Je commençais à avoir peur d’une certaine intimité avec les autres garçons, parce que c’était systématiquement vu par les autres à travers le prisme de la sexualité. La tendresse dans le monde de jeunes enfants masculins, je trouve que ce sont des images rares, qu’on ne voit jamais. J’avais envie de les montrer sur un écran.
Malgré la douceur du film, la culpabilité ronge…
Parallèlement à ce sujet lié à la masculinité, je voulais aussi parler de la perte de l’innocence qui est très liée au passage entre l’enfance et l’adolescence. L’enfance est le moment ou pour la première fois, on comprend que nos actions ont certaines conséquences. C’est un sentiment de culpabilité enfermant, il arrive même que l’on ne puisse jamais en parler. C’est pourquoi j’ai voulu le faire.
Pouvez-vous nous parler de votre rapport à la violence ? Vouliez-vous la montrer de manière crue, ou plutôt l’adoucir, la laisser dans le hors champ ?
Je voulais faire un film doux, sur la douceur, mais qui n’évite pas la violence. Pour moi, c’est important de parler de la violence dans un monde brutal. Quand je regarde le journal, je vois la guerre, des hommes qui abusent de leur pouvoir, je vois beaucoup d’images de brutalité. En écrivant le film, j’avais deux mots en tête : brutalité et fragilité.
Je voulais parler de la façon dont cette imagerie de brutalité corrompt le monde de tendresse. C’était très important de parler autant des fleurs que des ombres, que l’on abrite peut-être tous. J’ai essayé de ne pas copier ces images violentes, mais plutôt de trouver une manière plus abstraite, de parler de l’impact de la violence plutôt que de la violence elle-même.
Premier Rang, c’est la chronique sans langue de bois de Maya Boukella, journaliste pop culture chez Madmoizelle, dans laquelle elle vous conseille le film à voir au cinéma cette semaine. Un rendez-vous hebdo pour dénicher les pépites du grand écran, en ne gardant que le meilleur des films à l’affiche et des sorties de la semaine
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Crédit de l’image à la Une : © Menuet/Diaphana Films/Topkapi Films/Versus Production
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