Depuis le début de la pandémie, beaucoup de personnes en télétravail ont abandonné tout effort vestimentaire. Et on les comprend : pourquoi s’engoncer dans un tailleur ou un jean trop étroit quand on peut bosser tranquillement en pyjama pilou-pilou ou jogging hyper comfy. Seulement, à mesure que la vie d’avant tente de reprendre son cours, difficile de renfiler ses looks de working girl.
Parce que le télétravail nous a prouvé que le professionnalisme et l’efficacité avait peu à voir avec la tenue. L’occasion de se demander ce que veut vraiment dire avoir l’air professionnel quand on est une femme des années 2020.
Une tenue professionnelle doit représenter l’entreprise pour laquelle on travaille
Anna, avocate en France après divers stages ailleurs en Europe, remarque un conservatisme vestimentaire propre à sa profession et l’Hexagone :
« Beaucoup d’annonces de cabinets d’avocats précisent qu’une tenue correcte et une bonne présentation sont exigées, comme si on ne s’en doutait pas déjà. Le préciser est une forme de rappel à l’ordre un peu infantilisant. C’est un métier où l’on est en contact avec des clients, et on doit représenter la fiabilité et la rigueur d’un cabinet et du droit, donc cela se comprend. La boîte que je viens de rejoindre m’a même transmis un règlement intérieur avec une longue liste d’interdits vestimentaires. »
Pour Lucile Quillet, autrice de l’essai féministe de coaching pro Libre de prendre le pouvoir sur ma carrière, avoir « LA bonne tenue de travail » est impossible. Elle varie en fonction des entreprises et des services qu’on y propose… et qu’on représente en partie :
« Une banque doit être fiable, précise, rigoureuse, ce qui doit se traduire dans la façon de se vêtir. Alors que le milieu de la pub est un lieu de fantaisie, où l’on vient chercher des idées avant-gardistes, de la singularité et de la créativité, ce qui laisse plus de marge de manoeuvre côté style. Au travail, on n’est pas que soi-même, mais aussi son entreprise et la fonction qu’on y occupe. »
En 2012, la ministre du logement Cécile Duflot avait subi des remarques machistes sous prétexte que sa robe était déplacée pour s’exprimer à l’Assemblée Nationale. L’histoire a tant marqué que sa marque a rejoint les collections du Musée des Arts Décoratifs de Paris :
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Paraître neutre pour éviter d’interférer avec ce qu’on dit et fait
En fait, dans la plupart des boîtes, avoir l’air pro revient à paraître neutre pour éviter toute interférence avec son discours et ses compétences, selon l’experte qui interviewe depuis des années des femmes sur leur carrière :
« Il s’agit surtout de se fondre dans la masse, montrer qu’on accepte les codes de la culture de l’entreprise, et qu’on en fait partie. Cela concerne également les hommes, qui peuvent être obligés de porter un costume ou une cravate, et se voient interdire les shorts, par exemple. Mais puisqu’on vit dans une société patriarcale, la pression à l’encontre des femmes sur leur apparence s’avère beaucoup plus forte. »
Une étude datée de 2011 de chercheurs de Harvard et de Boston atteste de cette charge esthétique qui pèse particulièrement sur les femmes. Ils y démontrent combien les femmes maquillées paraissent plus professionnelles, compétentes et fiables que celles non-maquillées.
Selon Lucile Quillet, cela prouve bien qu’on associe l’idée même de compétences à l’apparence, avec un supplément biais sexistes. Que les femmes paient, symboliquement et littéralement :
« Il faut jongler entre plusieurs injonctions contradictoires. Il faut s’habiller de manière apprêtée, mais pas trop. Maquillée mais pas trop. Plein de petits calculs qui s’ajoutent à la charge mentale, coûtent du temps, mais aussi de l’argent, puisque ces efforts de coiffure, maquillage et vêtements ne sont pas considérés comme des frais professionnels. Sauf dans le cas où l’entreprise impose son uniforme. J’ai reçu plein de témoignages de blondes qui se sont teint les cheveux en bruns afin d’être davantage prises au sérieux, par exemple. Implicitement, pour faire plus pro.»
En télétravail, même notre intérieur doit avoir l’air pro
Même en télétravail, tâcher d’avoir l’air présentable, ne serait-ce que le temps d’une réunion Zoom, implique de faire attention à d’autres détails, souligne Lucile Quillet qui distille également des conseils sur son compte Instagram. Elle explique ainsi à Madmoizelle :
« On est toutes en mode cadavre exquis, avec un haut pro et un bas douteux, sauf qu’on doit faire attention à d’autres détails. Que laisse-t-on entrevoir de son intérieur en arrière-plan, est-ce que les enfants vont crier ou sa moitié écouter comment on travaille. Évidemment que des jugements des collègues peuvent en découler et que cela peut être mis en perspective avec nos compétences. Même notre intérieur doit avoir l’air pro, en télétravail ! C’est une charge de stress sous-estimée, alors qu’on a bien mesuré que les femmes sont davantage pénalisées par le télétravail que les hommes. »
Le double-standard d’avoir l’air pro quand on est une femme racisée ou non
D’ailleurs, puisque avoir l’air pro consiste à paraître neutre pour se fondre dans la masse, l’équation se complique quand on ne ressemble pas à la majorité blanche, cisgenre, hétérosexuelle et valide. Car ce n’est pas l’école qui dicte les codes, nan, nan, mais bien la majorité qui s’érige en neutralité.
