Vous l’avez peut-être remarqué depuis quelques années déjà. Decathlon connaît une forme de retour en grâce auprès des jeunes générations. En attestent de nombreux influenceurs qui ne quittent plus leur maillot de corps en matière technique Kipsta — la marque football de l’équipementier sportif français.
Autrefois ringard, Decathlon devient de plus en plus hype. Une trajectoire de marque déroutante et inspirante, qui raconte beaucoup de l’évolution des mentalités autour du sport, de l’importance d’acheter local, et d’adopter une consommation plus responsable. Car au fond, l’équipementier a toujours été fidèle à lui-même ; c’est plutôt le reste de la société qui a appris à s’aligner sur les mêmes valeurs.
Récit d’une success-story très française.
D’où vient Decathlon, le plus grand équipementier sportif français ?
Pour Decathlon, tout a commencé en 1976.
Le premier magasin ouvre dans une zone commerciale à Englos, près de Lille, d’abord en tant que distributeur de différentes griffes de sport, avant de développer sa marque propre de produits dès 1986. Ou plutôt ses marques, car l’entreprise en compte en réalité 85 désormais, dont des très connues comme Quechua pour la randonnée et le camping, ou encore Kalenji pour la course à pied — il existe presque une marque par sport !
La même année, Decathlon s’est mis à proposer et accueillir son premier Trocathlon pour que les particuliers puissent s’échanger et se revendre entre eux des produits en boutique. Soit bien avant la vogue des vide-dressings de blogueuses, ou qu’afficher se soucier de l’environnement et lancer son site de seconde main ne devienne à la mode chez les marques comme aujourd’hui…
Les valeurs de Decathlon deviennent tendance dans le reste de l’industrie
Désormais présent dans 60 pays, avec près de 100.000 employés, Decathlon peut faire figure de mastodonte mondial du sport.
Ce genre d’expansion rime souvent avec une perte de personnalité et d’âme ; pour lutter contre cela, la griffe sait justement laisser ses boutiques devenir des lieux d’expériences, avec des coins où acheter d’occasion, réparer son vélo, ou même pratiquer du sport dans les plus grands magasins baptisés Decathlon Village.
Là où les mastodontes tels que Nike, Adidas, ou Puma ont toujours su séduire les masses à coups de grands frais marketing, Decathlon a longtemps traîné une image surannée de vêtements premiers prix sans égérie, au design purement utile, sans s’intéresser au style.
Mais voilà que le ringard d’hier devient la hype d’aujourd’hui, alors que l’écoresponsabilité et acheter local devient aux yeux des Français et Françaises un enjeu majeur.
Outre la vogue — qui dure depuis quelques années déjà — du normcore, qui consiste à s’habiller basique comme un parti-pris stylistique (des grosses chaussettes dans des sabots Birkenstock, un jogging Decathlon et une polaire Patagonia forment actuellement l’uniforme informel des bobos branchés), voilà que d’autres tendances plus niches s’affirment également : un vestiaire post-apocalyptique à la Mad Max Fury Road, surnommé « survivaliste-chic » (oui, on a le sens de la formule dans la mode) et une garde-robe montagnarde baptisée « gorpcore » (coucou Jacquemus et sa dernière collection La Montagne).
Deux micro-tendances faciles à adopter en passant chez Decathlon. Mais c’est plutôt du côté du rap français que la marque trouve ses meilleurs ambassadeurs bénévoles. Notons aussi les « lesbiennes quechua » qui vouent un culte aux polaires et chaussures de rando de la marque, au point que cela soit presque devenu un signe implicite d’appartenance au gouinistan, mais c’est une autre histoire.
Loin du bling Y2K, le rap français célèbre l’accessibilité de Decathlon
Le rappeur Jul porte avec fierté une doudoune Decathlon dans son clip En Y (vu par près de 71 millions de personnes à ce jour) en 2015. Il cite même la marque dans JCVD : « Pochon dans le sac Quechua, claquettes coupe au séchoir. »
Hommage semblable du côté du rappeur Sofiane dans IDF en 2018 :
« Fais pas confiance à celui qui a la sacoche j’l’ai cramé là çui-gui, En scre-gued, quand ça kicke du stud’, En Quechua qui trafique du stup’ ».
Dans leur titre Zidane, le groupe 13 Block tire également sa révérence aux différentes marques en propre de l’équipementier français : « Toujours en Quechua, taille M Quechua, taille M Kipsta. » Issu de ce groupe, le rappeur Don Stavo a également fait du pied à la marque sur Snapchat à travers une vidéo devenue culte où il demande :
« J’ai un message à faire passer à Decathlon qui doivent le faire passer à Quechua. Ça fait combien d’années, nous les mecs de [cité] qu’on met du Quechua ? Combien d’années qu’on achète du Quechua, qu’on charbonne en Quechua. Commencez à faire des survêt’ pour nous ! »
Réputé pour être particulièrement bien looké, le rappeur SCH s’affiche lui aussi en polaire Decathlon.
Le groupe de rap 2MR Squad a également rendu hommage à la griffe à travers un titre qui s’appelle carrément Quechua, sorti en 2019.
Bien loin des codes du rap bling bling du début des années 2000, voilà que les artistes les plus écoutés sur les plateformes de streaming en France portent donc avec fierté cette marque tricolore, fonctionnelle, et à petit prix.
Une façon de se montrer accessible, terre-à-terre, plutôt que flambeur, que résume bien Orelsan dans son featuring avec Oxmo Pucchino sorti en 2019, Ma Life, où il présente comme un signe de réussite sociale sa capacité à rentrer en boîte en Quechua.
