Esther est partie à la rencontre des Sénégalaises durant trois semaines. Elle y a réalisé interviews, portraits, reportages, qui s’égrainent au fil des jours sur madmoiZelle.
Pour retrouver le sommaire de tous les articles publiés et la genèse du projet, n’hésite pas à jeter un œil à l’article de présentation : madmoiZelle en reportage au Sénégal !
Je retrouve Salamata Athie devant la faculté de médecine, de pharmacie et d’odonstomatologie à Dakar. Je suis intriguée : est-ce qu’elle mène des études de médecine en parallèle à son blog ?
Il s’avère qu’elle est en réalité étudiante sur le campus des lettres, mais « ici, ils sont privilégiés, c’est plus calme », m’explique-t-elle en souriant.
lajeunedame.com, fruit du travail de Salamata Athie
Et c’est vrai. L’atmosphère est studieuse dans le jardin coloré de mobilier urbain sur lequel on s’assoit. Pas de là à craindre de déranger les étudiants et étudiantes qui y travaillent, mais l’endroit est accueillant.
À coté de ses études, Salamata mène une vie de jeune entrepreneuse et blogueuse.
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Son site, lajeunedame.com a tout de suite retenu mon attention pour une raison simple : l’article en tête de page la première fois que je l’ai ouvert concernait le 8 mars, et rappelait que non : il ne s’agit pas d’offrir des cadeaux aux femmes.
Ça m’a interpellée car j’avais justement constaté dans plusieurs milieux, notamment en entreprise, que le 8 mars était l’occasion d’organiser un beau repas et d’offrir des tissus aux femmes… parfois sans même mentionner leurs droits, la raison d’existence de cette journée.
Au point que certaines personnes que j’ai rencontrées m’ont expliqué avoir quitté des cérémonies de colère.
Le blog de Salamata traite de sujets divers et variés, de la tisane à la sauge aux conseils pour trouver du soutien pour entreprendre en tant que sénégalaise, en passant par le portrait de la blogueuse mode Browny D.
Salamata, ancienne petite fille sage
Lancer ce site, ça a été son acte de rébellion après un parcours de « jeune fille sage » :
« À l’école, enfant, j’étais très studieuse. Je recevais souvent des prix et des récompenses. Puis j’ai voulu aller dans un très bon collège, mais je n’ai pas été prise. Alors mon père m’a envoyée dans un établissement scolaire où il n’y avait que des jeunes filles.
En 6ème, dans ma classe, on était 54 mais c’était bien, vraiment je garde de bons souvenirs.
Seulement, quand j’ai dû choisir mes études, je voulais faire une école de communication. Et ça, mon père ne le voulait pas, il pensait qu’un diplôme de l’université était mieux reconnu. Donc il m’a obligée à aller en licence d’anglais. »
Pourtant, à ce moment-là, tout ce dont rêve Salamata c’est de communication.
« C’est de la passion, ça ne se contrôle pas.
Donc après ma licence en 2016, j’ai décidé que j’allais faire exactement ce que je voulais. J’ai pris une année sabatique pour lancer mon projet. À la maison, on me disait que j’étais folle, que je n’avais pas de diplôme… »
Créer un magazine différent pour les jeunes sénégalaises
Tant pis pour les pessimistes, Salamata crée son blog avec l’aide d’un ami pour le développement du site.
« Il est précieux car je n’ai pas encore les compétences en code, donc il fait la structure et moi je fais le contenu. »
Le contenu ce sont des articles basés sur ce qu’il manque dans le paysage médiatique, selon elle :
« On a des magazines comme Amina, et il y a des blogs aussi. Mais je pense que ce que je fais est différent.
Au lycée, j’étais entourée de jeunes filles différentes les unes des autres. Ce que je veux c’est montrer cette diversité, pour qu’on puisse se reconnaître dans le contenu. »
À la base, elle concevait vraiment unejeunedame.com comme un blog lifestyle.
« Je l’avais appelé « La Dakaroise », et le but était principalement de parler de mode et de mettre en avant les styles de jeunes femmes ordinaires qui ne se ruinent pas avec des habits hyper chers. Sur celles qui se construisent de super styles avec des pièces trouvées en fripes par exemple.
Je voulais aussi délivrer des conseils et des bons plans sur ce qu’il y a à faire ici à Dakar, mais que ça reste accessible. »
Aujourd’hui quand on observe le contenu, on s’aperçoit que La Jeune Dame aborde des sujets plus vastes, comme cet article sur la sensibilisation au cancer du col de l’utérus et au cancer du sein. Salamata envisage même de développer cette rubrique santé :
« Je m’interroge encore sur le format, mais je pense que ce serait bien de parler plus des maladies qui touchent les femmes. Je ne sais pas encore si je dois le faire avec un médecin qui répond aux questions ou avec un article explicatif. »
Elle souhaite aussi produire de plus en plus de portraits de femmes inspirantes, pour tirer ses lectrices vers le haut : des femmes de tous les jours, de réelles dakaroises « qui peuvent être voilées ou pas, rondes ou minces. »
Elle ajoute :
« Mais je préfère pas parler de femmes éclaircies car je pense quand même qu’il faut donner le bon exemple : les produits éclaircissants sont vraiment mauvais pour la santé ».
Lancer un blog, ce n’est pas chose aisée
Pour l’heure, Salamata connaît des difficultés que peuvent rencontrer beaucoup d’entrepreneuses et d’entrepreneurs à leurs débuts :
« C’est vrai que je ne me paie pas, je garde l’argent pour payer les gens qui travaillent avec moi et pour investir dans du matériel comme des appareils photos par exemple. »
Lorsqu’elle parle des personnes qui travaillent avec elle, il ne s’agit pas de gens qui contribuent au site mais plutôt qui l’accompagnent sur des activités qu’elle a développées en parallèle pour générer des bénéfices :
« J’essaie de gagner un peu d’argent avec la mise à disposition d’hôtesses d’accueil, et en faisant des partenariats de communication : j’écris un article sur le produit d’une marque.
Mais je ne parle que des produits que j’aime, qui respectent la charte de La Jeune Dame : donc pas de produits éclaircissants pour reprendre cet exemple. »
lajeunedame.com, un blog qui ne demande qu’à grandir
Finalement, elle s’affirme et annonce sa première victoire personnelle un grand sourire aux lèvres :
« Mon père ne me faisait pas confiance. Mais aujourd’hui, quand il voit ce que je fais entre le blog et mes autres activités, il est impressionné. Il parle de moi à ses amis. »
Mais peu importe ce qu’il en dit, Salamata a construit tout ça pour elle-même. Et c’est aussi ça, le message qu’elle souhaite faire passer à ses « jeunes dames » à travers son blog :
« Il faut se libérer de l’emprise que peuvent avoir certains hommes ici, que ce soit les pères ou les maris. Tout le monde peut être une jeune dame : une femme africaine, jeune, émancipée, sûre de son potentiel et fière de sa culture. »
En incarnant ce modèle, Salamata donne le bon exemple !
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