Tom Cruise renvoie ses trophées, Scarlett Johansson dénonce un sexisme à la limite du harcèlement sexuel, la chaîne NBC refuse de diffuser la cérémonie… Mais que se passe-t-il du côté des Golden Globes et de son jury ?
Il semblerait que les Golden Globes soient dans une mouise terrible : les journalistes qui constituent son jury (la HFPA, pour Hollywood Foreign Press Association — l’association de la presse étrangère d’Hollywood, en français) ont été pointés du doigt pour leurs comportements problématiques et leur manque d’inclusivité. Mais le caractère très soudain et très retentissant de ce tollé nous met la puce à l’oreille…
Eh oh, on n’est pas dupe : Hollywood ne vient pas de se « rendre compte » de son propre caractère excluant. Il y a probablement quelque chose derrière tout ça.
Un jury des Golden Globes bel et bien problématique
Le rôle de la HFPA n’est pas des moindres : composée d’un jury de 90 journalistes, c’est elle qui décerne les Golden Globes, prix prestigieux accordés aux meilleurs films et séries ainsi qu’à celles et ceux qui les portent.
Malheureusement, il est vrai que cette association a beaucoup de problèmes à régler. Et ça fait quelques temps déjà que la composition du jury est sous les feux des critiques : en février 2021, lors de la cérémonie même, plusieurs personnalités avaient dénoncé le manque de diversité au sein de la HFPA. Tenez-vous bien : pas un seul journaliste noir n’a participé à ce jury en deux décennies, comme le montre cet article du Huffington Post qui rappelle l’aveu de Meher Tatna, ancienne présidente de l’HFPA, à ce sujet. Pourtant, le jury comporte environ 90 journalistes !
Une des présentatrices, Amy Poehler, avait ouvert le bal des hostilités à peine l’événement commencé :
« On peut comprendre que tout le monde soit contrarié par la HFPA et ses choix. Beaucoup d’ordures tape-à-l’œil ont été nominées […] C’est leur truc. Mais un certain nombre d’acteurs noirs et de projets menés par des personnes noires ont été négligés. »
Faisant écho à cette affirmation, l’acteur Sterling K. Brown avait lancé un « C’est bon d’être noir à Hollywood ! » plein de sarcasme. Grosse ambiance.
Côté misogynie, la HFPA ne chôme pas non plus. Scarlett Johannson avait déclaré à Variety ne plus participer aux conférences de presse à cause du sexisme qui y règne en maître :
« Quand un acteur fait la promotion d’un film, on attend de lui qu’il participe à la saison de remises des prix en participant aux conférences de presse […] Dans le passé, cela voulait souvent dire répondre à des questions et des remarques sexistes de certains des membres de la HFPA, qui frôlent le harcèlement sexuel. C’est exactement la raison pour laquelle je refuse depuis plusieurs années de participer à leur conférence. »
Sexisme éhonté que l’association contre les violences sexuelles Time’s Up avait déjà soulignée il y a de ça plusieurs années.
Un boycott des Golden Globes exemplaire…
Avec un tel scandale, la HFPA a bien été obligée de rectifier le tir. L’association a donc annoncé une réforme le 6 mai dernier. Parmi les mesures approuvées, on trouve l’augmentation de leur effectif de 50% avec notamment le recrutement de journalistes noirs
. Le système d’admission, considéré opaque et restrictif, sera aussi modifié.
Mais bon, visiblement ça n’a pas trop marché : tout le monde a décidé de boycotter l’association quand même. Les filiales cinéma et télévision de Warner vont couper toute interaction directe avec elle, Netflix et Amazon Studios ont déclaré ne plus vouloir bosser avec elle tant qu’il n’y aurait pas de changement significatif en vue, et cerise sur le gâteau : la célèbre chaîne NBC refuse maintenant de diffuser la prochaine cérémonie.
…mais trop spectaculaire pour être honnête ?
A priori, on pourrait se dire que ce n’est pas plus mal. En effet, il est temps que les jury et les remises de prix soient à l’image de l’univers audiovisuel — lequel est, lui, bien divers !
Mais ce boycott arrivé en fanfare nous laisse dubitative, on doit l’avouer. Parce que le racisme et la misogynie d’Hollywood ne datent pas d’hier… Toutes ces personnalités et entreprises auraient-elles des motivations moins nobles cachées sous une belle couche vernie d’activisme ?
On se permet une telle supposition parce que les accusations de corruption du côté des Golden Globes vont bon train, notamment depuis la double nomination d’Emily in Paris (alors qu’I May Destroy You a été snobée), comme nous le rappelle le Huffington Post.
Ce sont en effet ces nominations pour le moins suspectes qui ont poussé les journalistes du Los Angeles Times à enquêter sur les pratiques entre studios de production et HFPA. Sans surprise, le média avait révélé le 21 février une culture de la corruption chez les membres de l’association… Selon l’enquête, la Paramount Network, qui produit Emily in Paris, aurait invité avant la cérémonie une trentaine de membres de la HFPA à un voyage de luxe à Paris. Comment croire à l’objectivité des nominations lorsqu’on prend connaissance de genre d’affaires ?
S’il y a vraiment une culture de la corruption au sein de l’organisation, alors on peut comprendre la tempête qui s’abat sur la HFPA : personne n’a envie d’être mêlé à une affaire de ce type, alors tout le monde se dédouane.
Bien sûr, on n’affirme rien, mais on garde l’œil ouvert. À bientôt pour de nouvelles aventures à Hollywood !
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