Dans une ville où tout le monde a une mâchoire carrée et une voix de baryton, Robert Pattinson est triste et mal peigné.
On aimerait pouvoir résumer The Batman aussi simplement, ne serait-ce que pour nous épargner la lecture des notes au stabylo qu’on a prises pendant la projection du film, mais ça serait insulter celui qui est sans doute, et en dépit de l’insurrection que causera cette assertion auprès des fans des Batman de Burton (les plus relous) et de Nolan, le meilleur jamais réalisé.
The Batman, les énigmes du méchant Riddler
Batman est devenu emo
Bruce Wayne a l’âme en peine. Il faut dire qu’il est sappé comme un tiktokeur émo et que sa dernière conversation avec un être humain (autre que son valet) date de 1912.
Alors, il erre dans les rues humides de Gotham sous sa cagoule, pour matraquer quelques jeunes racistes et faire planer l’ombre de la vengeance sur une ville où tout le monde se défonce à coups de gouttes pour les yeux. Ermite célèbre, il fuit toute sortie publique et n’envisage l’humanité qu’en compagnie d’Alfred, son ami et majordome loyal.
Les quelques mèches grasses qui lui fouettent les pommettes indiquent qu’il a tendance à négliger son hygiène, mais s’il ressemble à un gueux, Bruce Wayne est le plus riche des animaux nocturnes de la ville.
Un Bruce Wayne tourmenté doit lutter contre The Riddler et Le Rat
Ses parents, tués lorsqu’il était enfant, lui ont laissé une fortune et un nom en héritage, ce qui lui permet d’investir tout son temps dans sa carrière de justicier anonyme, mais lui vaut par la même d’être la cible éventuelle des maniaques qui pullulent à Gotham.
Falcone, Le Pingouin, et surtout The Riddler, le nouvel ennemi publique numéro un, qui enlève des politiques véreux, des flics ripoux et autres puissants corrompus avant de les assassiner sauvagement, l’ont dans leur viseur.
Bruce le jour, Batman la nuit, l’orphelin, muré dans son costume de plomb, projette de mettre un terme à la vague de meurtres qui saccagent la ville. Pour ce faire, il doit mettre la main sur Le Rat, dont personne ne veut révéler l’identité, puis sur The Riddler.
Avec son fidèle compagnon, le policier James Gordon, qui se taille la plus belle moustache du tieks, et sa nouvelle alliée, Catwoman, il doit résoudre des énigmes pour enfant de 4 ans et demi et lever le mystère de l’identité de The Riddler.
Ça a l’air un poil ridicule ? En réalité, ça ne l’est pas. Du tout.
The Batman, la face trouble du super-héros
Si les énigmes que doit résoudre Batman feraient passer celles du père Fourras pour un examen de maths sup, les difficultés qu’éprouvent Bruce se trouvent ailleurs.
Dans cette mouture de Batman signée Matt Reeves, à qui l’on doit notamment La Planète des singes : Suprématie, ça n’est pas la difficulté de l’enquête qui prime, mais les tempêtes intérieurs de l’enquêteur.
Ainsi, pour progresser dans ses recherches, Batman doit fouiller dans l’histoire de sa propre famille, et réaliser qu’il a trop longtemps idéalisé son père, quand celui-ci trempait pourtant, lui aussi, dans le cloaque meurtrier de Gotham.
Et c’est sans doute pour ça qu’il est si bien, The Batman. Parce que sa grandiloquence est au service de son intimité, parce qu’il fouille l’âme de son héros et la tord jusqu’aux escarres.
À une heure où l’on humanise les « villains », comme dans Joker de Todd Philipps, il convenait d’assombrir les héros indéfectibles de la culture populaire.
Ce que sont parvenus à faire Matt Reeves et Peter Craig, son coscénariste, en enfonçant le couteau dans les plaies coronariennes du trouble Batman.
The Batman, un blockbuster d’auteur, mais un blockbuster quand même
Dommage toutefois d’avoir sacrifié l’écriture de l’enquête principale sur l’autel de la mythologie du héros, d’autant qu’un film qui se loue sombre et barré ne peut se contenter d’un fil rouge sous forme d’empilement de clichés.
