Comme le dit Christopher McCandless dans Into the Wild, « L’être humain ne vit qu’à travers les expériences nouvelles »*. C’est pourquoi j’ai décidé d’aller aux frontières du ridicule humain pour tester… Le Bodycombat™, ce sport en salle mélange de fitness et d’arts martiaux inventé pour défouler les mammifères urbains stressés.
Le fitness étant pour moi un territoire aussi vierge que le Groenland, j’aborde le cours dans un état d’esprit très politiquement correct : bien qu’assaillie d’images plus cliché les unes que les autres (prof-Ken, élèves sortis d’un clip d’Eric Prydz, musique à faire pleurer les DJs…), je refuse d’y croire et j’attends de voir.
Première constatation : les clichés ne sont pas morts. Ils ont même décidé de tous se pointer à mon premier cours de Bodycombat™. Comme je me l’imaginais, mon prof a une tête de Ken sur un corps enflé à la fonte. Ce à quoi je ne m’attendais pas, c’est ce micro-casque à la Madonna qui émerge de sa chevelure pétrifiée de gel.
Un micro-casque ? La salle est loin d’être aussi grande qu’un Palais des Sports et personne ici ne semble porter de sonotone alors pourquoi cet accessoire ? La réponse viendra après environ 40 minutes de cours et quelques pauses, quand Ken à la gym décide de pousser le volume de la musique jusqu’à la limite du soutenable, histoire me massacrer les tympans et de « libérer l’énergie » de ses élèves.
Coups de genou dans les burnes et crochets dans la gueule imaginaires
Pour libérer leur énergie, ils la libèrent tes élèves, mon pote. Autour de moi, tout n’est que corps luisants de transpi : je pourrais presque sentir les vagues de chaleur émerger lentement des muscles bandés. Sous les instructions du prof, des nanas aux fesses moulées à la louche enchaînent à toute vitesse les mouvements de boxe, de karaté, de Tae Kwen Do… Et pendant que la sueur innonde mon t-shirt**, il me vient des images de Walker Texas Ranger et du Flic de Shanghaï (les séries de qualité font les individus de qualité).
Soudain, en plein combo, un flash m’assaille. Je quitte mon corps meurtri un instant et je nous vois tels que nous sommes : des dizaines de bipèdes luisants enfermés dans une salle de sport, absorbés par des genoux dans les burnes et autres crochets dans la gueule imaginaires. En massacrant le vide, à quoi pense cette petite brune profilée comme une balle de Beretta ? Et cette dame d’une quarantaine d’année, qu’est-ce qui la pousse à high-kicker la rage aux dents ? A quel épisode traumatisant de l’enfance peut penser le prof pour convoquer toute cette violence ? A la mort suspecte de son hamster sous les roues de la CX de son père ?
Je ne le saurai sans doute jamais (et j’irai pas lui demander), mais le hippie qui sommeille en moi devait lui aussi avoir la haine ce soir-là. Sinon, comment expliquer cet étrange sentiment à la fin du cours : l’envie de dévisser la tête du prof pour m’avoir fait endurer plusieurs minutes de souffrances auditives (voir plus haut). La provocation ne mérite pourtant pas une telle réaction, alors pourquoi me mettre la rate au court-bouillon… La cause est sans doute ce que j’appellerais un « transfert d’agressivité sportive » : après 1h de combat pour de faux, il ne me faut pas qu’une douche : il me faut une victime. Quel étrange effet secondaire… Note pour moi-même : la prochaine fois, j’enchaîne par un cours de yoga. Ca m’évitera de vouloir éclater l’humanité à la batte en sortant.
* ou quelque chose dans ce goût-là.
** sexy, hein ?
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Les Commentaires
Nan en effet, d'après ce que j'ai pu en voir pour l'instant, tu fais des gestes mais sans vraiment apprendre la technique.