Decathlon salue avec authenticité les rappeurs qui s’affichent fièrement dans ses vêtements
Bref, le rap français adore Decathlon, et la marque le lui rend bien — avec une authenticité dont il serait difficile de douter, tant la griffe a toujours assumer sa volonté d’être la plus démocratique, accessible, possible.
C’est une différence appréciable comparée à d’autres entreprises comme Burberry, Gucci et Lacoste qui voyaient d’un mauvais œil dans les années 1980-1990 la façon dont certains groupes sociaux jugés trop populaires à leur goût pouvaient s’approprier leurs vêtements et logos. Ces même marques courent aujourd’hui après les rappeurs, justement dans l’espoir de parler à la jeunesse qui les écoute désormais massivement…
Régulièrement, sur les réseaux sociaux (en particulier Twitter), Decathlon célèbre donc les rappeurs qui s’affichent fièrement dans ses vêtements.
Décathlon tente de prendre un virage plus mode, avec la vogue du sportswear rétro
En plus d’être plébiscité par le genre musical le plus populaire de France, et de correspondre à la lame de fond normcore, Decathlon a également su capitaliser sur la tendance mode du sportswear bien rétro.
L’été 2018, la griffe a ainsi décidé de relancer un jogging datant de 1985 tel quel, en édition limitée : 1000 exemplaires du JOG85, aussitôt sortis, aussitôt sold-out.
Rebelote quand la griffe réédite un modèle de baskets Flex daté de 1996 en mars 2020 : rebaptisées Revival Jog, les 3000 paires se sont écoulées si vite que leurs ventes ont fait planter le site.
La pandémie n’a fait qu’augmenter la hype autour de Decathlon. Beaucoup de Français et Françaises ont en effet profité des confinements pour se mettre au sport à la maison, puis à vouloir un maximum prendre l’air au déconfinement.
Et qui mieux que la marque pour équiper tout ce beau monde, à une période où acheter national prenait encore plus de sens ?
Decathlon, une marque socialement engagée et vraiment inclusive
Signe supplémentaire du caractère démocratique, vraiment tout public, de la marque : ces chaises pliantes de camping Quechua. Elles faisaient figure de best-seller, non seulement au pied des montagnes, mais aussi des cités de banlieues franciliennes, comme l’ont remarqué les médias Society et Le Parisien — Hatik, rappeur révélé par la série Validé, a carrément intitulé un album Chaise pliante.
Sauf que vouloir s’adresser à tous les publics et faciliter les pratiques sportives pour tous a aussi amené la marque à essuyer une polémique, dont elle n’est sortie que plus grandie et engagée encore. En février 2019, la commercialisation d’un hijab dédié à la pratique du running fait scandale. Face aux pressions politiques, menaces et agressions physiques subies par des employés Decathlon de la part d’islamophobes (pour qui la simple idée d’une femme qui porte le foulard même pour courir est insupportable), la griffe a fini par le retirer des ventes en France. Mais l’histoire retiendra ce geste d’inclusion supplémentaire.
Decathlon, une marque en transition pour être toujours plus écolo
Inclusive et démocratique, la marque agit aussi pour réduire un maximum son impact environnemental. Depuis 2017, 100% des magasins Decathlon utilisent de l’énergie verte, par exemple. Mais c’est un effort dérisoire par rapport au gros de la pollution : la confection des produits.
Face au constat que l’essentiel de leur empreinte carbone provient de leur conception-production (de l’ordre de 86% d’après un bilan énergétique Scope 3 de 2011), la marque redouble donc d’effort.
Cela passe par repenser les designs pour une écoconception de produits moins polluants, plus durables, réparables et recyclables. En pleine transition bas carbone, Decathlon prévoit que 90% de ses productions devraient se faire en énergie renouvelable d’ici 2026.
Decathlon affiche avec pédagogie l’impact environnemental de ses produits
En attendant, le grand public peut déjà évaluer ces progrès car Decathlon affiche pour ses produits une note environnementale allant de A à E selon une méthode développée par l’ADEME (l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, une autorité publique) prenant en compte les principaux impacts du produit, de sa fabrication à sa fin de vie.
Certains vêtements (et bientôt tous les produits) affichent même leur empreinte carbone : comptez 6,85 kg de CO2e pour une veste polaire Quechua ou 6,46 kg de CO2e pour un legging Kalenji, par exemple. Pour vous donner un ordre d’idée, 1 kg de CO2e correspond à environ 5km en voiture essence selon l’ADEME. De quoi informer ses clients texto plutôt que de les bassiner de story-telling creux.
Chez Kalenji, par exemple, 25% de la gamme est d’ores et déjà écoconçue — c’est notamment passé par troquer le polyester vierge contre du recyclé et la teinture sur rouleau pour teindre directement dans la masse. Toute la collection devrait être entièrement éco-conçue d’ici 2024, et toutes les marques Decathlon pour 2026, afin de pouvoir s’affirmer fièrement éco-concepteur.
Bref, ça a en fait des raisons d’être à fond la forme. Même si on ne fait pas de sport. Ne serait-ce que pour le style et l’environnement !
À lire aussi : Vous ne connaissez peut-être pas l’égérie de la collec Decathlon pour les JO de Paris 2024, mais son histoire vaut de l’or
Crédit photo de Une : Décathlon.
Ajoutez Madmoizelle à vos favoris sur Google News pour ne rater aucun de nos articles !
Les Commentaires