Sabine Wespieser éditeur
Gyl ne donne plus de nouvelles, n’en a pas donné depuis longtemps. Rien n’indique que quelque chose cloche, mais, sans bien savoir pourquoi, Anne décide de prendre le transsibérien, de se rendre jusqu’à ce hameau près du lac Baïkal où son ancien compagnon s’est installé.
De l’autre côté de la vitre défilent les paysages glacés. Le voyage s’est imposé de lui-même. Les autres voyageurs prennent leurs aises, les mômes en pyjama piaillent après leurs mères, des Russes taiseux boivent du café dans la voiture-restaurant. Et dans cette roulante annexe de la Russie, baragouinant la langue de Dostoïevski, Anne ne pense qu’à Paris. Paris et sa voisine sur canapé rouge. Leurs heures de lecture ensemble, la vieille femme l’écoutant raconter les vies libres et éclatantes d’Olympe (de Gouges), de Marion (du Faouët), de Milena (Jesenska), féministes avant l’heure, amoureuses absolues, élevées au rang de légendes par ces deux amies – des légendes de bonne compagnie, devenues presque des intimes.
« Je cherchais à comprendre en quoi ce voyage était différent, je convenais qu’il n’était plus porté par ce qu’il l’avait initié mais par autre chose, quelque chose qui m’obligeait à admettre qu’il s’agissait de moi seule ». Loin de son pays, hors de sa langue maternelle, c’est en cherchant à rejoindre son passé que la narratrice prend conscience de ce qui la rend vivante aujourd’hui.
L’élégance domine l’ensemble : on ne déballe pas l’intimité du personnage, c’est mal élevé. Construit sans effets de manche, Le Canapé Rouge est imprégné de l’atmosphère cotonneuse du dépaysement passif et de la mélancolie douce du retour à soi.
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