Le 21 août 2021
Avez-vous déjà entendu parler de la « toxic positivity » ? D’après le média Dazed, dans un article dont on pourrait traduire le titre par Comment la positivité toxique a envahi Internet, l’injonction au bien-être serait partout sur les réseaux sociaux, et aurait explosé depuis le confinement lié à la crise sanitaire. Le magazine décrit le concept en ces termes :
« La positivé toxique est la manière dont nous voyons des individus éviter et supprimer toutes expériences d’émotions considérées comme négatives comme le deuil, l’anxiété et la dépression au profit d’émotions de surface et de sentiments positifs. »
« Il y a une mise en scène du positivisme, pas des moments de doute »
Sur Internet, les modes de vie #healthy nous inondent de conseils censés contribuer au bien-être physique et mental : séance de méditation, levée aux aurores et purification à la sauge, nichés entre des citations inspirantes. Le hashtag #positivity nous mène ainsi à près de 34 millions d’occurrence sur Instagram.
Selon l’anthropologue et coach Audrey Chapot, les signaux de cette positivité toxique n’ont rien d’inédit, mais elle constate avec regret la progression d’un business qui repose « sur une injection et un mode d’emploi pour aller mieux ».
« Si on échoue à aller mieux, c’est forcément qu’on a pas assez essayé ! Nous sommes dans une civilisation qui pense être toute-puissante. »
En matière de santé mentale, chaque individu est différent… les réponses trouvées sur Internet, elles, ne le sont pas forcément. Audrey Chapot alerte :
« L’uniformisation du bonheur ne peut pas faire office de politique de santé publique. Ce serait mortifère. »
Tout est à jeter dans les mantras du Web, alors ? Non, nuance l’anthropologue, mais il faut aller plus loin que la surface.
« Les moyens utilisés sont souvent illusoires, comme avec la mode des rituels : un rituel a le pouvoir de renforcer une action, pas de la créer ! Un rituel sans fondations ne sert à rien. Mais ça, personne ne nous le dit. »
L’important ? Se rappeler que ce qu’on voit a été soigneusement installé, immortalisé, souvent retouché, recadré, afin de refléter une idée plus qu’une réalité.
« Les réseaux sociaux sont comme une vitrine : il y a une mise en scène du positivisme, pas des moments de doutes.
Cela peut créer une détresse pour les personnes fragilisées qui tentent ces astuces bien-être présentées comme une recette de cuisine alors que souvent, elles n’agissent pas en profondeur. Le mieux-être n’est que momentané. »
Le confinement, un moment propice à la recherche du bien-être
« La pandémie dans laquelle nous sommes est une période inédite : pour la première fois depuis X années, on se retrouve dans une situation où l’on ne peut plus faire de projet sur le long terme. Forcément, chacun se pose des questions pour améliorer son bien-être mental. »
C’est ce que résume Audrey Chapot, auteure elle-même d’un ouvrage sur le sujet publié en 2020.
Rassurez-vous : cet « effet Covid » sur notre santé mentale s’est aussi exprimé de manière plus subtile — et plus saine ! Des #plantlovers à la #positiveattitude, tout n’est pas à jeter.
« Les réactions aux activités culturelles un temps définies comme non essentielles, l’engouement pour les végétaux ou le coloriage de mandalas sont des bonnes nouvelles. Elles traduisent notre soif pour un rapport plus sensible au monde. Les gens remettent en question un mode de vie urbain trop consumériste.
La période que l’on vit réhabilite notre rapport à l’incertitude, aux doutes, et donc à des perspectives nouvelles pour aborder ces questions de bien-être mental et de vulnérabilité. »
Si les poncifs « quand on veut on peut » ont encore la vie dure, d’autres initiatives permettent d’ouvrir une brèche au sujet des troubles mentaux, de l’acceptation de soi et des autres. Pour ne citer qu’un exemple, sur son compte Les folies passagères, l’illustratrice québécoise Maude Bergeron aborde sans détour les thèmes d’anxiété ou d’hypersensibilité.
Des initiatives qu’Audrey Chapot ne peut que voir d’un œil positif :
« Ces prises de paroles remettent enfin de la nuance dans la recherche du bien-être. Les débats prennent une bonne voie. »
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Crédit photo : Binti Malu / Pexels
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Les Commentaires
famille de déprimé·es/dépressifves,
ancienne victime de harcèlement scolaire (collège-lycée)...
j'ai de la chance : je ne suis (presque) pas dépressive
Ces concepts de positivité-à-tout-prix sont extrêmement toxiques
Les petites phrase sur le «pouvoir de la volonté» me font vomir. (Le symptôme principal de la dépression est justement d'ôter toute volonté, le reprocher à un·e dépressifve est d'une stupidité sans nom)
Se forcer à sourire, faire semblant que tout va bien, alors qu'on a du mal à tenir debout, ce n'est qu'une charge de plus à porter
Ignorer ses douleurs, c'est comme ne pas soigner une blessure et la laisser s'infecter et pourrir en soi... ça finit toujours par vous exploser à la figure en hurlant. Et c'est là qu'on casse.
Le pire dans cette "positivité" sont tous les "bons conseils bien-être" qui suggèrent d'éviter les personnes qui vont mal, car elles seraient toxiques ! ! !
@Bleu pastel - Non, un·e ami·e qui est dans la peine n'est pas toxique, iel est en souffrance. Mon rôle d'amie est de l'écouter et de l'aider, comme iel l'a fait quand moi j'allais mal.
La vie m'a appris une chose : qu'elle soit physique ou psychique, le souffrance est un message d'alerte à ne pas négliger.
Je n'ai pas de truc-magique à proposer pour gérer ça, il n'y a pas de méthode miracle. Certain·es auront besoin de parler, d'autre de faire du sport, de la méditation, ou des activités artistiques.
La seule chose dont je suis sûre, c'est que tôt ou tard, il faut que ça s'exprime, que ça sorte.
et si on ne parviens pas à gérer ses souffrance, surtout surtout, il ne faut pas hésiter à se faire aider. Moi ça m'a sauvée.