Article initialement publié le 13 janvier 2016
Le 28 octobre 2015 — Quelques semaines après l’explosion de sa campagne de crowdfunding sur Ulule et l’envol de son projet de BD Comme Convenu, l’illustratrice Laurel a eu la gentillesse de répondre à nos questions depuis les États-Unis !
Interview de Laurel, auteure de Comme Convenu
À lire aussi : The Daily Struggle : Laurel raconte la création de sa startup en Californie en BD
- Tu as lancé ton crowfunding le 6 octobre, et en même pas une journée tu avais dépassé (et de loin) ton financement. Qu’est-ce que ça t’a fait qu’autant de gens te soutiennent, et aussi vite ?
C’est très inattendu, une énorme surprise ! Je suis sur un nuage ! L’auto-édition, c’est un sujet dont j’entends parler depuis un bout de temps maintenant. Je vais pouvoir me faire ma propre expérience, dans de super conditions ! J’espère éventuellement pouvoir aider des confrères en en parlant avec eux, et en répondant à leurs questions s’ils en ont (et si je le peux).
- Est-ce que tu t’attendais à ce succès ? Ou au moins à ce qu’il soit aussi rapide ?
Pas du tout ! Je voulais absolument faire imprimer ce livre, ça me tenait à coeur. Je me suis renseignée un peu, et j’ai compris qu’il me faudrait environ 14 000€ pour atteindre cet objectif. Je pensais que demander plus de 10 000€ serait mal perçu, c’est pour ça que j’ai demandé 9 000€ — au pire je pouvais mettre le reste de ma poche en faisant un crédit.
Ça peut sembler un peu dingue, d’autant que j’avais des propositions de plusieurs éditeurs. Mais la rémunération proposée n’était pas du tout viable, donc j’ai dû décliner. Beaucoup d’auteurs vivent d’autres boulots en parallèle, aujourd’hui certains ont même récemment dû arrêter et prendre un autre job. Nos conditions de travail sont de pire en pire et ça dure depuis des années, cela concerne les dessinateurs comme les scénaristes ou les écrivains. Je me suis dit que c’était un bon risque à prendre.
- Pourquoi, à ton avis, les gens ont-ils eu autant envie que tu mènes à bien ton projet Comme Convenu ?
Pour certains c’est un moyen de me soutenir pour ce blog que je mets régulièrement à jour depuis 2003. D’autres apprécient de posséder un vrai exemplaire imprimé d’une histoire qu’ils aiment suivre depuis un an et demi. Offrir ce livre est aussi une bonne manière de faire découvrir l’histoire à un proche, je pense. Voire de montrer à quelqu’un ce qu’il ne faut surtout pas faire quand on débute dans la vie active…
En tout cas, j’ai réalisé que la communauté des lecteurs est vraiment présente et qu’elle est prête à soutenir les auteurs, ça fait chaud au coeur. Ça peut paraitre évident, mais quand il y a un éditeur entre l’auteur et le lecteur, on a du mal à s’en rendre compte… On ne peut que se baser sur le revenu, et comme un auteur gagne en général moins d’un euro par livre vendu, il est souvent assez faible.
Ici aux États-Unis, les livres édités rapportent également assez peu aux auteurs de ce que j’ai pu comprendre. Cependant ils donnent de la notoriété, et les artistes vivent de ce qu’ils vendent dans les Comic Conventions (en faisant des dédicaces payantes, des art books…). C’est aussi directement les lecteurs qui soutiennent les auteurs dans ce cas.
- Comment penses-tu utiliser tout cet argent « bonus » ? Tu avais besoin de 10 000€, tu as ce 28 octobre 188 400€ et ça monte encore.
La somme affichée sur Ulule au-delà de la somme demandée au départ est loin d’être complètement un bonus. J’ai eu bien plus de contributions que je n’aurais osé l’espérer. Mais proportionnellement, je dois aussi faire imprimer et livrer bien plus de bouquins (et passer un temps énorme sur les dédicaces, plusieurs jours entiers) !
