En partenariat avec Disney (notre manifeste)
« Allons-y, ça ne me gêne pas du tout d’en parler. »
Laetitia, 24 ans, donne le ton. Son fauteuil roulant et sa maladie ne sont pas des sujets sensibles pour elle.
« J’ai toujours bien vécu mon handicap parce que j’ai le sentiment que mes parents n’en ont pas fait un drame. Ils sont vraiment têtus et ont tout fait pour que je m’adapte. »
Elle me raconte que sa sœur jumelle, qui n’est pas en fauteuil, souffre elle d’une forte myopie. Elle se souvient :
« Mes parents m’ont dit : « ta soeur est handicapée car sans lunettes elle ne peut pas voir. Toi, sans fauteuil tu ne peux pas marcher. »
Du coup un jour, j’ai dit à un médecin qu’il était aussi handicapé que moi puisqu’il portait des lunettes. »
Ariel, une princesse qui lui ressemble
Laetitia a une personnalité tranquille et comme de nombreuses jeunes femmes de sa génération, elle a grandi avec les dessins animés Disney, mais c’est La Petite Sirène qui a retenu son attention.
« Il existe peu de héros en fauteuil roulant auquel je peux m’identifier, encore moins d’héroïne. Dans La Petite Sirène, Ariel est une sirène et n’a donc pas de jambes.
À travers mon regard de petite fille, elle se rapprochait le plus de ce que j’étais. »
Après avoir rêvé d’être marchande de glace, elle a décidé de devenir bibliothécaire à 8 ans pour son amour des livres (elle a d’ailleurs hésité avec Belle, quand elle a dû choisir une héroïne favorite).
Finalement, Laetitia s’est tournée vers une carrière dans l’informatique.
Aujourd’hui, elle travaille comme ingénieure en cognitique, un poste qui consiste à adapter les logiciels pour l’usage des utilisateurs.
« En bref, résume-t-elle, mon travail c’est partir du principe que les usagers ne vont pas lire la notice d’utilisation et de tout faire pour que le logiciel qu’ils utilisent soient instinctifs. »
Laetitia a un discours clair et précis sur à peu près tous les sujets. On en vient à discuter de sa maladie, qui arrive très vite sur le tapis :
« J’ai une amyotrophie spinale infantile de type 2. C’est un nom barbare. Quand j’étais petite je disais juste que j’avais la maladie du Téléthon. »
La jeune femme m’explique qu’il s’agit d’une pathologie qui évolue avec le temps. Elle s’estime chanceuse puisque la sienne s’est développée principalement pendant son enfance et son adolescence. Elle précise :
« Le plus gros de la perte musculaire s’est faite entre 6 ans et 15 ans à peu près. Maintenant, l’évolution se fait très lentement. »
L’amytrophie spinale de Laetitia ne permet pas à son corps de produire et ni de créer une protéine qui fait la connexion nerf et muscle. « Ça me crée seulement un petit peu de force, affirme-t-elle, mais ce n’est pas suffisant afin que je puisse marcher sur mes jambes. »
Laetitia se compare très facilement avec Ariel et dès son plus jeune âge. En fauteuil roulant électrique depuis ses 2 ans, elle se passionne pour Ariel qui, comme elle, rêve.
Non pas que Laetitia soit malheureuse en fauteuil, bien au contraire. Elle donne un exemple :
« Je ne suis pas quelqu’un de stressée. Je ne me sens pas à l’aise uniquement dans les moments où je dos laisser mon fauteuil. Par exemple quand je prends l‘avion, il doit aller en soute et ça, je n’apprécie pas trop. »
Elle poursuit :
« Mon fauteuil il fait partie de moi. Cela me ferait bizarre de devoir y renoncer même si on trouve un traitement pour que je puisse me tenir debout un jour. D’ailleurs, j’essaie de ne pas penser à cette éventualité. »
Mais alors pourquoi se sent-elle si proche d’Ariel, cette jeune femme moitié humaine et moitié poisson qui rêve de marcher ? Laetitia répond :
« Je voulais danser surtout ! J’aime beaucoup les films de danse comme Last Dance, ou Dirty Dancing. J’ai beaucoup regardé Un Dos Tres aussi ! »
Des rêves communs qui la lie à Ariel
Elle confie également que constater sa différence à elle lui rappelle ce qu’est la norme : les gens qui marchent.
Elle partage aussi littéralement les rêves d’Ariel
:
« Dans mes songes, la nuit, encore aujourd’hui, je me vois sur mes deux jambes. Je sais, c’est totalement fou, mais je ne rêve pas de moi dans un fauteuil roulant.
Je crois que c’est surtout de la curiosité, cela relève plus du fantasme que d’une réelle envie, car je suis très heureuse telle que je suis, je m’accepte totalement. »
Je lui rappelle la chanson Partir Là-bas dans le film, et j’ose lui demander si dans ses rêves, elle imagine un autre monde.
