Dans la plupart des collèges-lycées publics de France et de Navarre, on voit beaucoup plus facilement les élèves arriver en baskets qu’en ballerines ou mocassins, signe du règne du streetwear sur la planète mode depuis quelques années. Mais on serait peut-être bien sur le point de changer d’ère…
Déconfinées, on peut vouloir s’habiller formel, surtout pour la rentrée
La pandémie nous a habituées à porter des joggings plutôt que des pantalons habillés. Et à mesure que l’Occident se déconfine, certaines personnes ont gardé le goût des choses molles, tandis que d’autres veulent rattraper toutes les occasions perdues de s’habiller de façon plus formelle !
Si bien qu’en cette période de rentrée scolaire 2021-2022, l’allure bon chic bon genre (BCBG) d’élèves modèles se réinvente.
Alors que la série originelle Gossip Girl tenait du pinacle preppy, voilà que son reboot illustre à la perfection comment les codes de l’élégance se mâtinent désormais de reliquats sportswear : il devient beaucoup moins choquant d’associer brassière de sport et jupe plissée, qu’on peut aussi bien accessoiriser d’escarpins ou de mocassins que de baskets. Même le legging de sport peut se porter avec un blazer et des bottes !
Un retour du preppy, oui, mais conscient des dynamiques sociales
Mais il s’agit peut-être moins d’un retour en grâce premier degré que d’une réécriture critique de ce que le preppy veut dire. En effet, l’expression renvoie historiquement au style vestimentaire des étudiants en classe préparatoire aux États-Unis et des prestigieuses universités de la Ivy League.
L’uniforme officieux de ce genre de campus jusque dans les années 1990, c’était le combo petit polo ou chemisier, veste de blazer ou petit cardigan, pantalon chino ou jupe plissée, et pompon sur le mocassin : le pull noué autour des épaules !
C’est précisément cette allure qu’imite aujourd’hui TikTok derrière le hashtag #OldMoneyAesthetic, avec déjà près de 40 millions d’occurrences (souvent au second degré… mais pas toujours). Comprendre : des familles à la fortune historique, à l’inverse de ce qu’on appelle en France les « nouveaux riches ».
Twister ces codes aujoud’hui s’avère à double-tranchant puisqu’il s’agit aussi d’un style vestimentaire fortement lié à, et même fondé sur des enjeux de domination de classe et de race sociale.
Mais des marques en font explicitement un moyen d’interroger la blanchité au sens sociologique du terme.
Interroger la blanchité inhérente au style preppy
C’est le cas par exemple de la griffe Rowing Blazers, qui aborde ce vestiaire avec beaucoup d’ironie dans ses codes iconographiques, et des castings particulièrement diversifiés.
Le label allemand pointu GmbH va quant à lui encore plus loin. Pour sa collection printemps-été 2022 baptisée White Noise, la marque menée par Benjamin Alexander Huseby et Serhat Işıka a ainsi fait défiler des archétypes de la blanchité et ses codes si preppy telle une satire, expliquant notamment au média i-D :
« GmbH en tant que projet a toujours eu pour objectif de décoloniser nos esprits, à travers la mode et en collaboration avec notre communauté.
On s’est toujours attendu à ce que nous décrivions nos cultures [d’origine en tant que personnes racisées] — et c’est une grande partie de ce que nous faisons et de ce que nous avons fait jusqu’à présent. Mais la culture que nous explorons ici est celle dans laquelle nous sommes nés ; pourtant on nous a toujours dit que nous n’en faisions pas partie.
Nous voulions explorer ce à quoi cela ressemblerait pour une marque comme GmbH de changer les choses et de s’approprier la culture blanche. »
Déjà, dans les années 1980-1990, des marques haut de gamme ou de luxe comme Burberry, Gucci et Lacoste voyaient d’un mauvais œil la façon dont certains groupes sociaux jugés trop populaires à leur goût pouvaient s’approprier leurs vêtements et logos.
Mais ce genre de discours ne peut plus être assumés publiquement aujourd’hui, et c’est même le mouvement inverse qui commence à se dessiner : une partie grandissante de l’industrie du luxe tente de séduire ces mêmes groupes sociaux longtemps ignorés et méprisés.
En atteste par exemple Gucci qui collabore en 2018 avec Dapper Dan, créateur des quartiers populaires new-yorkais autrefois détesté par la marque italienne parce qu’il détournait ses codes dans les années 1980 !
Citons également Lacoste qui court désormais après les rappeurs (après les accusations d’agressions sexuelles qui pesaient sur ses ambassadeurs Roméo Elvis et Moha La Squale, la marque au crocodile s’est récemment rabattue sur A$AP Nast).
Les codes BCBG d’élèves modèles tentent donc de revenir au goût du jour en prenant en compte les discours sur les questions de classe, de race, et de genre, y compris d’ailleurs du côté des marques à petit prix comme H&M qui vient de sortir une collection so preppy en collab avec la série Sex Education dont la troisième saison débarque le 17 septembre 2021.
Les sites de revente s’agitent déjà autour de ce retour de tendance, comme vient de le relever le Guardian. Sur le site de revente The RealReal, les recherches pour des marques streetwear seraient en baisse, tandis que celles historiquement perçues comme preppy tels que Ralph Lauren connaissent de fortes hausses ces derniers mois.
Même constat chez Depop, où le mot-clé « preppy » connaît une augmentation de 57% depuis le mois de juin 2021.
C’est donc le moment de dégainer vos plus beaux serre-têtes, jupe plissées, chemisiers, cardigans, ballerines et mocassins. Décidément, les élèves modèles ont toujours des leçons à nous donner.
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Crédit photo : H&M ; Gossip Girl ; GmbH
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