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Source : Midjourney
Féminisme

Laura, 37 ans : « Parfois, je regrette d’être devenue féministe »

Dans Déclic, le nouveau format de Madmoizelle, des personnes nous racontent leur prise de conscience féministe et ce que cela a changé pour elles. Amitiés, amour, job… aujourd’hui, Laura raconte comment elle a remis tous les compteurs à zéro après un déclic sur le tard.
  • Prénom : Laura
  • Âge : 37 ans
  • Occupation : Office manager
  • Lieu de vie : Banlieue parisienne

Comment décririez-vous votre rapport au féminisme ?

Compliqué. J’aime le fait d’être devenue féministe, mais parfois, je le regrette également. Ce que j’appelle ma « révolution féministe » m’a ouvert les yeux sur tellement de domaines et m’a transformée en profondeur. Pour autant, je ne suis pas sûre d’être plus heureuse. On dit « heureux sont les ignorants », je pense vraiment que cela s’applique à mon cas. J’ai quand même cette joie immense de m’accomplir enfin en tant que femme. Je pense que d’ici à quelques années, je dirai que tout cela était positif. Mais, pour l’instant, je suis encore en plein travail de réinvention et c’est parfois difficile. 

Avez-vous grandi dans un milieu féministe ?

Pas du tout ! Mon père ne capte pas du tout, ma mère essaye de suivre mais ses vieux réflexes refont surface régulièrement. Je me sens un peu seule parfois, mais ce n’est pas grave.

L’exception est ma sœur. Elle est plus jeune, presque d’une autre génération, quand on voit comment elle a évolué par rapport à moi. En observant ses réactions face aux hommes, ses prises de paroles, la place qu’elle se permettait de prendre dans son propre scénario de vie, j’ai compris qu’il me manquait quelque chose. C’était le féminisme. Mais je ne le savais pas encore.  Un jour, elle a dit, à table, devant toute la famille et de manière assez virulente : « Aujourd’hui avec tous les comptes qui existent et toute la communication, on n’a plus le droit de ne pas savoir ». Je me suis dit « mais pourquoi moi je ne sais pas ? Qu’est-ce qui me manque ? » et j’ai cherché des comptes Instagram pour m’informer sur le sujet. Je suis tombée sur @orgasme_et_moi, @madmoizelle, et d’autres comptes de ce type qui m’ont ouvert les yeux petit à petit. C’était pour moi la voie la plus facile.

Ensuite, j’ai lu les livres de Mona Chollet, plein d’articles trouvés sur le net, et j’ai surtout changé mon entourage. En changeant de cercle, j’ai modifié les influences de mon quotidien et ça me fait un bien fou.

À quand remonte votre déclic féministe ?

Ça a commencé avec la découverte du yoga vers 27 ans. J’y ai trouvé une philosophie de vie, une meilleure hygiène physique, émotionnelle et mentale. J’ai rencontré des femmes de tout âge et horizon. Elles m’ont appris à me questionner, à remettre en question les schémas dans lesquels j’étais embourbée. 

Ensuite, j’ai fait un petit burn out, j’ai craqué. Sans trop savoir pourquoi, je sentais que mon quotidien n’était plus du tout en phase avec mon être profond. Et pour être honnête, qu’il ne l’avait jamais été. J’ai quitté job et conjoint, je me suis intéressée au développement personnel, à la communication non violente, à l’éducation (j’étais jeune maman). J’ai fait une thérapie, et c’est donc suite à tout ce parcours et cette longue recherche/découverte de moi-même, vers 33 ans, que j’ai découvert le féminisme. 

La boîte à outils féministe de Laura

Comment le féminisme infuse-t-il votre vie aujourd’hui ?

Il intervient à plusieurs niveaux. Déjà, j’ai changé de cercle amical : je n’ai pas gardé dans ma vie ceux que mon engagement gêne. C’est difficile, parce que je repars à zéro à un moment où les gens sont dans leur routine et peinent à intégrer de nouvelles personnes dans leur quotidien. Mais je suis très indépendante, donc les phases de solitude me font du bien. J’ai appris à les apprécier. Mieux vaut être seule que mal accompagnée ! Mon nouveau cercle d’amis est féministe, voire queer, et j’adore débattre de ce genre de questions car j’apprends beaucoup à leur contact.

Je sais également être discrète dans mes convictions pour les amener de manière bienveillante aux personnes restantes de mon entourage qui en ont besoin. Aujourd’hui, je suis un peu devenue la référente de ce genre de question dans les contacts que j’ai gardés de mon ancienne vie, ça me fait rire ! Mais je suis contente d’aider mes amies dans leur propre évolution. J’aurais aimé être entourée plutôt que de tout faire toute seule. Donc quand on vient vers moi avec des questionnements, je m’efforce de répondre sans jugement.

J’ai aussi renoué complètement par hasard avec une ancienne amie qui a fait le même chemin que moi, mais avec un peu d’avance. Elle participe à mon « éducation féministe », on échange sur plein de sujets. 

Professionnellement, je me suis reconvertie suite au burn out. J’ai eu l’occasion de me réinventer, et c’est aussi merveilleux. Aujourd’hui, je me sens davantage respectée, je gagne un peu mieux ma vie, je continue à rêver d’entreprendre, mais je le fais avec plus de sérieux et d’implication. Je crois en moi, enfin. Je ne compte plus sur les hommes pour me donner des coups de pouce et m’aider (ce qu’ils ne font jamais de toute façon !), je n’ai pas besoin d’eux. J’ai l’impression d’avoir enfin trouvé la voie dans laquelle je vais m’épanouir, et même si ça n’a rien à voir avec le féminisme, je pense que mon attitude est conditionnée par ce nouveau mode de pensée. Il influence la façon dont mon entourage professionnel interagit avec moi.

