Entre Laurent Lafitte et moi, c’était mal parti. En bonne novice que j’étais, je l’ai découvert dans Les Petits Mouchoirs, un film que je n’ai malheureusement pas réussi à aimer – j’aurais peut-être changé d’avis si c’était des huîtres que Joël jetait sur tu-sais-quoi-je-peux-pas-dire-sinon-c’est-spoiler à la fin du film. J’ai tellement haï ce film (personne ne part en vacances si je suis dans le coma, ok ? Si je tombe dans le coma, le monde doit s’arrêter de tourner, sinon c’est pas cool) que j’ai cru mourir de déception tant je l’attendais depuis des mois. Je suis passée à côté de lui, comme on passe à côté d’un mendiant quand on n’a qu’un billet de 50€ dans son portefeuille. Je voyais bien qu’il y avait dans le casting un mec pas trop dégueulasse, mais j’arrivais pas à mettre le doigt dessus. Je n’y arrive toujours pas d’ailleurs. Enfin pas comme je voudrais, quoi.
Alors donc, Laurent Lafitte. Son nom, déjà, évoque un grand vin de Bordeaux, ce qui n’est pas négligeable ; à mon oreille, ça sonne comme une invitation à l’ivresse qui coûte cher, à celle que je ne pourrais probablement jamais payer, ou alors avec les sous de mon loyer. C’est fou parce que, physiquement, il ne correspond pas tellement à mes critères. Un peu propret, les dents d’une blancheur morandinesque et les sourcils bien dessinés, il n’a rien à voir avec mon style habituel. Parfois, il a même les cheveux trop longs et la raie sur le côté, si bien qu’on dirait un peu qu’il est passé dans une machine à laver ou sous les aisselles de Christophe Lemaitre après un 400 mètres, je sais pas trop. Mais c’est rien, c’est pas grave. On lui pardonne. Je lui pardonne.
« Vas-y t’as cru j’savais pas faire le mec profond », semble me dire Alexandre Ast Laurent.
Je lui pardonne, parce que Laurent Lafitte, c’est avant tout une voix,
et c’est d’ailleurs comme ça que je l’ai réellement découvert. Sur France Inter, il animait avec Zabou Breitman À votre écoute coûte que coûte, émission satirique qui m’a fait pleurer de rire 7 minutes par jour, cinq jours sur sept. Alors que je faisais tout pour tenter de dissimuler mon fou rire aux autres passagers du train, je me souviens m’être maintes et maintes fois fait cette réflexion : « Je voudrais me rouler dans cette voix comme si elle était un pot de rillettes » (pour être très honnête, ce devait être plus proche de l’onomatopée fébrile, mais graphiquement, c’est moins vendeur). Une voix plutôt grave, assez chantante et mélodieuse, avec des accentuations dignes de sa formation de comédien, et douce comme une tranche de pain de mie lavée à l’assouplissant. Une voix comme on n’en fait plus, ou du moins comme on n’en fait pas assez. Et puis en plus, sous ses poils, y a des fossettes :
Et puis je me suis rappelée du physique derrière ce nom, après avoir été apprivoisée par sa voix. Un physique tantôt de bûcheron qui n’a pas le temps d’aller chez le coiffeur parce que « Oh, les arbres ne vont pas se couper tout seul hein », parfois impeccable en smoking pour la cérémonie honorant la grande famille du cinéma qu’on appelle Césars, ou bien parfait en man-next-door avec la barbe de 6 jours, les yeux plissés et le sourire franc. En plus d’être un humoriste à succès, un acteur de théâtre et de cinéma reconnu, il est à peu près physiquement aussi proche de la perfection que je suis proche de mon écran (et j’ai pas mes lunettes alors c’est pour dire).
POILS.
Tu sais, ce n’est qu’hier que j’ai réalisé mon réel attachement pour lui. Il est la seule raison qui m’a fait supporter L’amour c’est mieux à deux, cette bluette sentimentale diffusée hier soir sur France 2 et qui m’a fait autant d’effet qu’une gencive qui saigne après le brossage de dents du matin : je savais qu’il était dedans, alors j’ai tenu le coup. Ce qui me fait dire que, pour lui, je pourrais décrocher la lune, les étoiles ou tout au moins la boisson énergisante sur l’étagère la plus haute du rayon frais de mon supermarché de proximité. Laurent Lafitte a fait de moi, en quelque sorte, une femme meilleure, une femme plus forte que rien ni personne ne peut arrêter dans son cheminement vers la paix du corps et de l’esprit.
Sauf peut-être un paquet de chips.
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