Il est facile de râler contre les parents (et surtout les mères) qui doivent changer des couches à même le sol dans les bibliothèques, les restaurants, les trains ou les avions. Il est facile de lever les yeux au ciel dès qu’un bébé entre dans un train dans les bras de son parent, parce qu’on sait qu’il va faire du bruit pendant le trajet. Il est facile de pousser des gros soupirs bien sonores qui mettent mal à l’aise ceux à qui ils sont destinés, quand on entend des gamins faire du bruit dans un restaurant. Vraiment, il est facile d’être un buffle (pour rester polie). Il est aussi très facile de tendre vers l’infantisme, l’adultisme et l’individualisme.
Et qu’est-ce qui l’est moins ? De changer les mentalités et d’adapter une société en retard et en décalage. Pourtant, il y a urgence, pour le bien de toutes et tous, même de ceux qui ne sont pas concernés par la parentalité.
On ne met pas bébé dans un coin
Il y a quelques jours sur son compte Instagram, Cédric Rostein, auteur du podcast engagé Papatriarcat, a posté une image de son bébé qu’il a été obligé de changer sur un comptoir d’accueil d’un magasin Castorama. Pourquoi a-t-il dû changer la couche de son nouveau-né dans un espace absolument pas prévu pour ça ? Tout simplement parce qu’il n’y avait pas de table à langer dans les toilettes pour femmes ou pour hommes. Un magasin familial, où il est possible d’acheter de quoi redécorer une chambre d’enfant et de claquer une blinde en déco très instagrammable, n’avait pourtant pas inclut les familles dans les sanitaires du magasin, pourtant à destination de toutes et tous.
Si cette anecdote peut sembler désuète pour ceux qui n’ont pas d’enfant, elle est pourtant terriblement symbolique de notre société : la France n’est pas adaptée aux enfants et aux familles, et c’est pénible.
C’est pénible pour les parents, qui doivent toujours rivaliser d’imagination pour, dans ce cas précis, trouver des endroits un peu cachés pour changer la couche de leur bébé, mais c’est aussi pénible pour ceux qui tombent, au détour d’un rayon, sur les parties intimes d’un bébé ou l’odeur d’une couche sale. Personne n’aime ça, vraiment. Alors, qu’est-ce qu’on fait ? On demande à la société de trouver des solutions, parce que vraiment, on en a gros.
Les enfants sont des persona non grata
Si vous pensez que c’est partout pareil, et que c’est aux parents de faire un effort, je vous propose, d’aller faire un tour du côté des pays scandinaves. Là-bas, les enfants font partie de la société. Dans les trains, les restaurants, les hôtels, les lieux publics : les enfants sont les bienvenus. Et vous savez pourquoi ? Parce qu’ils sont considérés en tant qu’êtres humains, comme les autres. Plus petits, plus bruyants, moins au fait des conventions sociales et des normes sociétales, mais des êtres humains quand même.
Petit exemple des trains en Finlande :
Quand on voit qu’en France, des débats sont lancés pour savoir s’il faut créer des restaurants ou des hôtels interdits aux mômes, on peut se dire, qu’en tant qu’humain, on marche complètement sur la tête. Transposez le mot « enfant » par « personne âgée » ou « personne racisée » : ça titille un peu la morale, non ? Vous ne trouvez pas que c’est tout simplement indécent d’imaginer qu’on peut tout simplement exclure une partie de la population parce qu’elle ne rentre pas dans les normes ?
Oui, les enfants, la plupart du temps, sont bruyants. Ils courent, ils rigolent fort, ils pleurent, ils jouent, ils ont les doigts qui collent. Mais il va bien falloir que la société intègre ce fait pourtant évident : les enfants sont des citoyens, comme tous les autres. Leurs droits sont déjà suffisamment bafoués pour qu’en plus, on veuille les exclure. Sans compter que, lorsqu’on veut interdit l’espace public à un môme, c’est aussi en réalité à son parent responsable qu’on demande de s’écarter. Et qui, dans la majorité des cas, se coltinent les mômes dans les espaces publics ? Les mères. Génial, en plus c’est sexiste. Joli combo.
Non, ce n’était pas mieux « avant »
Il est urgent que la société fasse un sacré bond en avant concernant les enfants. Quant à l’argument tout pété et complètement réac qu’on peut souvent entendre, à savoir « les enfants sont mal élevés, les parents ne sont pas assez sévères, ils laissent tout faire, moi de mon temps…. » Ça suffit. Les jugements à l’emporte-pièce, basés sur une époque où les choses étaient bien différentes sur beaucoup d’aspects, ne sont pas valables et audibles.
Arrêtez de comparer ce qui ne l’est pas, de mettre en compèt’ un temps où les sévices corporels sur les enfants pour les « dresser » étaient monnaie courante, et totalement normalisés. Bien évidemment qu’un enfant qui a peur de se prendre une rouste par son daron devant tout le monde sait plus facilement se tenir tranquille. Est-ce que ça l’aide à grandir sereinement ? À en faire un adulte décent ? Non, arrêtez ces conneries. « Les enfants étaient plus calmes, à l’époque ». Mais de quelle époque parle-t-on, exactement ? Il faut remettre ce qui doit l’être dans le contexte qui l’accompagne.
Grand nombre sont ceux qui ont oublié qu’ils ont, eux aussi, été des enfants. Pourtant, sans vouloir avancer des chiffres au doigt mouillé, on peut affirmer sans peine que 100 % des adultes ont été des enfants. Alors un peu de tolérance et de recul, merci bien, il ne faudrait pas avoir la mémoire trop courte.
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La société doit changer et s’adapter
Les enfants (et les parents) ne sont pas les bienvenus dans la société, c’est un fait. La pénurie des modes de garde, le manque d’adaptation de l’espace public aux plus petits, les jugements des uns et des autres sur la façon d’élever un môme, les gifles données à celles qui allaitent sans être cachées… La liste est longue.
Pourtant, certaines choses pourraient être mises en place pour soulager tout le monde : des trains avec un wagon transformé en salle de jeux pour que les enfants s’amusent et ne dérangent pas les autres passagers, des tables à langer obligatoires (ainsi que des petites toilettes pour les mômes qui commencent à enlever les couches) dans tous les sanitaires, des crayons de couleur et des coloriages à disposition dans tous les restaurants… Des temps d’attentes réduits pour les parents dans les files d’attente pour éviter de faire hurler à la mort les bébés qui s’impatientent, des petites tables de jeu à l’entrée des magasins pour que les enfants patientent au calme en jouant pendant que les parents font les courses… Ce n’est pas compliqué, ce n’est pas ce qui coûte le plus cher, et ça calmerait tout le monde. Les enfants, les parents, et tous les autres individus qui gravitent autour.
Il n’est pas question de donner un quelconque « passe-droit » aux parents et aux enfants, mais simplement de leur donner la chance d’être tout aussi considérés que tous les autres citoyens. Les enfants ne sont pas en dessous des autres, ils sont égaux. Il est normal de les considérer et d’adapter la société à eux aussi.
En dehors de tout ce qui doit être fait, d’un point de vue gouvernemental, pour faciliter l’intégration complète des parents et des enfants dans la société, certaines mesures, facilement applicables, permettraient à toutes et tous de trouver un chemin d’entente. Alors, on s’y met quand ?
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