Ce dimanche 25 avril, plusieurs milliers de personnes étaient réunies place du Trocadéro à Paris, ainsi qu’à Strasbourg ou à Marseille, pour demander justice pour Sarah Halimi.
Cette femme de 65 ans, retraitée et de confession juive, a été tuée à son domicile dans la nuit du 3 au 4 avril 2017. L’auteur du meurtre est très rapidement appréhendé : il s’agit d’un voisin âgé de 27 ans, Kobili Traoré, qui en proie à des bouffées délirantes, l’a frappée et défenestrée. Cette affaire, par sa très grande violence et son caractère antisémite, a provoqué une très vive émotion dans la communauté juive.
Un crime de haine et une irresponsabilité pénale
Le 14 avril dernier, la justice a confirmé le verdict de la cour d’appel qui avait établi fin 2019 l’irresponsabilité pénale de l’accusé, en raison de son état mental au moment des faits : l’expertise psychiatrique a montré qu’il avait des hallucinations, entendait des voix et se sentait en danger.
Pourquoi ce verdict provoque-t-il autant de colère ?
L’irresponsabilité pénale signifie que Kobili Traoré ne sera pas jugé. Il restera interné dans un service dédié aux malades mentaux dangereux.
Pour certains, cette décision de la cour d’appel, confirmée par la Cour de cassation, est incompréhensible et intolérable car elle s’apparente à un déni de justice, mais aussi à une négation de la dimension antisémite du meurtre de Sarah Halimi.
« Soit le meurtre est antisémite et donc pensé, soit il est l’œuvre d’un irresponsable et donc non pensé. Pas les deux à la fois. Or il a été reconnu comme antisémite par l’instruction », a estimé le grand rabbin de France Haïm Korsia dans une tribune sur Le Figaro.
Si l’auteur du meurtre de Sarah Halimi a été déclaré irresponsable, le caractère antisémite a en effet bien été reconnu par la justice. Une question se pose donc : s’il s’agit bien d’un crime de haine, si Sarah Halimi a été tuée parce que juive, alors comment expliquer que l’auteur échappe-t-il à un jugement ?
Pour plusieurs psychiatres, qui se sont exprimées dans une tribune du Monde, il ne s’agit pas d’une contradiction ou d’une preuve de laxisme vis-à-vis des auteurs de crimes de haine antisémite :
« L’indignation de l’opinion publique tient, selon nous, à l’idée – fausse – que reconnaître la folie et l’irresponsabilité pénale du meurtrier reviendrait à nier la dimension antisémite de son acte. Il faut, à ce sujet, rappeler que l’arrêt de la chambre de l’instruction a retenu à la fois la culpabilité de Kobili Traoré et la dimension antisémite de son crime, tout en concluant à son irresponsabilité pénale. »
Faut-il changer la loi sur l’irresponsabilité pénale ?
Si les réactions sont aussi vives, c’est aussi parce que la question de la consommation de drogues est présente dans cette affaire.
L’auteur du meurtre de Sarah Halimi avait consommé du cannabis au moment des faits.
Comme le rappelle le procureur général près la Cour de cassation François Molins dans un entretien au Monde, « l’article 122-1 du code pénal pose un principe clair : toute personne dont le discernement est aboli au moment de la commission des faits est irresponsable pénalement, quelle que soit la raison de l’abolition du discernement. »
En résumé, même si l’absence de discernement est causé par l’usage de stupéfiants, l’accusé sera déclaré irresponsable.
C’est justement sur cet aspect que des réactions ont été entendues au plus haut sommet de l’État :
« Décider de prendre des stupéfiants et devenir alors ‘comme fou’ ne devrait pas à mes yeux supprimer votre responsabilité pénale. Sur ce sujet, je souhaite que le garde des Sceaux présente au plus vite un changement de la loi », a déclaré Emmanuel Macron quelques jours après la décision de la Cour de cassation.
Une demande à laquelle le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti a rapidement répondu. Un projet de loi visant à « combler un vide juridique » devrait être déposé fin mai.
Une décision accueillie avec prudence, alors qu’un rapport, commandé par l’ancienne Garde des Sceaux Nicole Belloubet en juin 2020 recommande justement… de ne pas modifier la loi actuelle et l’article 112-1 du code pénal. Du côté du ministère, on assure vouloir tenir compte des « propositions d’améliorations techniques » que le rapport propose.
« Il faudra veiller à ne pas légiférer dans l’urgence et sous le coup de l’émotion », met en garde François Molins.
« La question de la responsabilité pénale est une question des plus délicates et il ne faut pas oublier que le fait de ne pas juger les “fous” a été un progrès majeur dans notre démocratie. »
De leur côté, les proches de Sarah Halimi espèrent obtenir gain de cause en se tournant vers la justice israélienne où la loi peut s’appliquer à des crimes antisémites même s’ils ont été commis hors du territoire.
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Les Commentaires
Etre "contre la psychiatrie", c'est nier l'existence de troubles mentaux et de la nécessiter de les prendre en charge dans leurs spécificités individuelles, donc partant de là, c'est aussi absurde que de militer contre, je ne sais pas, la diététique ou l'odontologie...