En partenariat avec les éditions Akata (notre Manifeste)
Le 11 mars 2021
À quoi pensez-vous lorsqu’on vous dit « science-fiction » ? Peut-être à des planètes lointaines peuplées d’êtres étranges et d’armes laser. Peut-être à un futur utopique débarrassé des guerres, des maladies et des crises écologiques, où nous vivrions en harmonie avec la nature. Peut-être à une inquiétante société totalitaire, écrasant ses citoyens et citoyennes sous la botte rigide du totalitarisme.
C’est ce qui rend la science-fiction si fascinante : on peut imaginer mille avenirs possibles. Aujourd’hui, nous vous proposons de vous plonger dans trois potentiels futurs, imaginés par autant d’autrices de mangas éditées en France chez Akata, qui posent sur l’humanité leur regard tantôt sévère, tantôt rêveur !
L’exigeant et intrigant manga de science-fiction Wombs
Cela fait plus de vingt ans que Yumiko Shirai publie des mangas dans diverses revues japonaises ; ses nombreuses récompenses attestent de son talent, qui franchit les années sans faillir. Et ce n’est pas Wombs qui va ternir la médaille de son autrice.
Difficile de vous résumer ce manga (qui ne dure que cinq tomes !) sans vous gâcher, non pas la surprise, mais le plaisir d’être traitée comme une adulte par un récit exigeant qui ne vous offrira pas immédiatement toutes les clefs de lecture nécessaires. Propulsée dans l’action sans ménagement, vous aurez le plaisir de voir l’histoire se révéler peu à peu, page après page, jusqu’à prendre conscience des enjeux qui se déroulent sous vos yeux.
Tout juste vous dira-t-on que Wombs se déroule, forcément, dans un futur lointain et indéterminé. Après avoir colonisé la planète Jasperia, les humains et humaines sont en guerre contre des êtres imprécis, les Seconds, qui voudraient les déloger. Et dans ce combat, les femmes ont un rôle très précis à jouer.
Mana Oga, notre héroïne, est enrôlée de force par l’armée. Elle rejoint un bataillon exclusivement féminin, les « forces spéciales de transfert ». Sous les uniformes, toutes les soldates arborent un ventre rond, qui semble révélateur d’une grossesse bien avancée. Sauf que ce n’est pas forcément de gestation qu’il s’agit…
Celles et ceux qui en ont soupé, des mangas populaires ultra-sexualisés, auront peut-être peur en lisant « bataillon exclusivement féminin » de se retrouver face à des héroïnes en micro-uniforme, savamment découpé au niveau des seins et des fesses : rassurez-vous ! Yumiko Shirai n’est pas du genre à s’abaisser à de telles facilités…
Wombs n’est pas un prétexte à montrer des femmes en petite tenue, au contraire. Les uniformes des soldates y sont règlementaires, austères, pensés pour être aussi pratiques que protecteurs. Les personnages féminins, qui composent 99% de l’œuvre, sont assez diversifiés pour être reconnaissables en un coup d’œil — par une coupe ou une couleur de cheveux, mais aussi par leurs attitudes et personnalités marquées. La complexité de leurs parcours personnels, parfois largement explorés, parfois suggérés, donne du corps à ces êtres de fiction et en fait des femmes qu’on imagine bien réelles, avec leurs amours, leurs peurs, leurs valeurs.
Par son étonnant scénario, Yumiko Shirai s’autorise à explorer l’idée d’une armée formée uniquement de femmes sans tomber dans le stéréotype, tout en prenant le pari de s’appuyer sur les codes visuels de la grossesse pour dérouter le lectorat, qui oscille entre les émotions positives qu’inspirent les femmes enceintes et la réalité d’une guerre qui se dévoile petit à petit. Jamais vous n’avez vu de soldate au ventre arrondi, enchaînant les abdos et les entraînements ? Vous allez vite le constater : c’est fascinant.
Exigeant, non-sexiste, original : que vous dire de plus pour vous convaincre de dévorer Wombs ? Oh, peut-être simplement que la scène où un militaire essaie de harceler sexuellement une nouvelle recrue vaut vraiment le détour !
Nos temps contraires, la délicatesse des amours futuristes
Parmi toutes les figures classiques de la science-fiction, il y en a peu d’aussi tragiques que l’humain égaré qui ne pourra plus jamais revenir sur Terre. Il est plus qu’apatride, plus qu’exilé : il est orphelin de planète, condamné à vivre et mourir si loin du berceau qui a vu naître son espèce.
Le motif a été largement exploité, mais mérite de l’être encore et encore, tant il raconte à chaque occurrence quelque chose de différent sur la façon dont nous percevons notre propre mortalité. Penchons-nous donc sur Nos temps contraires, sous-titré Je ne te laisserai pas mourir, une œuvre touchante en huit volumes signée Gin Toriko.
Dans ce futur où l’humanité vit dans des « cocoons » spatiaux, la Terre étant devenue inhabitable à cause de la folie des Hommes, ouvrent un jour les yeux quatre nouvelles personnes : Arata, Tara, Caesar et Louis. En apparence, ils ont tout d’enfants normaux. Mais vous le savez, il ne faut pas se fier aux apparences.