Dommage également de n’avoir offert à cette pauvre Catwoman (Zoë Kravitz) qu’une backstory digne d’un Star Wars au rabais.
Une Catwoman affublée d’une sexualisation ostentatoire, rappelant qu’en dépit des velléités de Matt Reeves à écrire un film de super-héros progressiste estampillé « auteur », on demeure bien dans un blockbuster qui doit faire baver tout le monde d’envie, les vieux comme les jeunes, les fachos comme les islamo-gauchistes.
Catwoman, pourtant, est sans doute le personnage le plus prometteur de cette nouvelle saga, dont la violence émane d’abominables drames intimes. C’est par elle qu’on évoque notamment la perversité des hommes, les violences faites aux femmes, et le sempiternel patriarcat qui décidément officie aussi bien à Gotham que partout ailleurs.
Malheureusement, si on la découvre d’abord lesbienne, elle se retrouve vite à rouler des pelles à Batman, qui dans cette version, et à l’inverse de son héritage cinématographique, a tourné prude.
Attention, on ne dit pas que la bisexualité de Catwoman n’a pas lieu d’être, mais simplement que pour une fois, il eut été intéressant d’avoir un personnage féminin entièrement lesbien, et une absence d’histoire d’amour hétérosexuelle entre le protagoniste masculin et le protagoniste féminin du film.
The Batman, finalement abrupte et grandiose
Si l’on oublie les pudeurs du film à vraiment embrasser son côté obscur, The Batman demeure un spectacle punk comme on en avait pas vu depuis The Dark Knight.
La caméra de Matt Reeves demeure collée à la langue visqueuse et adhésive du bitume chauffé par les roues de la moto ou de la bagnole de Batman, comme un rappel que c’est sur le sol que rampe la vermine.
Dans un décor urbain qui n’a rien à envier aux volets signés Nolan, The Batman étourdit par la pluralité de ses plans, ses bastons époustouflantes — mention spéciale à la scène entièrement dans le noir où les visages ne s’éclairent qu’à la lumière des balles tirées et à la course poursuite en voiture où la Batmobile surgit des feux —, et sa mise en scène tantôt visuellement bruyante, tantôt visuellement épurée.
On évolue rapidement de 1 à 1 milliard sur l’échelle de grandeur de The Batman, et ce sont ces déroutes qui permettent un abandon total à une intrigue pourtant banale.
Grandiose, The Batman l’est à coup sûr, et rend un hommage impétueux au personnage créé par Bob Kane et Bill Finger.
Le casting prodigieux de The Batman
Évidemment, les héros et la vermine de The Batman ne seraient rien sans ceux qui les campent. À merveille.
Robert Pattinson, dont on trouve d’habitude qu’il a le charisme d’un maki concombre, éblouit par la mesure de son rapport à son personnage au bord du gouffre, même si les accessoires de beau gosse emo dont on l’affuble (comme cette paire de lunettes noires digne de Billie Eilish dans ses mauvais jours) le rend profondément ringard avant l’heure.
Zoë Kravitz, à ses côtés, est une Catwoman parfaite, qui saute d’une violence à l’autre avec l’agilité d’un bengal.
Mais ce sont les seconds rôles qui achèvent de parfaire ce tableau punk du mythe de Bob Kane et Bill Finger, parmi lesquels John Turturro, EXTRAORDINAIRE John Turturro, dans le costume du libidineux Falcone et Colin Farrell, méconnaissable, dans celui du Pingouin.
Ces visages, enfermés à jamais dans la fresque bétonnée de Reeves, sont même parvenus à nous faire oublier que, quand même, le thème musical de The Batman ressemble à s’y méprendre à la Marche impériale de Star Wars, mais passons.
Quoi qu’il en soit, on oubliera pas de sitôt l’image de Batman comme un berger noir au flambeau sanguinaire, qui guide le peuple vers la lumière.
The Batman, c’est beau, et malgré tout, c’est bien. C’est même très bien.
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Les Commentaires
Robert Pattinson s'est racheté à mes yeux depuis Tenet, je l'apprécie beaucoup plus qu'avant. Il ne m'avait pas fait rêver dans Twilight j'avoue^^