— Article rédigé à quatre mains par Amélie et LadyDandy
Le nouveau film d’animation des studio Disney vient pointer son bout de nez (froid) dans les salles de cinéma françaises. La Reine des Neiges, c’est l’adaptation d’un conte de Hans Christian Andersen publié en 1845.
Anna, princesse d’Arendelle, va partir à la recherche de sa soeur, la reine Elsa, exilée après avoir plongé la ville dans un hiver sans fin. Accompagnée de Kristoff, rencontré en chemin, et son renne Sven, elle va devoir braver les dangers de la montagne, qu’Elsa a mis en travers de leur route. Sur le papier, ce n’est pas d’une originalité folle mais il faut s’attendre à tout.
Noël, la magie, tout ça c’est bien beau, mais concrètement ça donne quoi ?
Le point de vue d’Amélie, la touriste
Je vais être honnête avec toi : en ce qui concerne Disney, je suis souvent (trop) bon public.
Un peu comme lui.
Pourtant, je sais quand même avoir un peu de discernement quand certaines choses méritent d’être dites. J’ai du mal avec les dernières créations des studios. J’ai moyennement aimé Raiponce, je n’ai pas accroché à Rebelle et je n’ai toujours pas la force de jeter un oeil aux Mondes de Ralph. Du coup, je suis partie sceptique voir cette nouvelle oeuvre.
C’est marrant parce qu’une heure et demie après, j’étais toujours dans le même état de scepticisme. Sur certains points, j’ai trouvé La Reine des Neiges plutôt bon, sur d’autres je l’ai trouvé fade et aussi froid que la glace qu’on venait de m’envoyer par paquet.
Avant même que le film ne sorte, il a été comparé à Raiponce. J’approuve. Le personnage d’Elsa est fortement similaire à la fille aux cheveux magiques, tant dans son physique (après une petite virée chez le coloriste) que dans sa façon d’être : elle a été élevée dans un endroit hors du temps, elle est en quête de savoir et ne connaît pas grand-chose de la vraie vie… Bref, ça sent un peu le hachis parmentier réchauffé au micro-ondes.
Si tu es vite saoulé-e par les mélodies chantées à tue-tête par de jolies voix cristallines, je te conseille d’emmener tes boules Quiès : la première partie du film est digne d’une comédie musicale de Broadway. Ce n’est pas désagréable en soi, mais c’est un peu redondant et lourd dès le départ.
En tout cas, tu auras sûrement du mal à te détacher de certains airs qui s’accrochent à la mémoire comme une moule à son rocher. Je te lance le défi de ne pas ressentir le besoin de hurler dans la rue « LIBÉRÉÉÉÉE, DÉLIVRÉÉÉÉÉÉE » quelques jours après avoir vu le film.
Bon et puis il y a la version vibrato de Demi Lovato.
La dualité entre les personnages féminins et masculins est très intéressante. Disney nous sert pour une fois deux princesses et deux princes !
Elsa et Kristoff sont tous deux des anti-héros qui changent des carcans classiques (que Disney semble vouloir mettre un peu de côté ces temps-ci). On ne sait pas vraiment quel personnage on est censé-e-s aimer, et lequel détester. Il y a aussi Olaf, qui m’a franchement fait rire (et c’est pas facile). C’est la vraie carte lolilol du film : la naïveté du personnage. Danny Boon gère d’ailleurs sa voix de manière très cool.
Mais les bonnes idées sont un peu oubliées pour d’autres personnages plus fades : Sven, copie de Maximus le cheval con-con de Raiponce, ou Anna qui reste très cliché.
Je ne connais pas du tout le conte, mais j’ai trouvé que le côté nordique était plutôt fidèle… jusqu’à un certain point. Les décors, par exemple, m’ont paru beaucoup trop lisses. Je pense que les costumes auraient pu être plus jolis et détaillés. Et cette robe de la Reine des Neiges, totalement WTF, en mode diva de piano-bar pour vieux, on en parle ?
