C’était une des dates les plus attendues depuis la rentrée. Lana Del Rey, nouvelle sensation pop au visage mi-héroïne déchue mi-Hollywoodienne boudeuse, venait à la rencontre du public français pour la première fois depuis le sacre de Video Games sur tous les Internets.
L’occasion pour beaucoup de venir prendre la température et répondre aux questions suspendues aux lèvres de tous : méritait-elle tout ce buzz la consacrant avatar de notre époque consommatrice de vintage ? N’est-elle pas que symptomatique d’une industrie de la musique constamment désireuse de nouvelles icônes indé ? Et d’ailleurs, indé, l’est-elle vraiment ? Ou se fait-on berner depuis le début par un phénomène YouTube bien ficelé ?
À l’entrée, le public est double : il y a les fans de la première heure, ceux qui veulent vérifier si Lana chante aussi bien et est aussi envoûtante que dans ses clips faits maison, mais qui y croient déjà – dur comme fer, ceux-là même qui ont acheté leurs places dès les premières heures de vente. Puis il y a les journalistes, ceux qui sont venus observer, souvent obstensiblement détachés ( « boarf, je suis venu parce que j’ai eu une invit »), pas forcément enjoués. J’avais la curiosité des premiers, la casquette des seconds.
Quand la première partie commence, la salle est encore remplie de discussions sur Lana. Certains ont pris le train pour venir voir la rouquine; d’autres, plus dubitatifs, rappellent doucement qu’« elle a chanté faux » lors de son live avec Woodkid (Woodkid dont je vous ai d’ailleurs déjà parlé ici). Au bar, un débat fait se disputer deux écoles : ceux qui trouvent Lana Del Rey complètement captivante et ne parlent d’elle qu’en superlatifs, ceux qui ne la trouvent « pas si jolie », ou « en tout cas pas autant qu’à l’époque où elle n’avait pas cette bouche si gonflée ».
Source : www.hipsterrunoff.com
Quand Lana arrive finalement sur scène, l’accueil est chaleureux. Certains se sont même mis debout sur les chaises et dans les escaliers, prêts à escalader le mobilier pour ne rien rater du concert. Engoncée dans une petite robe blanche et moulante, la New-yorkaise installe sa voix lancinante, chanson après chanson. Elle commence par Without You, morceau sur lequel elle rayonne. S’ensuit Born To Die, et Lana minaude sur scène, entre deux sourires qui surprennent presque les spectateurs, trop habitués à la moue blasée qu’elle affiche dans les séquences tournées à la webcam de Video Games.
Blue Jeans met tout le monde d’accord, et le public se met à chantonner. La scénographie est intéressante : Lana Del Rey, tout de blanc vêtue, irradie comme sortie des ténèbres. Sa présence a quelque chose d’à la fois angélique (elle renvoie un truc incroyablement doux, comparable à, disons du jus de goyave, euh.. un été où il ferait trop chaud à Los Angeles) et diabolique (ce roux, cette bouche – bien que finalement moins charnue que dans ses clips). Presque dramatique, la chanteuse murmure ses paroles, comme une lente incantation qui la transporte, le visage encadré de cette chevelure rousse, dense et parfaitement brushinguée.Quand vient le tour de Video Games, le titre qui l’a révélée aux Internets, un bourdonnement s’échappe de la fosse. Les spectateurs sont captivés. La voix de Lana, profonde et enivrante, trouve son écho dans les images qui défilent derrière elles (celles du clip, filmées en Super 8), sur les ballons suspendus au dessus de la scène. On se sent nostalgique, sans trop savoir de quoi et pourquoi. Les images de palmiers de Beverly Hills et de hordes de paparazzi en noir et blanc quand Lana susurre « It’s you, it’s you, it’s all for you, everything I dooo » y sont probablement pour quelque chose. On en oublie presque que l’ambiance devient digne de celle des saunas.
Lana semble timide, mais au fur et à mesure du concert, elle s’installe. Peu loquace, elle risquera tout de même un « Je suis heureuse d’être à Paris. Cette ville m’a beaucoup inspirée pour mon album. » Parfois gênée par sa robe un peu courte (elle tirera dessus à plusieurs reprises pour éviter que le vêtement ne remonte trop), la chanteuse oscille merveilleusement bien entre voix suave (profonde, voire sombre) et timbre enfantin.