Sur le plan familial, c’est beaucoup plus compliqué. J’ai été élevée dans l’idée de trouver un mari qui prendrait soin de moi et de pondre une myriade de mômes. Autant vous dire que quand j’ai quitté le père de mon fils, qui gagne plutôt bien sa vie, ça a été la catastrophe… Alors que personne ne pouvait l’encadrer ! Le comble. Je n’ai reçu aucun soutien émotionnel, mon père n’a pas arrêté de remettre ma décision en question, au point de me faire sentir comme une moins que rien. Le seul soutien de ma mère se résume à cette phrase : « de toute façon Laura, avec son joli petit cul, elle trouvera bien quelqu’un pour prendre soin d’elle » (véridique et cité mot pour mot). 

Mais j’ai tenu bon, je ne pouvais pas retourner auprès de cet homme qui me « battait verbalement » (c’est la meilleure façon que j’ai trouvée pour décrire son attitude avec moi, je pense qu’elle est assez parlante) et ne faisait que m’empêcher de grandir, d’évoluer. Il avait éteint toute ma lumière. 

Aujourd’hui ma famille voit que je m’en sors seule, ils me soutiennent dans mes études, ma reconversion, et même financièrement dans l’achat de mon appartement par exemple. Mais c’est toujours compliqué avec eux, j’ai l’image de la petite pauvrette qui a besoin d’aide, et j’ai encore besoin de me réaffirmer en tant qu’individu. Par exemple, mon père m’a demandé dernièrement : « et machin il en pense quoi ? » en demandant l’avis de mon amoureux actuel sur un sujet de mécanique que mon amoureux ne maîtrise pas du tout, contrairement à moi ! Je prends donc mes distances. On peut changer d’amis, mais pas de parents…

Avez-vous laissé de côté certaines habitudes, défait certaines croyances, ou posé de nouvelles limites ? 

Oui, des changements ont été faits parallèlement à ma prise de conscience féministe. Je ne pourrais pas dire qui a engendré quoi. Grâce au féminisme, j’ai pris conscience de beaucoup d’attitudes masculines qui aujourd’hui m’irritent, me font me sentir petite ou moins importante. Et je me suis jurée de ne plus me retrouver dans ce genre de situations. Malheureusement, je suis conditionnée pour être attirée par des hommes forts et puissants, que ce soit physiquement ou financièrement. Et ce genre d’hommes, en tout cas dans ma génération, sont bien souvent biberonnés au patriarcat. Ils n’ont pas vraiment d’intérêt à évoluer sur ce point.

Aujourd’hui, même si mon amoureux est un homme adorable et très à l’écoute, il a des réflexes et des attitudes qui ne me conviennent pas. J’ai fait l’effort de lui expliquer comment je souhaite qu’on communique, comment certaines attitudes agissent sur moi. Et, malgré beaucoup de bonne volonté, c’est tellement ancré en lui que je sens bien qu’il n’y aura pas de transformation de son côté. Je suis lasse de ça et je n’ai honnêtement pas envie de faire son éducation au féminisme. Surtout que ce n’est pas un sujet qui l’intéresse, il le fait plutôt pour me faire plaisir. Mais je vois bien qu’il n’y a pas de déclic de son côté. Tout ça pour dire que j’envisage une séparation, avec lui mais avec tous les hommes en règle générale. J’ai la chance d’être bisexuelle et depuis quelques mois, je rêve d’une relation avec une femme. 

Je ne pense pas pouvoir me défaire de mon conditionnement sur les hommes, je reste attirée par les méchants patriarches, c’est moche, mais c’est ça qui m’excite. Alors autant changer définitivement de bord et partir sur une page vierge, vers un monde qu’on ne m’aura jamais pourri avec des idées préconçues puisque jamais personne ne m’en a parlé. Je veux repartir à zéro sur le plan amoureux également. (Merci la lecture de « Spoiler alert, vous êtes lesbienne » !)

J’ai aussi mis le doigt sur des conditionnements auxquels je répondais depuis ma plus tendre enfance, sans en avoir jamais pris conscience. Aujourd’hui, je m’habille de manière toujours aussi féminine, mais moins suggestive. Je suis moins sexy et bizarrement je me sens beaucoup plus attirante. Mon aura a changé, j’ai retrouvé ma lumière. 

Je pose également plus de limites dans mon quotidien. Avec les hommes mais aussi avec le monde en règle générale. Je suis plus forte. J’ai aussi arrêté de me maquiller. Certaines laissent pousser leurs poils, pour moi ça a été très difficile de sortir sans mascara ! 

Avez-vous l’impression d’être arrivée au bout de votre éveil féministe ?

Non, on évolue tout au long de sa vie. Le féminisme en lui-même est en constante évolution, donc j’essaye de suivre le mouvement. 

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Les Commentaires

1
Avatar de Ariel du Pays Imaginaire
13 décembre 2023 à 15h12
Ariel du Pays Imaginaire
Très intéressant ce témoignage mais je suis surprise par la phrase titre sur le regret d'être féministe. Je m'attendais à ce que cet aspect soit développé dans le témoignage et finalement j'ai plutôt vu beaucoup d'éléments positifs d'une personne qui est en train de faire son chemin pour aller mieux et être plus en adéquation avec elle même! Je compatis pour les parents en tout cas, effectivement on choisit ses amis-es mais pas sa famille ! Et la phrase de la maman est violente, j'ai du mal à comprendre qu'on puisse parler comme ça de son enfant (même adulte).
3
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