Bref, La Reine des Neiges c’est pas le film de l’année, c’est pas non plus le Disney qui va révolutionner le monde. C’est un bon long-métrage à pop-corn sucré, le genre de truc que tu vois, que tu kiffes, que tu oublies. Je pense qu’une fois de plus, cette année, il faudra zieuter du côté de Dreamworks pour avoir de la qualité (Les Croods étant pour moi le meilleur film d’animation de ces dernière années, tellement beau et cool que je ne m’en remets pas) !
Le point de vue de LadyDandy, fan hardcore de contes de fée, qui adore détester Disney
La reine des neiges est un de mes contes de fée préférés. Je l’aime passionnément-à-la-folie, tout comme j’aime passionnément-à-la folie l’univers délicat et poétique d’Andersen, et j’étais certaine que l’adaptation Disney ne ferait absolument pas honneur au conte.
Et je dois dire que j’ai eu RAISON là-dessus. Si Raiponce garde quelques éléments de la trame originale du conte dont il est inspiré, ce qui en fait une adaptation pas nécessairement honnête mais qui mérite son titre, La Reine des Neiges ressemble très très peu au conte d’Andersen.
Les seuls éléments gardés : une reine des neiges, mais bon, pas du tout le même personnage que dans le conte. Et on reprend une histoire un peu similaire à l’éclat de miroir dans le cœur, mais c’est pas grand-chose. Ah, sinon, le personnage de Hans est sans doute nommé d’après Andersen (et il a douze frères, ce qui peut éventuellement rappeler un autre conte de cet auteur : Les Cygnes Sauvages).
Bref, La Reine des Neiges ne mérite pas le titre « d’adaptation » du conte d’Andersen. Le Bossu de Notre-Dame est plus proche de l’univers de Victor Hugo que ce film ne l’est du matériau de source… C’est dire !
Mais après… est-ce que tout ça veut dire que j’ai détesté le film ? Non ! Je l’ai même vu deux fois à vrai dire (et je compte le revoir encore). Le tout, c’est juste de se dire que ce n’est PAS le conte d’Andersen. Que c’est une histoire originale de Disney qui s’appelle Frozen et ça passe tout de suite mieux. Parce que quand même, le film a quelques atouts !
Politiquement, il est loin d’être dégueu (contrairement aux Croods cité par Amélie, qui est bien plus réussi esthétiquement — étoiles dans les yeux — et beaucoup plus drôle, mais qui impose aussi patriarcat et spécisme de manière complètement décomplexée). C’est sans doute la première fois qu’on a deux héroïnes, et même si mon moi cynique se disait « ouais, elles ont la même tête que Raiponce et serviront à vendre deux fois plus de poupées », leur relation est développée, touchante, l’une d’entre elles est quand même reine (carrément), leurs duos sont absolument magnifiques et c’est probablement la première fois que l’amour romantique ne sauve pas notre demoiselle en détresse dans un Disney. Bref, j’adhère !
Il est quand même assez drôle. Cependant, si la VF est bien meilleure que dans Raiponce, les gags passent beaucoup mieux en VO : même si Danny Boon n’est pas si mal, Josh Gad rend Olaf le bonhomme de neige moche-mais-attachant mille fois plus adorable, la performance de Kristen Bell pour l’héroïne Anna est beaucoup plus sarcastique et piquante que celle d’Emylou Homs en VF…
À noter aussi qu’en VO, un personnage secondaire a un délicieux accent français qui m’a fait beaucoup rire (oui, l’accent français moche me fait rire, et vu que le personnage n’a aucune des caractéristiques de la caricature du Français habituelle, je n’ai pas trouvé ça xénophobe, comme peut l’être le personnage de la Taupe dans Atlantide).
L’histoire a le mérite de changer un peu : le point central est la relation entre deux soeurs et on voit ça assez rarement dans l’ensemble de la production animée. Moi qui désespère de voir des relations entre femmes à l’écran, je suis servie !
Les personnages sont aussi plutôt attachants. L’héroïne (Raiponce 2.0) me tapait sur les nerfs en VF, mais en VO, les intonations plus sarcastiques de Kristen Bell la distinguent davantage. Elle semble plus piquante, parfois désabusée, moins naïve… Cela dit, le film a mal négocié certains points qui en deviennent peu crédible, et le rythme est parfois un peu rapide vu tous les enjeux.
