Le château solitaire dans le miroir, de quoi ça parle ?
Jeune collégienne rongée par l’angoisse, la solitude et la tristesse que provoque le harcèlement, Kokoro ne va plus à l’école.
Elle passe beaucoup de temps seule chez elle. Alors qu’elle semble refermée sur son monde, l’aventure vient sonner à sa porte quand le miroir de sa chambre se met à scintiller. Curieuse, la jeune fille effleure le miroir et se retrouve soudainement projetée dans un immense château digne d’un conte de fées. À sa grande surprise, six autres jeunes adolescents sont là. Ensemble, ils tenteront de répondre à l’énigme que leur soumet l’étrange Reine Louve, et qui leur permettra de réaliser un vœu. Mais, au-delà de cet objectif, les sept enfants comprendront peu à peu ce qui les relie, et apprendrons à regagner confiance.
Écouter les victimes au lieu de montrer des agressions pour choquer
Il y a certains films dans lesquels on a envie de s’envelopper, de s’échapper. Le château solitaire dans le miroir en fait partie. Malgré ses allures de conte fantastique et féérique, ce film japonais adapté d’un best-seller (il s’est vendu à plus d’un million d’exemplaires au Japon) étonne par la justesse de sa représentation d’un thème social difficile, tabou et trop peu représenté dans la fiction : le harcèlement scolaire.
Le film est un peu comme le château qu’il donne à voir : c’est une safe place. Comme Kokoro qui prend de longues heures, sur toute une année, pour se rendre de l’autre côté du miroir, Le château solitaire dans le miroir ne mise pas sur un scénario rocambolesque qui file à toute vitesse mais prend le temps nécessaire pour évoquer le traumatisme sans brusquer. On est loin de ces films qui versent dans le trauma porn en montrant le harcèlement avec de longues scènes crues, comme s’il fallait choquer pour faire comprendre la souffrance. La dimension profondément éthique du film rend d’autant plus marquants les quelques moments où l’on voit de quoi les agresseurs sont capables. Le réalisateur Keiichi Hara montre surtout le hors-champ de la violence à l’école. Il s’intéresse moins aux agressions spécifiques qu’à la façon dont les victimes vivent cette violence. En cela, le cinéaste montre que cette dernière ne se joue pas seulement le temps de la récréation, mais reconfigure profondément le rapport au monde de ces enfants.
Il en résulte un film poignant, avec lequel il est difficile de ne pas connecter tant il montre avec justesse ce que c’est que d’être un enfant qui a été exclu, un enfant rongé par l’angoisse, un enfant auquel on a enlevé, si tôt, toute confiance en lui et en les autres. Ce qui intéresse Keiichi Hara, c’est moins le potentiel magique du château qu’un espace dans lequel ces victimes, constamment isolées, marginalisées et privées de parole, ont enfin le droit d’échanger, comprendre qu’ils sont très loin d’êtres seuls.
En réunissant sept personnages au lieu de ne s’intéresser qu’à un seul, le film montre un phénomène systémique, qu’il est nécessaire de regarder en face au lieu de croire que « ça n’arrive qu’aux autres », aux adolescents marginaux, bizarres. De fait, en 2021, 499 enfants japonais se sont suicidés à cause du harcèlement scolaire. Ce film fondé sur le collectif, sur la parole, qui montre leur mal-être, mais surtout leur courage était la meilleure façon de leur rendre hommage.
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
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