Son verdict était attendu depuis février. Vendredi 7 avril, le juge texan Matthew Kacsmaryk a tranché : la mifépristone sera temporairement retirée du marché. Une décision lourde de sens, qui s’ajoute à la longue liste des restrictions en matière de droits reproductifs et sexuels qui s’abattent sur les États-Unis depuis l’abrogation, en juillet dernier, de l’arrêt Roe v. Wade. Ce dernier garantissait jusqu’alors le droit à l’avortement sur le sol américain. Agréée depuis plus de vingt ans, la mifépristone est utilisée chaque année par un demi-million d’Américaines.
La pilule abortive, bête noir des ultra-conservateurs
Les pilules abortives sont dans le viseur des anti-IVG, dès lors qu’elles sont à l’origine de 53 % des avortements aux États-Unis. En novembre dernier, une coalition de médecins et d’organisations hostiles à l’avortement, baptisée l’« Alliance pour la médecine hippocratique » a déposé une plainte contre la Food and Drug Administration, l’accusant d’avoir bâclé la procédure d’approbation de la mifépristone en 2000 pour des raisons purement politiques, au détriment de la sécurité et de la santé des patientes : « Il y a des preuves indiquant que la FDA a fait face à d’intenses pressions politiques pour renoncer à ses précautions de sécurité afin de promouvoir l’objectif politique d’élargir l’accès à l’avortement ». Ce recours avait stratégiquement été déposé à Amarillo, au Texas, où le seul juge fédéral, Matthew Kacsmaryk, est connu pour ses positions ultraconservatrices.
Après plus d’un mois de délibération, ce dernier a donc décidé de leur donner raison, en dépit du consensus scientifique, suspendant la mise en vente de la mifépristone, le temps que l’Agence américaine du médicament revoit toute sa procédure. Ce verdict intervient quelques jours seulement après la décision de l’ État du Wyoming d’interdire la pilule abortive, et vaudrait pour l’ensemble du territoire américain.
L’Agence américaine du médicament et le ministère de la Justice font appel
Mais le gouvernement de Joe Biden n’a pas dit son dernier mot. Lundi 10 avril, il a saisi une cour d’appel fédérale en lui demandant de garantir l’accès à la pilule abortive aux États-Unis, tant que la bataille légale sur son autorisation se poursuit. Dans un communiqué, le gouvernement insiste sur le fait que la mifépristone est « sûre et efficace », rappelant que, contrairement aux dires du juge fédéral, « les effets secondaires graves sont extrêmement rares ».
Comme le relate l’AFP, « une coalition d’États démocrates avaient saisi la justice fin février pour tenter de préserver cette pilule », en anticipation du verdict conservateur de Matthew Kacsmaryk qu’elle sentait venir. Une heure après l’annonce de la suspension, le juge Thomas Rice, siégeant dans l’État de Washington, a interdit à l’agence sanitaire de prendre « toute mesure visant à retirer la mifépristone du marché ou à réduire la disponibilité du médicament » dans les 17 États démocrates qui l’avaient saisi, a précisé le New York Times.
Suite au recours déposé par le gouvernement fédéral, l’affaire doit être examinée par la cour d’appel de la Nouvelle-Orléans, elle aussi connue pour son conservatisme. Dans l’éventualité où la décision retenue serait la même que celle du juge texan, ce sera donc à la Cour suprême de trancher. Or, six des neuf juges qui y siègent ont été nommés par des présidents républicains…
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Face à ce micmac légal, de nombreux états ont commencé à faire des stocks de pilules abortives. Comme le précisent nos confrères du Monde, « l’État de Washington a commandé 30 000 doses de mifépristone, celui de Massachusetts en a acheté 15 000 doses. En Californie, le gouverneur, Gavin Newsom, a annoncé avoir constitué un stock de deux millions de cachets de misoprostol ». Actuellement, ce médicament est utilisé avec la mifépristone pour une plus grande efficacité et moins de douleurs, mais il reste possible de l’utiliser seul, comme certains pays le font déjà. Plusieurs cliniques se prépareraient donc à modifier leurs protocoles, pour administrer uniquement cette substance, dans l’éventualité où la mifépristone venait à être totalement interdite. Les prochaines semaines risquent d’être décisives.
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