Du 12 au 18 avril prochain, c’est la Semaine internationale contre le harcèlement de rue. À cette occasion, plusieurs initiatives sont lancées en France. Parmi elles, le label « Bar sans relou », que lance Stop Harcèlement de Rue à Lille, a un objectif : inciter le personnel des bars à réagir contre le harcèlement de rue, et proposer aux femmes des endroits où passer une bonne soirée sans subir d’agressions.
Pour bénéficier de ce label, les bars doivent remplir un certain nombre de critères établis par le collectif. Ils s’engagent ainsi :
- à prendre en considération quiconque ayant besoin d’aide en lui apportant sécurité physique et psychologique
- à intervenir lorsque quelqu’un adopte un comportement déplacé et irrespectueux, en prenant les mesures nécessaires pour faire cesser ce comportement, y compris à mettre la personne dehors si nécessaire
- à soutenir et accompagner une personne dans le besoin en lui fournissant un moyen de communication et en s’assurant qu’elle prenne contact avec un proche, une compagnie de taxi ou les forces de l’ordre
- à tenir a disposition des client•e•s, tout document qui semble approprié dans un bar labellisé sans relou.
Les bars qui correspondent à ces critères se verront apposer en devanture le logo « bar sans relou », et leur liste sera ensuite disponible sur la page Facebook de Stop Harcèlement de Rue Lille.
L’initiative part d’une intention que je ne peux que saluer : protéger les femmes du harcèlement dans les bars. Elle permet de mettre en lumière ce problème, d’inciter les victimes à se manifester, de sensibiliser les témoins au phénomène
et, dans le meilleur des cas, de proposer un véritable espace de tranquillité.
Dans les faits, le principe du « bar sans relou » me paraît un peu plus compliqué à mettre en oeuvre. Comment être sûr•e•s des critères qui déterminent un « relou » ? Le « relou » n’a pas de visage, pas d’origine, son comportement n’est pas forcément problématique tout le long de la soirée mais peut le devenir soudainement. Dès lors, est-ce que le personnel des établissements détenteurs du logo va éjecter les « relous » sur simple signalement de la part des femmes agressées ? Comment être sûr•e•s que les employés du bar seront véritablement à l’écoute et croiront les personnes qui se plaignent ?
Le collectif Stop Harcèlement de Rue explique qu’il se montrera très exigeant sur l’apposition ou non du label :
« Tout bar bénéficiant du label peut se voir retirer ce même label si les engagements ne sont pas respectés. Nous tenons à rappeler que le label n’est pas automatique, si un bar ne correspond pas pour x ou y raison, le Bar ne pourra afficher le logo « Bar sans relou ». »
Mais à une échelle très importante et sur la durée, la tâche risque de n’être pas facile. Comment gérer les signalements de non-respect des critères ? À quelle vitesse un bar peut-il passer de « sans relou » à son contraire ?
En partant du principe que la communication fonctionne entre le personnel du bar et les clientes, et que la réaction contre les relous soit effective et efficace, dans quelles conditions aura-t-elle lieu ? Est-ce que les relous seront immédiatement virés ? L’entrée du bar leur sera-t-elle définitivement interdite ? Ou est-ce qu’une discussion sera engagée d’abord avec les « relous » concernés pour leur faire comprendre leur attitude ?
Car une autre question se pose : celle de la durabilité de ce label. Il vise à protéger les victimes, mais que vont retenir les harceleurs de cette initiative ? J’aimerais penser que se faire éjecter d’un bar au motif qu’on a été irrespectueux provoquera chez eux une réflexion sur leur comportement, mais il me semble un peu utopique de tabler là-dessus.
Diverses zones dites « sans relou » ont été inaugurées par le passé. Mais il s’agissait d’actions ponctuelles, qui avaient pour but d’interpeller ponctuellement les harceleurs et les harcelées, pas de durer et de devenir des espaces préservés.
À lire aussi : « Stop harcèlement de rue » inaugure une « zone sans relou » à Paris
Protéger les femmes du harcèlement de rue, c’est bien. C’est une première étape, et certainement une étape nécessaire. Mais si leurs agresseurs n’évoluent pas, j’ai bien peur que la situation ne change pas non plus. Sécuriser une zone, c’est une très bonne idée. Mais ce qui permet réellement aux femmes de reprendre le pouvoir face au harcèlement de rue, c’est de se sentir en sécurité dans TOUTES les zones.
L’initiative de Stop Harcèlement de Rue est bonne, mais j’avoue que je crains la création d’espaces divisés entre les catégories « sécurisés » et « craignos ». J’ai tendance à penser que plutôt que de concentrer les femmes dans des espaces particuliers, il faut éduquer tous les individus et leur apprendre que non, le harcèlement de rue n’est pas une attitude acceptable, et surtout, leur expliquer pourquoi. La prochaine étape ?
À lire aussi : Harcèlement de rue ou compliment ? — Je veux comprendre
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
Les Commentaires
C'est pas idiot comme réflexion, le terme peut sembler un peu vague. Après dans les faits, qu'est-ce qui différencie un dragueur d'un relou ? Mais le consentement bien sûr. Un mec qui me drague vient me parler/me complimenter/me proposer un verre. Il devient relou quand il insiste après un refus ou s'il me touche sans mon consentement. Et s'il le fait, je peux le signaler auprès du personnel du bar qui lui demandera gentiment d'arrêter. Et s'il récidive, seconde réprimande, et s'il persiste encore, dehors. C'est assez simple. Quant au label, je trouve ça assez pertinent de trouver des bars dans lesquels on est sûre que si on se fait emmerder, on ne va pas se voir répondre "boh c'est pas bien grave" ou "on ne peut plus draguer mademoiselle ?" de la part des serveurs (oui c'est du vécu). Je sais pas, une affichette "prière de ne pas draguer sans consentement" ou un truc du même genre à côté de celle qui demande aux clients de ne pas sortir de verres, ça me semble une bonne idée.