Ce que j’ai déjà commencé à faire avec l’argent supplémentaire, c’est discuter avec l’imprimeur pour avoir ce qui se fait de mieux en terme de qualité. J’ai commandé un premier prototype que je devrais recevoir d’ici une bonne semaine, j’espère qu’il va être à la hauteur de mes attentes !
Aussi, le livre contiendra plus de pages qu’initialement prévu pour inclure les noms des contributeurs (ceux qui le désirent), et d’autres surprises.
- Vas-tu investir cet argent dans ta start-up (d’ailleurs, es-tu toujours dans cette aventure de start-up de jeux vidéo ?), ou le garder pour construire d’autres choses autour de ta BD ?
Je ne sais pas trop comment répondre à la partie entre parenthèses de cette question sans trop spoiler les lecteurs. Mais en ce qui concerne les sous, même si je n’ai aucune idée de ce qui va rester après les différents frais (comme John Hammond, « j’ai dépensé sans compter » pour les bonus et goodies), je pense en réserver pour construire d’autres choses autour de la BD, et m’assurer de manger pendant que je travaille sur la seconde partie (et fin de l’histoire), qui me prendra un an et demi. Je publierai tout sur le blog et les réseaux sociaux au fur et à mesure bien sûr, la BD sera toujours disponible gratuitement sur le Net.
- La réalisation de cette BD, d’ailleurs, tu ne le cachais pas : tu en avais besoin. Comment vas-tu depuis que tu l’as finie ?
Comme je le mentionne dans ma réponse précédente il y aura deux tomes, du coup on ne peut pas vraiment dire que ce soit fini. Mais je me sens déjà mieux, j’ai pris du recul sur beaucoup de choses. Et puis, je suis contente de laisser à ma fille (et autres futurs enfants ?) un témoignage de cette période de transition entre la France et les États-Unis. Cerise a 13 ans et a vécu les choses différemment, ça lui permettra d’avoir le point de vue de ses parents sur cette période, plus tard.
- Est-ce que sa publication va marquer un tournant dans ta vie d’artiste, mais aussi ta vie personnelle, en mettant un point final à tout ce qu’il s’est passé entre toi et tes (ex ?) collaborateurs ?
Savoir que j’ai cette communauté de lecteurs adorables qui me soutient va marquer un tournant pour moi, d’un point de vue personnel.
Je ne vais pas pour autant prendre la grosse tête, je vais bien sûr continuer à répondre à tous les commentaires et poster plein de dessins comme je l’ai toujours fait, hein ! Je dis ça parce que j’ai reçu quelques commentaires mentionnant le fait que je postais déjà moins de dessins depuis ma réussite avec le crowdfunding…
Je peux vous assurer que je dors peu en ce moment, j’essaye de contenter tout le monde, de répondre à chacun•e personnellement (ce qui m’a pris une semaine complète). Ce projet d’auto-édition est assez chronophage, et puis j’ai aussi d’autres projets en cours avec des clients, je ne peux pas les laisser tomber.
- D’ailleurs comment tes collaborateurs prennent le fait que tu les dessines et que tu raconte tes déboires avec eux sur le Net ?
Je ne parle pas de ce sujet avec mes associés réels. Mes associés dans la BD sont des personnages fictifs. Je pense que je ne suis pas la première personne à écrire une histoire très inspirée de sa propre vie. Ces personnages d’associés étaient essentiels à mon récit, je fais juste attention à préserver leur anonymat.
- As-tu d’autres projets de BD en tête, après Cerise (un tome 4 peut-être ?) et Comme Convenu, ou as-tu envie de prendre un peu de temps avant de te relancer dans l’aventure ?
Je n’ai pas eu de nouvelles de mon éditeur pour Cerise tome 4, je n’y crois plus tellement (le tome 3 est sorti en juillet, ils m’ont dit qu’ils me tenaient au courant, mais nous sommes en octobre). Je vais travailler sur la deuxième partie de Comme Convenu, et peut-être publier un ou deux autres petits livres par moi-même si je n’ai pas trop de mauvaises surprises avec cette première expérience d’auto-édition.
À lire aussi : Retour d’un auteur sur l’édition d’un livre
Merci à Laurel pour ses réponses !
Les Commentaires