Selon Marie Dasylva, coach de survie face aux discriminations au travail, le devoir d’apparence professionnelle confine au racisme et au sexisme :
« Professionnaliser son apparence revient à la standardiser selon des normes dictées par et pour des hommes blancs cisgenres et hétéros. Des entreprises interdisent le port de l’afro ou de locks alors que ce n’est pas forcément stipulé dans leur règlement intérieur. D’autres refusent d’embaucher des femmes qui portent le foulard. Certaines marques de luxe imposent une teinte unique de rouge à lèvres pour toutes leurs vendeuses alors qu’elle ne convient pas à toutes les carnations. Pourquoi a-t-on forcé si longtemps des hôtesses de l’air à porter des jupes si ce n’est pour qu’elles performent bien la féminité aux yeux du male gaze ? Encore aujourd’hui, beaucoup d’individus sont empêchés d’exprimer leur genre comme ils l’entendent. »
Et ce sont bel et bien ces règles officieuses qui sont les plus pernicieuses, puisqu’elles peuvent empêcher une embauche ou nuire au bon jugement des compétences, selon la coach fondatrice de sa propre agence, Nkaliworks :
« J’ai dû conseiller à une cliente de prendre en photo ses tenues du jour pendant un mois avant de les présenter à son manager et la RH qui lui reprochaient de ne pas « avoir l’air professionnel ». Et ils étaient bien incapables de pointer précisément ce qui clochait. Car c’était son corps racisé le problème. Nos corps sont perçus comme vulgaires, sauvages, donc à contrôler. Cela passe par cacher nos formes, nous défriser les cheveux, ou encore sourire constamment pour ne pas être taxé du stéréotype de l’angry black woman. »
La bonne tenue professionnelle ne se joue donc pas que dans les vêtements, mais aussi dans les cheveux et les expressions faciales, avec un double-standard indicible à l’encontre des personnes minorisées.
À Marie Dasylva de conclure sur une note positive :
« Heureusement, la généralisation du télétravail dû à la pandémie a au moins le mérite d’avoir prouver à beaucoup d’entreprises que leur salariés pouvaient travailler n’importe où et dans n’importe quelle tenue. Ce qui est une bonne nouvelle pour plein de personnes, notamment celles en situation de handicap. La norme de la bonne tenue professionnelle doit être questionnée et challengée. »
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Les Commentaires
Outre l'uniforme et/ou l'EPI, il y a effectivement des cas où une tenue correcte et sobre est souvent exigée de l'employeur dans le règlement intérieur de l'entreprise ou dans une convention etc...
Puis il y a certains métiers au regard de l'accueil du public, de la clientèle, d'usagers etc...sous-tendront fatalement que vous devez être correctement habillé. Pas nécessairement en costume cravate pour les Hommes ou tailleur pour les Femmes mais être habillé correctement.
Puis il y a des métiers où l'entreprise te fournit ta tenue qui n'est pas de l'EPI mais pas de l'uniforme mais s'y apparente car aux couleurs de l'entreprise ou selon un dress code qu'elle aura établi. C'est mon cas je travaille dans une société de transports en communs inter-départementale (non, non pas celle à laquelle vous pensez qui assure le métro de la capitale entre autre). Les conductrices.teurs de bus (et d'autocars car nous faisons aussi du transport style quand vous avez besoin de louer un car pour une sortie scolaire ou autre) ainsi ques les agents commerciaux, les agents d'accueils et les contrôleurs ont une tenu de l'entreprise (pas mal d'ailleurs). Les Filles peuvent choisir de porter une jupe (notamment les agentes commerciales et d'accueil) ou un pantalon. Pas de problèmes.
Du coup dans l'entreprise, les personnels administratifs et gestionnaires dont je fais partie ne sont pas tenus au port de la tenue de l'entreprise mais il est clairement indiqué dans nos contrats que nous devons avoir une tenue correcte et sobre afin d'être en accord avec la politique de tenue vestimentaire de la société cf. une forme de respect pour celles et ceux qui sont astreints au port d'une tenue entreprise.
Il est clair que tous mes collègues ne viennent pas en costard cravate et mes collègues ne se pointent pas en tailleur working girl (je grossis le trait). Par exemple, la collègue directe avec laquelle je bosse tous les jours a un style très stylisé. Elle est pas loin de la cinquantaine, se teint les cheveux en bordeaux très foncé (elle a une super couleur de cheveux pas dégue' ni terne ni délavée), elle 4 trous de boucles d'oreille à chaque oreille, elle a une collect' de docks martins basses, montantes ou carrément à la David Bowie dans Ashees to Ashees, elle porte du blouson harrigton entre autre etc..etc...c'est la génération new-wave, ska, punk. Donc c'est un style qui se repère mais cela donne lieu à aucun commentaire car c'est une tenue correcte et qui malgré tout reste sobre.