Les billevesées corsetées de La Chronique des Bridgerton ont hanté jusqu’à vos nuits ? Vous rêvez de faire avaler à Sabrina son serre-tête par l’anus ? Vous souffrez sans doute du fameux « syndrome post traumatique » lié aux teen-séries de Netflix !
Si l’on refuse personnellement de boire à la fontaine de caramel au beurre salé de la plateforme, on avale volontiers quelques-uns de ses excellents shots d’absinthe. Parce que des programmes acérés, Netflix sait aussi en fabriquer.
La preuve avec Fran Lebowitz : Si c’était une ville…, la meilleure série-documentaire, toutes plateformes confondues, qu’on ait vue ces derniers temps.
Fran Lebowitz : Si c’était une ville…, par Martin Scorsese, c’est dispo sur Netflix
Fran Lebowitz est née dans les années 50 et a passé sa vingtaine à tourbillonner dans les vapeurs de stupre et d’alcool du Studio 54, très couru à l’époque. Journaliste et autrice, elle travaille pour le journal d’Andy Warhol avant de le quitter et de rejoindre la rédaction de Mademoiselle. Elle se lance ensuite dans l’écriture d’ouvrages qui mêlent récits intimes et réflexions sur la ville de New York.
Peu connue en France, Fran Lebowitz, qui a reçu une éducation judaïque rigoureuse dans diverses écoles juives mais se revendique très jeune comme athée, est une véritable icône aux États-Unis mais surtout dans la Grosse Pomme, ville qu’elle aime autant qu’elle la critique.
Davantage connue pour ses bons mots et son franc-parler que pour ses écrits, cette femme est devenue une sorte de légende du New York des années 70, racontant à qui veut bien l’entendre ses anecdotes sur le groupe New Yok Dolls ou sur les premières des grands spectacles à Broadway.
Mais celui qui récolte pour Netflix ses précieuses histoires n’est pas juste une personne « qui veut bien l’entendre » : il s’agit de son ami et admirateur Martin Scorsese.
New York contée par Fran Lebowitz
Profondément liés depuis des années, Lebowitz et Scorsese partagent tous les réveillons ensemble en mangeant italien et en regardant des vieux films. Et leur complicité transperce l’écran : sous forme d’une longue, très longue conversation dans un bar et ailleurs, Fran confie à son fidèle conseiller ses petites histoires, et ses grandes aussi.
Elle raconte que New York est la seule ville au monde où les psychanalystes s’emmerdent parce que leurs patients ne se plaignent pas de leur mère ou de leur épouse, mais du bruit. Elle détaille le brouhaha constant, l’agitation de la ville au quotidien, et aussi son silence le 11 septembre 2001.
Au travers d’anecdotes décousues, c’est le New York d’hier et celui d’aujourd’hui qui s’opposent ou s’embrassent, dépendamment des humeurs de l’autrice.
Fran Lebowitz : Si c’était une ville…, on vous en parlerait bien toute la journée
Fran Lebowitz : Si c’était une ville…, c’est à mourir d’un rire cynique. Sarcastique, effrontée, insolente, Fran fait partie des femmes qu’on admire maintenant et qu’on aimerait être demain ! Parce que des grandes gueules à lunettes perdues dans des blazers en laine qui l’ouvrent sur tout comme l’ouvrent les hommes, on n’a pas le loisir d’en entendre tous les jours pendant 3h30.
Or, c’est bien dans un périple géographique et cérébral de 3h30 que nous emmènent les deux compères à binocles. Découpée en 7 épisodes d’environ 30 minutes, Si c’était une ville… porte la patte tendre de son créateur.
Un « Martin Scorsese presents » blanc sur fond noir, comme un poème nostalgique à ses propres films et à ceux qu’il admire, de longs flots de paroles abruptes comme mille conversations entre une même personne et ses différentes vies à différentes époques : on est bien dans du Scorsese.
Ça cocotte la nostalgie. Ça respire l’intelligence.
Car c’est qu’elle se creuse la tête, cette Fran Lebowitz, en se trimballant d’un bout à l’autre de sa ville préférée ! Aucun petit bout d’art, aucune histoire, aucune pancarte, aucun habitant ne peut se dérober aux réflexions permanentes de Fran, qui ne possède pas de téléphone portable et a tout le loisir d’observer ce qui l’entoure.
D’ailleurs, les gens qui ont leur nez sur leur téléphone, elle en a plein les bottes : « Je suis la seule personne de New York qui marche en regardant où je vais », assène-t-elle.
Et c’est sans doute parce qu’elle sait regarder que cette femme est une si grande conteuse, jamais avare en râleries. Car Fran a un avis sur tout et entend bien le donner !
Fran, on l’invite pour l’entendre se plaindre, pour l’entendre nous railler, pour lui poser une question à laquelle elle répondra en nous clouant le bec par une grossièreté déguisé en poème. Fascinante, elle est le personnage le plus intéressant qu’on ait vu sur Netflix depuis longtemps.
Et le mieux, c’est qu’elle existe !
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Les Commentaires
(Après, loin de moi l'idée de la réduire à ça, elle à l'air par ailleurs très intelligente mais je ne connais pas sa carrière donc je donne juste mes premières impressions sur "l'episode" 1.)