Pour vivre le combat des abolitionnistes, il faut lire lire "l’Abolition" de Robert Badinter, paru chez Fayard en novembre 2000. Badinter veut nous faire partager le récit de la lutte contre la peine de mort en France, abolie par une loi le 30 septembre 1981, alors que toute l’Europe a tiré un trait sur cette sanction depuis longtemps. Pourtant elle existe encore aujourd’hui dans le monde, d’où l’intérêt de reprendre l’histoire de l’abolition et les raisons de celle-ci.
En ce qui concerne la peine de mort, peu importe le bord politique. Chacun a son propre avis sur la question. La preuve, Pompidou, alors qu’il est encore Président de la République Française, a déclaré : "Je ne suis pas un homme sanguinaire". On ne saura pas s’il était sur le point d’abolir la peine ou pas, puisqu’il mourra avant de finir son mandat. Valéry Giscard D’Estaing, qui lui a succédé, estime, lui, que dans certains cas, la peine de mort peut se justifier. A l’époque, la criminalité est en hausse et la peine capitale, approuvée par 99% des Français, doit servir de dissuasion.
Christian Ranucci est exécuté en 1976, condamné pour le meurtre d’une enfant de huit ans. Patrick Henry va être jugé à son tour, avec Badinter en tant qu’avocat. La seule défense qu’il prononce pour expliquer l’importance de la décision des jurés est : "Vous demeurerez seul avec votre jugement. On abolira la peine de mort et vous resterez seul avec votre verdict pour toujours. Et vos enfants sauront que vous avez un jour condamné à mort un jeune homme et vous verrez alors leur regard."
Les personnalités militent suite à ce procès et à la condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité de Henry, sauvé de la guillotine. Pourtant, il faudra attendre l’élection de Mitterrand à la présidence pour faire voter la loi et se conformer à l’Europe.
Pourquoi, au-delà du simple fait de se conformer au mouvement enclenché par l’Europe, avoir aboli la peine de mort ?
Là, je t’invite à lire "Le Pullover Rouge" de Gilles Perrault, réédité de nombreuses fois. Ce livre mène une enquête rigoureuse sur la culpabilité douteuse de Ranucci, deux ans après qu’il ait été guillotiné. L’auteur veut démontrer qu’après la lecture du livre, chacun est en droit de douter de la culpabilité de Ranucci. Il dit : "Je défie quiconque d’être convaincu, à la fin de la lecture de mon livre, de la culpabilité de Ranucci."
Un matin de juin 1974, on découvre près de Marseille le corps d’une fillette. Peu après, on arrête un représentant de commerce de 20 ans, Christian Ranucci, que tout semble accuser du meurtre. L’affaire bouleverse l’opinion. L’assassin présumé fait des aveux, avant de clamer son innocence. Au terme d’un procès retentissant, la grâce présidentielle lui ayant été refusée, il est guillotiné le 28 juillet 1976 à la maison d’arrêt des Baumettes à Marseille. Etait-il coupable ?
Gilles Perrault a refait l’enquête minutieusement. Les faits qu’il rapporte sont troublants. On voit s’accumuler les failles dans les aveux, des contradictions, des faiblesses dans les expertises, des négligences dans l’instruction. Le doute est permis. Le livre a fait l’effet d’une bombe, puisqu’il accrédite la thèse de l’erreur judiciaire. Il a semé le doute…
La plaidoirie de l’avocat de Ranucci remettait en cause la peine de mort : l’avocat demande aux jurés de décider "si cet homme de 20 ans doit vivre ou mourir". Le doute existe… La peine de mort ne peut servir de moyen de dissuasion dès lors que le doute existe…
Beccaria, qui a institué l’échelle des sanctions dans son ouvrage "Des Délits et des peines" en 1764, fondement du droit pénal moderne, disait déjà de la peine de mort : "Si je prouve que cette peine n’est ni utile, ni nécessaire, j’aurai fait triompher la cause de l’humanité".
Et toi, qu’en penses-tu ?
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Les Commentaires
Et évidemment, je suis contre la peine de mort, et je trouve hallucinant qu'on puisse encore la pratiquer de nos jours.