Les quatre jeunes gens sont des « néotènes » : ils semblent mieux convenir à la vie dans l’espace que les humains lambdas, baptisés « descendants des Terriens », lamentablement inadaptés à une existence en-dehors de la planète bleue. Tara, Louis et les autres sont des prototypes sur lesquels reposent beaucoup d’espoir ; leur longévité accrue les force, certes, à garder pendant des décennies une apparence enfantine, puisque leur vieillissement est ralenti, mais leur permettra aussi de vivre pendant des centaines d’années.
Voir celles et ceux qu’ils aiment mourir, tout en donnant vie à une future génération de « néotènes », voilà le destin qui attend le quatuor. Âgés de seulement vingt ans, nos héros et héroïnes parcourent les « cocoons » en savourant ou en regrettant leur statut de célébrités mondiales, mais cette relative insouciance vole en éclats lorsque leur chemin croise celui de Gion, une étrange jeune femme aux yeux et cheveux verts…
Gin Toriko offre dans Nos temps contraires un foisonnement d’idées passionnantes pour qui aime à se perdre dans l’infinité des futurs possibles : les « cocoons » reliés à la Terre par des câbles, comme autant de cordons ombilicaux impossibles à couper ; la mystérieuse raison qui explique l’attitude étrange de Gion (on vous laisse la surprise) ; les « néonètes » élevés avec la certitude que tous leurs proches mourront bien avant elles et eux…
Mais la plus belle surprise qu’offre ce manga, c’est une vision innovante des unions amoureuses, sexuelles et autres relations humaines. Dans l’avenir imaginé par Gin Toriko, hommes comme femmes ont des « partenaires primaires / secondaires / tertiaires… » qui correspondent à des types de relations et de besoins bien différents. Un peu comme si vous aviez une personne pour procréer, une autre pour partager votre vie, une troisième pour l’amour… intrigant, non ?
Dernier détail pour celles qui tiennent à la diversité : Nos temps contraires comporte dans son quatuor principal une héroïne indienne et met en avant un personnage en situation de handicap, ce qui est assez rare pour être souligné !
Le Siège des exilées, la fin piégée du patriarcat
Ah ! Un monde sans hommes ! Bien des féministes évoquent cette hypothèse comme un rêve — avec plus ou moins de second degré. Mais bon, soyons honnêtes, ça présenterait vite quelques problèmes, notamment lorsqu’il s’agit de perpétuer l’espèce.
Akane Torikai s’est emparée de ce motif du futur matriarcal, lui aussi un classique de la science-fiction, pour livrer avec Le Siège des exilées sa vision audacieuse d’un avenir 100% féminin… ou presque.
C’est l’un de ces paysages que la science-fiction japonaise représente si bien : un méli-mélo futuriste, foisonnant, aussi urbain que végétal, où les plantes grignotent le béton, où les câbles électriques zèbrent le ciel azur et où des baraques de bric et de broc s’entassent dans un dédale qui donne envie de s’y perdre.
Sur ce territoire, en périphérie d’une grande ville très surveillée, vivent les exilées : celles qui ne trouvent pas leur place (ou refusent de la prendre) dans la société rigide où elles sont nées. « ExiléES », oui, car dans ce futur, les bébés mâles sont rarissimes ; la plupart vivront une vie d’adulte asexué après avoir été castrés. Ce monde appartient aux femmes.
Or, dans cette banlieue pauvre faite de trafics et de trocs, il y a — chose incroyable — un homme, Reihô. Un jeune homme, de surcroît, beau et élancé, qui vend très cher des nuits en sa compagnie. Il reçoit ses « clientes » dans une chambre chez Sanada, sa sœur de cœur sinon de sang, qui elle aussi détone dans cet environnement précaire.
Il y a quelque chose d’anormal chez Reihô et Sanada. Quelque chose d’ancestral. Quelque chose qui les met en danger. Entourés de filles des rues recueillies au fil des années, ils ne seront pas de trop pour défendre leur droit à la liberté.
Akana Torikai ne prétend pas amener des réponses avec cette œuvre de science-fiction, elle nous pose des questions : qu’est-ce qui nous sépare ? Qu’est-ce qui nous rassemble ? Qu’est-ce qui nous fait nous sentir vivants et vivantes ? Qu’est-ce qu’aimer ? Qu’est-ce qu’être libre ? Des interrogations millénaires articulées cette fois-ci autour d’une réflexion sur les genres et la sexualité, dans un futur où il n’y a vraiment plus besoin de beaucoup d’humanité pour procréer.
Le point final, et il a son importance : Le Siège des exilées ne comporte que deux volumes ! Parfait pour celles qui n’osent pas toujours se lancer dans de nouveaux mangas, de peur de s’embarquer pour vingt-cinq tomes… ou de vivre le même drame que les fans de Nana (celles qui savent sauront).
En attendant le retour du « monde d’avant », évadez-vous donc dans trois futurs très différents : la science-fiction militaire de Wombs, les émotions spatiales de Nos temps contraires ou les sensuelles réflexions du Siège des exilées ! Chacun de ces liens vous mènera vers un extrait pour découvrir le manga et faire votre choix… ou tout prendre, parce qu’on a qu’une vie après tout.
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Les Commentaires
Merci de ton retour, je vais commencer la saison 1 alors et me faire mon avis, ça a l'air pas mal en tout cas. Le style shonen ne me dérange pas trop (enfin ça dépend) mais si ces quelques clichés sont pas là c'est déjà ça