Clélia, une lectrice de madmoiZelle venue de Lille, me confiera plus tard : « quand l’image de Jessica Rabbit, la rousse de Tex Avery a défilé au dessus de Lana, la ressemblance m’a frappé : bouche pulpeuse, teint parfait, chevelure en cascade. C’était les mêmes. »
Lana poursuit avec You Can Be The Boss
, puis Off To The Races. À ce stade du concert, le public semble complètement sous le charme. Au vue de leurs yeux grands écarquillés, je devine même l’envoûtement de certains, presque hypnotisés par cette figure glamour et mélancolique, qui semble enfin réelle, debout devant eux, sur scène, là, à quelques mètres.
Off To The Races touche à sa fin, et on a à peine le temps de cligner un oeil que l’on se rend compte que le concert aussi. Lana s’éclipse derrière le rideau, part, sans présenter ses musiciens, restés sur scène pour continuer encore quelques notes et ranger leurs affaires.
« Ce n’est pas possible », entend t-on déjà. « Elle va revenir ! » Et le public de scander « Lana, Lana, Lana, Lana ! », exigeant son rappel. Le grondement devient peu à peu des sifflements, ceux des spectateurs qui se sentent lésés et en veulent encore. « Elle n’a pas dit au revoir, elle va forcément revenir ! » crie le garçon à ma gauche, venu de Lyon pour voir la chanteuse. Lana ne reviendra jamais.
À la sortie du concert, la déception se fait sentir. « C’était 10 fois trop court », souffle une jeune fille. « Elle a été d’une prétention ! », rage sa voisine. Sur Twitter, les réactions ne se font pas attendre. La colère de la déception et la non-surprise pour les blasés semblent faire chuter d’un seul coup la popularité de Lana Del Rey, « chanteuse issue de la génération Facebook et Tumblr ». « 1 euro la minute de concert, ça fait cher », peste un groupe à côté de moi.
Certains préfèrent prendre la chose avec humour, relevant que ne pas faire de rappel est un truc de diva. De diva aux lèvres botoxées, qui plus est…
… pendant que d’autres font déjà des parallèles avec les concerts de hip-hop, réputés pour être toujours trop courts : Mais sur le réseau de micro-blogging comme devant le Nouveau Casino, il y a des esprits apaisés pour relativiser :Sur le trottoir en face de la salle, les cigarettes post-concert s’allument. Laure livre son appréciation du concert : « Elle a été rayonnante. Elle a magistralement bien chanté. Je ne regrette pas d’avoir pris ma place ! » avant de répondre à son copain qui l’appelle, « Écoute mon lapin. C’était magique. »
Au 104, le bar d’en face, l’aftershow se met doucement en place. Satisfaits du concert, grands enthousiastes et blasés qui veulent poursuivre la soirée à boire quelques pintes en continuant à râler se retrouvent au comptoir.
À la plus grande surprise de tous, Lana fera son apparition. Mieux : elle prendra même le temps de discuter avec les gens. Ceux qui la trouvaient agaçante commencent alors doucement à changer d’avis : « elle était juste timide » . Et si Lana Del Rey n’était qu’une jeune femme qui se sent louve dans son aspiration au succès, mais se retrouve biche effarouchée sous les nouveaux projecteurs ?
>> Lana Del Rey, premier album à paraître en janvier 2012 (Polydor). En concert ce soir au Silencio.
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
Les Commentaires
D'après le compte rendu déjà 20€ pour un premier concert (en France) et pour une fille qui a vraiment buzzé depuis moins de 6 mois et sur 2 morceaux dont on ne sait pas vraiment ce qu'elle vaut en live, c'est cher, même pour l'artiste le plus cool du monde et de la galaxie.
Ensuite, elle est peut-être timide, mais "merci au revoir" c'est juste du domaine de la politesse et ça prend 3 secondes...
Pour finir, comme l'a dit une Madz plus haut, si elle sort son album en janvier 2012 elle doit bien avoir quelques titres en réserve, et même si ce n'était qu'un concert d'introduction au peuple français/présentation de son EP, elle aurait quand même pu, pour un rappel et comme beaucoup le font, faire une reprise ou un titre uniquement live, les gens auraient sans doutes été moins déçus... Je pense qu'elle avait juste pas envie d'en faire (elle ou ceux qui s’occupent d'elle je ne sais pas).
Enfin voilà: 20€ + 35 min + 0 rappel + elle n'a pas l'air d'être très bavarde sur scène (timidité donc), je comprends que certains l'ai trouvée prétentieuse...
Après j'ai vu son live au GJ et c'était plutôt chouette (et sa robe était soublaïme), elle était souriante (à la fin du morceau) et elle a même dit merci (en français dans le texte si je me rappelle bien). Mais je pense que je continuerai à la préférer sur album qu'en live, je ne paierai pas pour aller la voir (à un de ses concerts, mais peut-être en festival...)
Voilà. Désolée du pavé.