Deux ans plus tard, je suis encore bouleversée par la lecture du très beau Lydie (que je vous surconseille). J’ai donc pris cette Peau de l’ours entre mes mains avec des étoiles plein les yeux, sans même savoir de quoi cela parlait.
À nouveau, Zidrou (que l’on connaît surtout pour des séries comme L’Élève Ducobu, Tamara…) raconte les histoires qu’il a dans la tête avec un talent hors du commun. Il sait aussi s’entourer de dessinateurs géniaux : cette fois-ci, Oriol, dont le style colle à la perfection à l’atmosphère de l’histoire.
A Lipari, en Italie, Amadeo gravit en vélo le chemin qui l’amène à son petit boulot quotidien : lire l’horoscope à un petit vieux. Mais ce jour-là, celui-ci se met à lui raconter son histoire…
Et l’on part avec eux aux États-Unis, dans les années 30. Celui qui est aujourd’hui Don Palermo débute sa vie comme dresseur d’ours. Avant que le destin ne l’amène à être l’homme de main d’un mafieux, le genre de type dont on ne voudrait en aucune façon croiser la route…Et puis il y a l’amour, le ressentiment, la trahison, la violence… et plein d’autres choses encore qui font qu’aujourd’hui il est là, et il attend.
Cette BD est un bijou. Vraiment. Les dialogues y sont savoureux, l’humour jamais là où on l’attend. Tous les personnages sont géniaux et Zidrou dépeint avec un talent sans pareil ce qui fait l’humain : l’amour, l’amitié, la cruauté et la tendresse… On rit et puis on a parfois envie de pleurer. Le dessin d’Oriol sublime les mots du scénariste : la chaleur du présent, le froid humide et glauque du passé transparaissent dans ses couleurs. Et les personnages qu’ils ont créés tous les deux sont charismatiques et touchants, oscillant sur un fil entre puissance et faiblesse.
Cette bande dessinée est un immense coup de cœur. L’une des meilleures que j’ai pu lire jusqu’à présent.
Sous le soleil du matin italien, Don Palermo nous raconte son histoire, en même temps incroyable et triste, et on reste là, à boire ses paroles…
À l’occasion du festival Quai des Bulles, Zidrou et Oriol ont eu la gentillesse de répondre à mes questions.
Pouvez-vous vous présenter ?
Zidrou – Zidrou, scénariste de bande dessinée à gros nez qui a décidé de faire des scénarios un peu plus compliqués.
Oriol – Je suis Oriol, j’aime faire des bandes dessinées. Je dessine d’autres choses aussi mais quand c’est possible, surtout des BD.
Comment est-ce que vous raconteriez La Peau de l’Ours en quelques mots ?
Zidrou – En quelques mots, je dirais que c’est parti d’une image dessinée par Oriol, quand il m’a montré ce qu’il savait faire, et ce qu’il ne savait pas faire aussi. Il y avait un vieux, un jeune à côté, et une voiture. Et puis j’ai ouvert mon ordinateur et commencé à inventer. Je crois que le thème qui est derrière tout ça c’est le rapport au père.
Oriol – J’ai dit à Zidrou d’écrire une histoire qui se déroule dans le passé, et qui parle de voitures anciennes et de petits vieux. Et on a fait une histoire qui parle de ça, de Lipari, d’une histoire d’amour et d’un ours.
Est-ce que les personnages de gangsters sont inspirés de personnages réels ?
Zidrou
– En fait je n’aime pas les histoires de gangsters. À part Le Parrain, je n’aime pas les histoires de mafias, je trouve que c’est une apologie des grosses crapules. Mais là, le dessin d’Oriol inspirait un univers très années 30, Chicago, la prohibition…Du coup c’est venu tout seul, c’est toujours comme ça avec moi. À un moment donné l’image m’inspire, je rentre dedans et l’histoire se construit presque indépendamment de moi-même.
Est-ce que vous avez fait beaucoup de recherches sur les années 30, et pourquoi avoir choisi cette période ?
