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La semaine dernière, en zonant faisant de la veille sur Twitter, je suis tombée sur un thread très intéressant. Aurélia Baranes y racontait toutes les embûches qu’elle a rencontrées en créant à 27 ans Serieously, un média pour les passionnés de séries.
Ce n’était pas la première fois que j’entendais des jeunes femmes entrepreneures parler de leurs difficultés, et ça m’a donné envie de creuser le sujet en discutant avec elle et son associée, ainsi qu’avec une autre cheffe d’entreprise.
L’histoire la plus marquante, c’est sans conteste celle de ces deux Américaines qui ont décidé de s’inventer un associé masculin
. Lassées de devoir se battre pour obtenir ce qu’elles voulaient avec leurs prestataires et interlocuteurs, Penelope Gazin et Kate Dwyer ont créé une adresse email fictive avec un nom d’homme et l’ont utilisée pour échanger avec eux. Et la différence a été FLAGRANTE. Non seulement leurs demandes étaient satisfaites beaucoup plus rapidement, mais on leur demandait aussi si elles n’avaient pas besoin d’autre chose.
Bien sûr, l’entrepreneuriat est une course d’obstacle pour tout le monde (ce n’est pas Fabrice, le fondateur de madmoiZelle et Rockie qui te dira le contraire). Mais il semble que les femmes – et en particulier celles qui sont jeunes – rencontrent des embûches spécifiques.
Manque de crédibilité auprès des banquiers
La première étape lorsque l’on monte un projet entrepreneurial, c’est souvent d’aller chercher des financements. Et c’est là que les ennuis commencent. « J’ai eu beaucoup de refus de la part des banques », se souvient Chloé Blondel, « mais j’ai du mal à savoir si c’est parce que j’étais une jeune femme ou si c’était plutôt lié à la nature de mon activité ». L’entrepreneure a en effet ouvert en septembre 2014 La Pièce, l’une des premières salles d’escape game de Paris. Et à l’époque les banquiers avaient du mal à saisir le concept.
Aurélie Baranes et son associée Allison Josepha ont elles aussi dû convaincre un banquier récalcitrant. « Il nous a demandé au début pourquoi on ne lançait pas plutôt un site beauté », se rappelle Aurélia. Un spécialiste des levées de fonds leur a aussi conseillé de « montrer leurs seins et faire de beaux sourires » pour convaincre les investisseurs. Un souvenir encore cuisant d’humiliation pour les deux entrepreneures.
Bref, dans le monde du business aussi (surtout ?) le sexisme et les représentations stéréotypées ont la peau dure. Et cela se traduit de manière très concrète : les femmes obtiennent moins de financements que les hommes. Le ticket moyen d’une levée de fonds en France pour les startups dirigées par des femmes est en effet de 1,5 million d’euros contre 3,2 millions pour les hommes, selon le baromètre StartHer-KPMG 2018.
Le client est roi, la cliente par contre…
Toutefois, ce n’est pas avec les financiers que Chloé, Aurélia ou Allison ont rencontré le plus de difficultés, mais bien avec des prestataires. Un comble quand on sait qu’elles sont leurs clientes…
C’est lors des travaux pour aménager son local que Chloé a le plus constaté le sexisme ordinaire. Des artisans qui s’adressent uniquement à son chef de chantier et pas à elle, alors qu’elle est TRÈS calée en bricolage, d’autres qui refusent d’écouter ses suggestions et s’entêtent pendant plusieurs heures avant de reconnaître qu’elle avait raison, etc.
Sans parler des vendeurs des magasins de bricolage qui ont l’air surpris qu’elle sache exactement ce qu’elle est venue chercher dans la boutique.
Chez Serieously, média en ligne oblige, c’est plutôt du côté du développement web que les choses ont été compliquées. Les deux femmes ont en effet fait appel à une société extérieure pour développer leur site internet. « Quand tu es une femme, chaque demande devient une plainte. Et il suffit d’ajouter un homme dans la boucle pour que ça redevienne une demande », note Allison.
« Pas plus tard que cette semaine, on a demandé à l’un de nos employés de jouer le rôle d’associé pour débloquer une situation lors d’un call avec un prestataire », ajoute Aurélia. Une perte de temps et d’énergie pour les deux associées qui ont aussi remarqué la difficulté éprouvée par certains hommes à reconnaître leur ignorance sur un sujet.
En faire deux fois plus qu’un mec
La relation avec les clients posent d’autres défis. Par exemple, Chloé a parfois dû gérer des clients qui faisaient des réflexions sexistes ou des remarques déplacées à ses employées (toutes des femmes).
« Hier par exemple, on accueille une équipe en leur disant que les énigmes de la salle sont basées sur la logique. L’un des joueurs répond : « ah, bah ça tombe mal, on a des filles dans l’équipe ». Ça arrive tout le temps et ce n’est pas simple de savoir comment réagir dans cette situation parce que recadrer la personne peut jeter un froid et derrière on a des mauvaises critiques en ligne ».
La jeune femme fait aussi très attention à sa tenue lorsqu’elle va rencontrer des employés de collectivités locales susceptibles de faire appel à elle pour créer des escape games événementiels. « Je sais que je vais devoir en faire deux fois plus qu’un mec pour convaincre », explique-t-elle.
Au-delà des vêtements qu’elle adapte à son agenda de la journée (sweat-baskets quand elle va sur le chantier, et veste élégante quand elle rencontre des clients ou investisseurs), Chloé essaye aussi de bosser quand c’est possible avec des prestataires femmes. « C’est rare d’avoir des femmes dans ce milieu là, donc je me dis qu’elles ont potentiellement plus galéré pour y arriver et donc qu’elles sont peut-être un peu meilleures que les autres ».
« Lancez-vous ! »
Ce qui a aidé Aurélia et Allison, c’est d’abord de comprendre que certains obstacles qu’elles avaient rencontrés étaient directement liés au fait d’être des jeunes femmes. « Au début, on se remettait en question, en se demandant si on avait fait quelque chose de mal. Aujourd’hui, on a appris à être plus procédurière avec nos interlocuteurs (cahier des charges précis, calendrier, etc) pour éviter les mauvaises surprises ».
Si les deux associées se demandent parfois où en serait Serieously dans son développement aujourd’hui si elles avaient été des hommes, elles ne regrettent pas un instant de s’être lancées dans l’aventure. « Plus il y aura des femmes qui se lanceront mieux ça se passera », assure Aurélia qui précise aussi que le secteur du digital est encore très masculin. « Si on peut faire évoluer les mentalités dans ce domaine, ça sera avec plaisir ».
« Si j’avais su tout ça avant, je me serai lancée quand même ! », assure Chloé. « J’aime bien l’idée de challenge, de me battre pour prouver que c’est possible. C’est aussi ça qui rend l’aventure intéressante ».
Pour aller plus loin :
- Suivre le compte Twitter d’Aurélia pour savoir à quoi ça ressemble la vie d’une jeune femme qui entreprend.
- Constater la faible proportion de femmes dans l’entrepreneuriat avec les chiffres 2018 d’Infogreffe.
- Se rapprocher de l’association StartHer qui soutient les femmes qui veulent entreprendre dans la Tech.
- Ou du réseau d’entrepreneuriat féminin Les Premières présent sur tout le territoire français.
Tu as lancé ou tu es en train de lancer ton entreprise ? Quels obstacles as-tu rencontrés ? Tu as des conseils à donner ? Viens m’en parler dans les commentaires !
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