Même s’il y a un gros déséquilibre dans la répartition des chansons (du style « on en expédie huit en dix minutes dans la première partie et ensuite plus rien »), elles sont vraiment excellentes. Ça faisait longtemps que je n’avais pas été aussi emballée par la bande-son d’un Disney. Je connais déjà deux chansons par coeur ! Et comme le reste du film, je vous conseille de les écouter en V.O.
https://youtu.be/weta3JAQzrc
Pour vous faire partager mes talents mon enthousiasme pour la BO : LadyDandy qui chante sur fond de manchots. Derien.
La Reine des Neiges n’est globalement pas super beau même si, évidemment, c’est Disney donc on a un minimum syndical de qualité plutôt appréciable. Il donne surtout une impression de paresse dans les designs de personnages, qui semblent beaucoup repris de dessins animés précédents. Ce n’est pas la première fois qu’on voit ça chez Disney, il suffit de comparer Le Livre de la Jungle, Merlin l’enchanteur et Robin des Bois pour s’en rendre compte, mais c’est quand même décevant.
Disney, le roi du recyclage
La neige, censée être LA réussite technique du film, ressemble pour la majeure partie du film à un gros tas de paillettes… Et les personnages font très « plastique » et « lisse ». C’est le style qu’on avait dans Raiponce et j’ai un peu de mal à l’apprécier (surtout quand on compare aux textures incroyables qu’on voit dans les Dreamworks).
Bref… tout ça pour dire que ce film m’en a fait voir de toutes les couleurs. Le conte est un de mes préférés et comme je suis l’actu de Disney, je l’attends depuis une éternité (le projet a été annulé, relancé, il était prévu en animation traditionnelle à un moment…). Après avoir vu les premiers visuels et trailers, je m’attendais à détester, j’étais très déçue, et j’ai voulu le détester… mais au final, il a su me surprendre. Bien joué !
La Reine des Neiges sort demain, mercredi 4 décembre au cinéma. Tu as prévu d’y aller ?
Les Commentaires
Je sais pas si tu parles de la qualité de l'animation (auquel cas, je te rejoins totalement : les Disneys dits classiques travaillaient beaucoup à ce niveau et faisaient souvent des passages quasi artistiques (je pense notamment à la synesthésie du passage de Bambi où il se bat contre Rollo, les couleurs, la dynamique, la musique, tout concorde parfaitement et c'est du pur bonheur, mais ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres !) ou des messages renvoyés dans les oeuvres, mais du coup si c'est la deuxième option je suis absolument pas d'accord : les Disneys classiques ont beau être des chef-d'oeuvres en matière d'animation, les messages qu'ils véhiculent sont pour la plupart trèèès nauséabond (entre le sexisme ultra-récurrent et tout particulièrement dans les oeuvres ciblant le public féminin, le racisme, le spécisme, le virilisme, la binarité, l’hétérocentrisme, l'aphrodisme...), et je trouve qu'ils tendent à s'améliorer avec les Disneys-Pixar (mais tout en douceur, parce que c'est Disney quand même faut pas abuser). En cela, je trouve que les "nouveaux" sont certes, moins travaillés esthétiquement et artistiquement, mais je rechignerais beaucoup moins à montrer Rebelle, Raiponce ou la Reine des Neiges (ou un autre Disney-Pixar pas forcément typé "princesse" du genre les Indestructibles ou les Mondes de Ralph) à un enfant que Blanche-Neige, La Belle au Bois Dormant, Cendrillon, ou La Petite Sirène (j'ai prit le prisme du sexisme, mais ça pouvait être n'importe lequel des trucs que j'ai cité avant)
Après, tout les gosses connaissent Disney, et si les films qui sortent maintenant ne sont plus des "classiques", rien n'empêche de les leur montrer ! Ma nièce de deux ans est fana de Bambi et du Roi Lion par exemple, les enfants regardent ce qu'on leur montre, pas ce qui sort au cinéma ^^
Il faut aussi savoir que les animateurs sont très souvent récurrents dans l'animation et tout particulièrement dans les Studios Disney
Par exemple, Don Lusk, qui s'est chargé de faire la conception graphique et l'animation des personnages de Cendrillon et de La Belle au Bois Dormant ont aussi fait celles de Pinocchio, d'une partie de Fantasia, de Bambi, d'Alice au Pays des Merveilles, de Peter Pan, de La Belle et le Clochard, et j'en passe
Il est donc assez logique de retrouver des similitudes graphiques dans les Disney !
