Aux éditions Le livre de poche
Instantané d’un immeuble et de sa faune, bric à brac d’histoires rocambolesques, fresque imposante d’une multitude de vies juxtaposées, La vie mode d’emploi mérite son sous-titre de Romans. Georges Perec aura passé neuf ans à définir la demi-tonne de contraintes à suivre, à élaborer la structure de son récit et à rédiger ce dernier roman, récompensé par le prix Médicis.
Perec compte un paquet de marottes : les mot-croisés (il composait des grilles pour Le Point), les énumérations et listes en tous genres (on se souvient peut-être douloureusement des Choses), et surtout, en digne membre de l’OuLiPo, les contraintes. La vie mode d’emploi en est remplie : elles déterminent la succession des chapitres, les personnages que l’on y croise, certains thèmes, des allusions… Mais contrairement à La Disparition (roman sans « e ») et Les Revenentes (sans « a », « i », « o », « u »), le livre reste agréable à lire : ce n’est pas une contrainte en forme de roman.
La trame principale : Bartlebooth (hommage au Bartleby de Melville et au Barnabooth de Valéry Larbaud), richissime désœuvré, décide d’un gigantesque projet s’annulant lui-même : peindre 500 aquarelles, les faire transformer en puzzle, reconstituer les puzzles, séparer le bois des aquarelles et les effacer, afin d’obtenir de nouveau une feuille vierge. Embarqués avec lui, Valène qui lui enseigne l’aquarelle, son serviteur Smautf, et Winckler, l’artisan chargés de fabriquer les puzzles. Autour d’eux, un grouillement d’êtres et de destinées banales, extraordinaires ou misérables.
Perec, on en a l’habitude, intercale tout un joyeux bazar entre les portraits des résidents : histoires diverses (une grande centaine), recettes de cuisine, extraits d’encyclopédie, fragments d’annuaire, listes de courses, publicités pour dentifrice, équations mathématiques, citations d’œuvres, arbres généalogiques, énigmes, catalogues d’outillage…
On a du mal à croire que, de contraintes certes fantasques mais indéniablement strictes, on puisse créer une telle profusion dans le récit. La vie mode d’emploi est certainement la preuve que les contraintes, loin d’emprisonner la création, la stimulent.
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
Les Commentaires
Il n'y a pas encore de commentaire sur cet article.