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Féminisme

« La Meute » (sur ARTE) est la série féministe à ne pas rater cette année

Harcèlement, féminicide, viols… Série chilienne ambitieuse, La Meute — disponible en intégralité sur ARTE — fait le pari d’explorer les violences subies par les femmes à travers le genre du polar. Résultat : une fiction parfois maladroite mais qui prend aux tripes.

Et si les luttes féministes actuelles avaient trouvé l’une de leurs premières séries réussies sur le sujet ? C’est la question qu’on se pose en regardant La Meute, série chilienne qui aborde les violences faites aux femmes avec un point de vue moderne et politique.

La Meute, une série politique…

Produite par Pablo Larrain (No, Jackie, Ema), le réalisateur chilien incontournable du moment, et dirigée par l’autrice et réalisatrice Lucía Puenzo (Wakolda), La Meute s’inscrit dans un contexte politique particulier : la lutte féministe au Chili.

Encore très influencé par la religion catholique, le pays a vu naître un mouvement féministe puissant et fédérateur. En quelques années, les femmes chiliennes ont notamment obtenu le droit au divorce ou encore le droit à l’avortement thérapeutique.

Mais depuis la vague #MeToo, c’est la question des crimes et délits sexuels contre les femmes qui mobilise les Chiliennes. En 2019, les membres du collectif chilien Las Tesis (« les thèses ») étaient devenues des icônes mondiales grâce à leur texte Un violeur sur ton chemin, slam politique où elles scandaient le message suivant :

« Ce n’était pas ma faute Ni de celle du lieu Ni celle de mes vêtements Le violeur c’était toi »

L’intrigue de La Meute s’inspire directement d’une situation qui avait propulsé une vague de manifestations au Chili : l’occupation d’une faculté de sciences par des étudiantes en anthropologie pour protester contre l’inaction de leur administration dans une affaire de harcèlement sexuel.

Ici, le professeur de fac est remplacé par un professeur d’un lycée catholique, accusé d’abus sexuels et les étudiantes par des lycéennes qui bloquent leur lycée pour obtenir son renvoi. La série raconte la disparition de Blanca, l’une des adolescentes au centre du mouvement, et l’enquête menée par un trio d’enquêtrices tenaces (interprétées par Antonia Zegers, Maria Gracia Omegna et Daniela Vega) pour la retrouver.

Rapidement, elles découvrent l’existence d’un jeu en ligne misogyne et violent : le juego del lobo (le jeu du loup), qui pousse les hommes à marquer les femmes d’un symbole de loup avant de les agresser…

…doublée d’un thriller policier

Outre son message politique, La Meute est aussi portée par sa force en tant que thriller policier. Tout au long des huit épisodes, on se prend au jeu de trouver le coupable, une figure sournoise qui utilise Internet pour faire escalader la violence.

Mais la série va plus loin : par son exploration d’une masculinité violente et présente dans toutes les sphères de la société, des adolescents agresseurs aux autorités (forces de l’ordre, ecclésiastiques, académiques), La Meute fait de son coupable un rouage du système plus qu’un antagoniste classique.

Les créateurs du programme, Sergio Castro et Enrique Videla, savent manier les codes du genre avec brio en multipliant les suspects et les intrigues pour nous tenir en haleine. On nous entraîne dans une société chilienne qui fascine par ses contradictions, entre villas luxueuses et pauvreté, machisme insoutenable et féminisme vaillant. La série brille aussi grâce à son trio d’actrices, notamment Antonia Zegers, vue dans No, impressionnante de justesse et de retenue dans le rôle d’une policière qui se retrouve dans une enquête qui la dépasse.

Il est aussi important de souligner que la transidentité du personnage de l’actrice trans Daniela Vega n’est ici pas un élément de l’intrigue, ce qui reste encore trop rare pour les personnages trans dans les séries télévisées.

La Meute, une série imparfaite, mais essentielle

Mais si le thriller est renforcé par son sujet politique, peut-on dire que le message politique est renforcé par l’intrigue ? Non, car en faisant de la violence faite aux femmes un élément narratif, La Meute la sensationnalise, au risque de paraître parfois insensible, voire opportuniste.

Surtout, dans un contexte où la police chilienne est pointée du doigt pour sa violence lors des manifestations, il est peut-être maladroit de mettre en scène des policières comme protagonistes principaux d’une intrigue sur les violences faites aux femmes. On apprécie la présence de policières intègres et féministes, mais cela reste bien loin de la réalité…

Néanmoins, La Meute reste une réussite à cause de la colère sourde et salutaire qui anime son propos. La volonté de dénoncer frontalement les violences sexistes ne peut qu’être appréciée, alors on a hâte de voir ce que nous réserve la série pour sa saison 2, qui est d’ores et déjà annoncée.

La Meute saison 1 est sur ARTE


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