C'est Le Héros aux Mille et Un Visages de Joseph Campbell. Selon lui, tout les écrits à travers les âges relèvent d'un monomythe qui comprend plusieurs étapes, je vais citer la page Wikipedia du livre pour que ce soit un peu plus clair (j'ai peur de m'embrouiller, je l'avais vu en cours mais j'ai pas mal perdu vu que c'était il y a un certain temps :sweatdrop :
« Dans sa conception du monomythe, Campbell décrit un voyage qui comprend un certain nombre d'étapes. Le héros débute dans un monde ordinaire, et reçoit un appel à entrer dans un monde insolite, aux étranges pouvoirs et événements (un appel à l'aventure).
S'il accepte d'y entrer, le héros doit faire face à des tâches et des épreuves (route des épreuves) et peut y faire face seul ou se voir aidé. Au paroxysme de l'aventure, le héros doit survivre à un défi impitoyable, souvent grâce à l'aide gagnée au cours de son voyage.
Si le héros survit, il acquiert un grand don (objectif ou « aubaine »), qui se traduit souvent par une importante découverte de soi. Il doit alors décider s'il revient dans le monde ordinaire avec ce pouvoir, en ayant à faire face à des épreuves, sur le chemin du retour. S'il y parvient, les pouvoirs qu'il a reçus serviront pour améliorer le monde (application de l'aubaine). »
C'est donc un schéma qu'on ne retrouve pas uniquement chez Disney (on peut citer les Seigneur des Anneaux, les Hobbit, les Harry Potter, ...), mais simplement on peut dire que c'est juste "plus flagrant" chez Disney dans le sens où leurs oeuvres sont à destination des enfants, et donc volontairement édulcorées et simplifiées sous plusieurs aspects. C'est plus direct on va dire
Malheureusement non.
Disney avait réellement prévu une adaptation du compte de Andersen, toutefois le projet avait été stoppé à plusieurs reprises pour de nombreuses raisons puis carrément suspendu pendant plusieurs années. A l'origine, c'était un long métrage traditionnel (donc en dessin) qui aurait du sortir en suivant la trame originale du conte, mais ils ont finalement pensé que le public ne pourrait pas s'identifier aux personnages (wtf ?) et ont petit à petit modifiée l'histoire du conte, qui est alors devenu une libre adaptation.
Et là du coup il s'agit de l'éternel débat du : "Est-ce qu'on peut comparer une libre adaptation à l'oeuvre originale ?", qui avait fait pas mal de bruit à l'époque de la sortie de La Vie d'Adèle notamment.
A mon sens, il est possible de le faire, ne serait-ce que pour voir les apports et les pertes liés aux libertés prises par les personnes faisant l'adaptation. Pour donner mon point de vue personnel et pour reprendre l'exemple de la Vie d'Adèle, j'ai trouvé que le film avait ôté beaucoup au Bleu est une Couleur chaude. J'ai trouvé que le couple du film était trop pensé comme "couple lesbien" avant d'être pensé comme un couple (et l'accent mit sur les scènes de sexe m'a confortée dans cette idée, car dans la BD elles sont quasiment éludées tout simplement sans importance : c'est juste un couple amoureux qui fait l'amour.).
Donc selon moi on peut à la fois émettre à la fois un jugement objectif (qualité scénaristique, qualité d'animation, musiques, etc.) et un jugement comparatif, non pas au niveau du respect de l'oeuvre originale (dans le cadre d'une libre adaptation ce serait assez stupide je trouve) mais au niveau des apports et des pertes par rapport à l'oeuvre originale.