Le 1er septembre 1963, c’est la rentrée au lycée Voltaire, un établissement public d’une ville de province (le tournage a eu lieu en Charente-Maritime). Et un événement va chambouler le quotidien des élèves : des filles ! Elles sont une dizaine, s’appellent Annick, Simone ou Michèle et vont, pour la première fois, aller en cours aux côtés de la gent masculine. C’est cette histoire que la série Mixte – une création française originale de Marie Roussin (Les Bracelets rouges) – nous raconte. Les huit épisodes de la première saison sont tous disponibles sur Amazon Prime Video.
Mixte, série scolaire mais sympathique
Suite au baby-boom commencé dans les années 1940, les effectifs scolaires explosent quelques années plus tard, forçant les lycées à ouvrir leurs portes aux filles. La showrunneuse de Mixteexplique à Télé-Loisirs :
« Je suis tombée sur un article qui parlait d’un lycée qui avait la grande fierté d’avoir été le premier lycée de tout son département à être devenu mixte au début des années 1960 et à avoir accueilli quelques filles. Je me suis dit que c’était vraiment une idée géniale. »
La série aborde les difficultés auxquelles les filles doivent faire face entre professeurs masculins qui ne veulent pas leur donner la parole, manque de toilettes et enseignante vieille école qui « slut-shame ». Mixte reste néanmoins assez scolaire et manque parfois d’un peu de mordant. Finalement, la série s’intéresse beaucoup aux émois des adolescents (et des adultes). Jean-Pierre, le «Alain Delon » de la série, s’éprend de l’amie de sa petite sœur, cette dernière découvre aussi le premier amour… Mixte est une série pour adolescents assez basique, mais qui nous montre les aberrations d’une certaine vision de la femme (et des personnes LGBTI+) au début des années 1960.
Une série qui manque de diversité ?
De nombreuses critiques affirment que Mixte est « la peinture d’une époque », mais en regardant la série, on n’a pas pu s’empêcher de se faire une réflexion : le casting est quand même bien blanc, que cela soit au niveau des personnages principaux, secondaires ou des figurants. L’une des rares personnes racisées à faire une apparition, un homme noir, se fait tabasser (avec ses camarades d’une troupe de théâtre) par des fachos. La France du début des années 1960 était-elle aussi peu diverse ? On a fait quelques recherches.En 1945, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, une troisième vague d’immigration, favorisée par la France qui a besoin de main-d’œuvre, commence. Les immigrés italiens puis espagnols et portugais sont largement majoritaires avant que des Maghrébins arrivent. L’historien Gérard Noiriel explique dans le magazine L’Histoire:
« Avec la reconstruction et la modernisation, on a de nouveau recours à l’immigration. […] Les Algériens, alors Français, arrivent nombreux jusqu’en 1954. Mais la guerre d’Algérie va ralentir cette immigration. Puis, après les accords d’Évian, de mars 1962, on verra l’arrivée massive des harkis, pieds-noirs et travailleurs immigrés. Entre 1962 et 1973, les flux s’accélèrent. »
Une immigration surtout d’Afrique du Nord, masculine et due au travail
Plus de 200.000 Algériens sont recensés en 1954 en métropole (et seulement 6.000 Marocains, qui arrivent ultérieurement) d’après TV5 Monde. La plateforme éducative Lumni explique qu’entre 1946 et 1954, le nombre d’Algériens est multiplié par dix. Puis entre 1962 et 1982, ils passent de 350.000 à 800.000. Évidemment, ces chiffres officiels ont pu être sous-estimés. Le Musée national de l’histoire de l’immigration, de son côté, explique que les immigrés des Trente Glorieuses sont souvent obligés de vivre dans des bidonvilles près des grandes villes, comme celui de la Folie à Nanterre qui comptait principalement des travailleurs algériens. En 1956, la Sonacotra est aussi créée pour reloger les travailleurs algériens et leur famille. Dans Mixte qui se déroule en 1963 donc un an après l’indépendance de l’Algérie, la situation du pays est très vaguement abordée à travers le personnage de Simone, jouée par Anouk Villemain. L’adolescente est une pied-noir vivant chez sa tante, car ses parents sont restés en Algérie. De son côté, l’immigration subsaharienne (surtout du Sénégal, Mali et de la Mauritanie) prend un véritable essor plus tard, dans les années 1970 suite à la sécheresse du Sahel. Cela ne veut pas dire qu’elle est absente au début des années 1960, juste beaucoup moins présente que celle maghrébine. Et pour ce qui est de l’immigration d’outre-mer, les flux arrivent aussi ultérieurement avec la création du Bumidom (Bureau pour le développement des migrations dans les départements d’outre-mer) en 1963.Conclusion : même si l’immigration du début des années 1960 est surtout celle de travailleurs masculins d’Afrique du Nord, la France de 1963 n’est pas forcément aussi blanche que Mixte nous la présente.
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Les Commentaires
Dans mon village, situé dans le centre de la France, nous n'étions que trois gamins issus des minorités : une fille d'origine marocaine et mon frère et moi, issus par notre mère, de la communauté gitane.