Zidrou – Je ne fais jamais aucune recherche. Mon niveau de recherche c’est Gallimard Découverte ! Quand un livre de Gallimard Découverte traite d’un sujet sur lequel j’ai envie de travailler, je l’achète. Et quand j’ai besoin d’une information plus précise, dans ce cas-ci tout est imaginaire mais si j’en ai besoin, soit je met entre parenthèses « docu », ça veut dire que le dessinateur doit se documenter, soit je vais regarder sur Internet si c’est trop important. Savoir si le zoo de Vincennes était ouvert en 1944, par exemple.
Oriol – Pour tout ce que j’avais besoin de dessiné j’ai regardé sur Google, mais parfois ça n’est pas complètement exact. L’histoire se passe dans les années 30, mais par exemple la voiture est plus ancienne. On peut avoir une vieille voiture. Elle date des années 20.
Vous connaissiez-vous avant ce projet ?
Zidrou – Oui et non, c’est à dire qu’Oriol m’avait contacté. Rien n’avait été encore écrit mais il m’avait dépanné sur une histoire parue dans un recueil avec différents dessinateurs. Un des autres participants m’avait fait faux bond, et même si l’histoire en question, avec un Père Noël et une Mère Noël, ne collait pas vraiment à son univers, il était disponible et c’était l’occasion de le tester. Il s’est très bien débrouillé, sachant que ça n’était pas pensé pour lui. À partir du moment où il a eu La Peau de l’Ours, qui était imaginée pour lui, avec ce qui fait la force de son dessin, de ses couleurs mais aussi ses faiblesses, ça a très vite roulé tout seul.
Zidrou, que ce soit dans Lydie ou ici, vous racontez des histoires qui sont tristes, mais qui finalement rendent heureux…
Zidrou – J’ai écrit un autre scénario récemment où on est triste, on reste triste, et quand on le termine on est encore plus malheureux. J’écris aussi des scénarios où on est joyeux tout le temps. Ça dépend de l’histoire. Ce sont les personnages et l’histoire qui font que j’estime que ça doit terminer plus ou moins positivement. Ce qu’il faut savoir c’est que vous quand vous lisez cet album-là, il a peut-être été écrit avant un autre paru plus tôt. Et entre les deux j’ai pu avoir fait Tamara, Ribambelle (deux séries jeunesses de l’auteur), un livre pour les enfants, un scénario poétique qui n’est pas encore vendu… Par exemple je referai un jour un scénario très positif comme Lydie, pas tout de suite mais je le ferai. Ce qui m’intéresse c’est de raconter des personnages, de me mettre dans la peau de ces personnages et de me laisser porter par leur destin.
En vous écoutant on se rend compte que cette BD est vraiment née d’un échange. Est-ce que ça a été le cas tout du long, et l’histoire s’est-elle construite au fur et à mesure ?
Zidrou – Non moi j’écris tout le scénario. Mais lui a découvert le scénario petit à petit, au fur et à mesure qu’il recevait la traduction (Oriol est espagnol). Parfois il découvrait des choses auxquelles il ne s’attendait pas. Le final par exemple, pour lui c’était une surprise. Il y a une ou deux fois d’ailleurs où il a dû revenir un peu en arrière dans ses planches à cause de ça.
Merci, est-ce que vous voulez rajouter autre chose ?
Zidrou – Ce qui est surprenant c’est que l’album a été bien reçu, se vend bien, très bien même vu qu’il n’était pas particulièrement attendu. Ça n’est pas un album qui parle des élections aux États-Unis, c’est un jeune dessinateur, ce n’est pas un scénariste super attendu, c’est un one-shot. Et ça continue à bien se vendre, avec des échos très positifs. Parce que ça arrive aussi, je connais un cas que je ne citerai pas ici, qu’un dessinateur me dise combien il en a vendu en réalité, par rapport aux échos presse et aux prix qu’il a reçus, et on est très étonné… Vendre l’album c’est également très important, parce qu’il y a aussi un côté commercial. Pour l’éditeur, s’il y a une bonne presse, un prix ou des nominations, et qu’en plus le titre s’est bien vendu, c’est vraiment bien. Par les temps qui courent c’est primordial, et ça permet aux artistes de garder leur liberté.
Un immense merci à Zidrou et Oriol !
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