AIDES est la première association de lutte contre le VIH et le Sida en Europe. Créée il y a presque 40 ans 1984, l’organisation historique travaille sur la prévention et l’accompagnement des personnes concernées.
« On se base sur l’expérience vécue de chacun et chacune pour travailler sur la mobilisation de tous et toutes — notre crédo : rien pour nous sans nous », assure Camille Spire, fraîchement élue en juillet 2021 à la présidence de l’association et première femme à la tête de AIDES.
Depuis sa prise de poste, la militante travaille à inclure un peu plus les femmes et minorités de genre, grandes oubliées de la lutte, alors qu’elles « représentent 30% des nouvelles découvertes de séropositivité ». Conséquences de ce grand tabou, 50% des Européennes obtiennent leur diagnostic sur le tard.
Interview de Camille Spire, présidente de AIDES
Madmoizelle : Voyez-vous dans votre élection une volonté d’inclure un peu plus les femmes dans cette lutte ?
Camille Spire : Tout à fait. Il y a clairement quelque chose qui s’est passé, je n’ai pas été la seule femme élue au niveau national. Il y a avait un vrai besoin qu’une femme soit présidente de AIDES.
Pour moi, ça montre la reconnaissance de la place des femmes dans la mobilisation, puisqu’il y a 50% des personnes qui vivent avec le VIH dans le monde qui sont des femmes.
Pourquoi peu de gens savent que les femmes sont autant touchées ?
En France, ce sont 30% des nouveaux cas de séropositivité qui concernent les femmes, mais dans l’imaginaire des gens, les personnes les plus concernées restent les hommes ayant des relations sexuelles avec les hommes.
Les femmes sont invisibilisées dans cette lutte car elles le sont partout, tout simplement. Ce sont les mêmes mécanismes de domination qu’on voit partout, mais ils sont particulièrement discriminants dans la lutte contre le VIH.
En France, les femmes concernées sont souvent dans une situation de vulnérabilité : ce sont des travailleuses du sexe, des migrantes ou des minorités de genre.
En plus de ça, les femmes sont peu inclues dans la recherche pour la lutte contre le VIH.
Aujourd’hui, seulement 3% des utilisateurs et utilisatrices de la PrEP, un traitement préventif contre le VIH, sont des femmes. Pourquoi ? Comment faire en sorte que ça change ?
Le démarrage des recherches s’est fait pour les hommes ayant des relations sexuelles avec les hommes. Les campagnes pour démocratiser l’usage de la PrEP ont très peu insisté sur les femmes.
AIDES essaye aujourd’hui d’avoir des dispositifs plus ciblés. Presque 30% de nos actions sont faites à destination des femmes.
Mis à part du côté de la prévention, qu’est-ce qui peut être fait pour que les femmes soient plus inclues dans cette lutte ?
Toutes les batailles qui visent à transformer la société telle qu’est est. Aujourd’hui, tout ce qui est gagné par les femmes permet aussi de faire évoluer positivement les droits pour d’autres personnes minorisées.
Inclure davantage les femmes, c’est envoyer un message clair pour faire bouger les choses en termes d’inégalités sociales.
On en est-on où dans la recherche contre le VIH, au fait ?
C’est petit pas par petit pas. Aujourd’hui, on a des outils qui sont de plus en plus facilitants en termes de prise en compte de la réalité physique des personnes. C’est-à-dire qu’on va avoir de moins en moins de médicaments à prendre quotidiennement, par exemple. On a aussi pas mal avancé en termes de prévention.
Malheureusement, il n’y a pas encore de résultats miraculeux.
Le 1er décembre marquera la Journée mondiale de lutte contre le sida. Qu’est-ce que l’association va mettre en place pour l’occasion ?
Ça sera une journée axée sur la parole des personnes vivant avec le VIH et sur les discriminations qu’elles subissent. D’ailleurs, nous donnons la parole aux femmes ! Il y aura 5 portraits différents, dont ceux de trois femmes : Flavie, une femme cis de 57 ans, séropositive depuis 35 ans ; Nina, une femme trans de 24 ans ; Andréa une femme cis de 29 ans, maman de trois enfants.
On veut travailler sur les préjugés qui font le lit de l’épidémie et par sur le VIH en lui-même.
Et quels sont ces préjugés, justement ?
Il y en a beaucoup ! Les préjugés sont nourris par des fausses connaissances. Il y a le fait qu’en tant que médecin il faille se protéger beaucoup plus — avec 15 gants — quand on a affaire à une personne séropositive, le fait qu’une personne séropositive ne puisse pas avoir d’enfant, le fait qu’il faille traiter différemment quelqu’un atteint du VIH, etc.
Ce sont toutes sortes de préjugés assez transversaux et qui le sont encore plus quand ils touchent les femmes.
Pourquoi avoir choisi de rejoindre cette association ?
C’est une association qui m’a toujours parlé par son message et par sa volonté de laisser la parole aux personnes qui connaissent le sujet ou sont concernées. C’est une organisation qui cherche à agir directement sur la société.
En tant que femmes, je trouve qu’on a énormément à apporter à la lutte.
La crise sanitaire a-t-elle eu des conséquences sur la prise en charge, le dépistage ou la prévention du VIH ?
Depuis deux-trois mois, on a eu nos premières données et on voit que les publics les plus concernés sont aussi les plus durement touchés. Les personnes sont moins allées se faire dépister, il y a eu moins de rendez-vous médicaux pour les suivis, il y a eu un retard d’entrée dans la PrEP, etc.
Du côté des femmes, le pic de violences domestiques a eu un impact, le fait qu’elles aient été davantage précarisées avec la crise aussi. Les travailleuses du sexe, qui étaient déjà touchées par toutes les lois restrictives adoptées depuis 2016, ont été aussi lourdement impactées.
Comment se mobiliser, comment s’informer ?
- Informez-vous sur la PrEP, médicament antirétroviral pour réduire les risques de contraction adulte VIH
- Mobilisez-vous pour l’inclusion des femmes dans la lutte contre le VIH avec AIDES et l’ONU
- Faites un don à Sidaction, à AIDES ou à Act uP
- Protégez-vous !
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Crédits photos : AIDES / © K. Strek
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