Elle me répond : « Un monde un peu plus adapté à mon fauteuil ! »
Avant de continuer :
« Parfois c’est absurde, mais un rien peut être contraignant. Une marche même toute petite, par exemple, c’est compliqué.
Alors que finalement, il ne suffit souvent que d’une rampe et d’un accès aux toilettes pour que je puisse me rendre quelque part. »
Les poignées de portes qui sont trop hautes pour elle, le tiroir des couverts situés à hauteur de son visage… Des détails pour les personnes qui peuvent marcher mais qui font la différence pour Laetitia.
Elle aborde d’ailleurs le Japon, un pays qu’elle a visité avec son copain. Là-bas, quasiment la totalité des lieux sont accessibles pour les personnes à mobilité réduite.
Laetitia et Ariel, toutes deux aventureuses
Contrairement à Ariel qui ne bouge pas très loin de son royaume des mers, Laetitia a parcouru un bonne partie du globe :
« Je suis toujours partie à l’aventure sans me poser de question.
J’ai fait presque toute l’Europe, Portugal, Espagne, l’Italie, Londres en Angleterre, les Pays-Bas, la Crête un peu l’Allemagne, et les États-Unis.
Avec mon copain on part beaucoup en France, d’ailleurs je pense avoir vu toutes les régions sauf le Centre et le Nord. »
La maladie de Laetitia ne l’a jamais freiné dans sa vie et elle insiste sur la présence et le soutien de ses parents, très impliqués dans l’association AFM-Téléthon. Elle assure que sans eux et sans l’asso, elle n’en serait pas là.
« Mes parents n’ont jamais cherché à me stigmatiser, bien que je doive aller régulièrement à l’hôpital depuis toujours. J’y passe une journée touts les six mois pour faire un suivi et voir tous les médecins, neurologue, cardiologues, psychologues chirurgiens…
J’ai aussi été opérée plusieurs fois. »
Elle déclare qu’elle peut peut aussi compter sur une bande d’ami·es fidèles depuis le collège.
La curiosité d’Ariel, un modèle pour un monde plus tolérant
Comme Ariel et ses tire-babas, Laetitia est une collectionneuse confie-t-elle comme un secret :
« Si on voit mon appartement, il y a des trucs partout. Chez mes parents j’ai des petites statuettes de chiens. J’ai tendance à tout garder, ça me rassure, parce que ces objets évoquent des souvenirs. »
La jeune femme apprécie le fait que la Petite Sirène s’émerveille de la moindre petite chose.
Selon elle, l’innocence d’Ariel est une qualité qui profite au monde, et c’est un exemple à suivre :
« En me voyant, beaucoup d’enfant demandent à leurs parents : « pourquoi la dame est en fauteuil ? ». Certains les encouragent à aller me poser directement la question.
Je préfère cela plutôt qu’ils soient réprimandées pour leur curiosité qui n’a rien de mal placée.
Ce n’est que de la bienveillance, pour moi, cette naïveté c’est aussi un signe de tolérance. »
Du collège, à sa classe d’IUT, Laetitia assure avoir sensibilisé toute une promotion de jeunes à son fauteuil roulant et à sa maladie. Selon elle, si personne n’ose poser des questions ni donner des réponses, le monde et le regard des autres ne risquent pas ce changer.
« Dans le dessin animé Disney, Ariel est curieuse du monde des humains mais personne ne répond à ses questions.
Je pense qu’il aurait suffit de lui parler et de l’écouter, elle ne se serait pas mise en danger en se tournant vers Ursula, le seul personnage qui accepte de l’aider et de la comprendre. »
Elle fait le parallèle avec son fauteuil roulant :
« Je me suis toujours dit que les gens avait une image négative du handicap mais il faut expliquer et éduquer de manière simple.
En général, ils comprennent et leur vision des choses évoluent. »
Ouverte d’esprit, aventureuse, curieuse, tolérante… La princesse Ariel possède nombre de qualités qui font d’elle un modèle de femme actuelle pour Laetitia.
Si elles avaient l’occasion de se rencontrer, elles parleraient sûrement de leur différence par rapport au monde et de leurs rêves commun.
« Je lui demanderais comment elle s’est adaptée au monde des humains, ajoute Laetitia, et si elle regrette sa transformation. »
Elle explique :
« Je suis heureuse en fauteuil mais maintenant qu’il existe des traitements sur le banc d’essai, je me me suis posée la question « qu’est-ce que ça ferait si je n’avais plus de fauteuil ? ».
C’est un sujet que j’aborde avec mon copain mais pas forcément avec sérénité. »
J’ose lui demander pourquoi et je comprends l’attachement qu’elle a pour son fauteuil roulant :
« Mon fauteuil c’est comme un doudou c’est quelque chose de rassurant.
Si je dois marcher un jour, ce sera comme abandonner un bout de moi-même, comme quand on grandit et qu’on laisse des souvenirs d’enfance derrière soi. »
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