Jeudi 25 mai, les parisien•e•s ont pu découvrir avec horreur des stickers anti-IVG sur les garde-boue de leur Vélib’. Comment cette campagne a-t-elle été déployée ? Qui l’a validée ? La Mairie de Paris était-elle au courant ? On fait le point.
Que sait-on de l’affaire ?
Dans la nuit de mercredi à jeudi, des affiches affublées du slogan « Et si vous l’aviez laissé vivre ? » ont été placardées sur des Vélib’. On y voit un dessin de fœtus grandissant progressivement, jusqu’à devenir un joyeux cycliste. La campagne a été revendiquée par un groupe anti-avortement, qui se nomme Les Survivants.
Selon Sylvain Raifaud, Président de Vélib’ et élu du 10e arrondissement, les premiers signalements sont survenus aux alentours de 7 heures du matin, et concernent pour l’instant surtout des stations situées dans les 14e et 10e arrondissements de Paris.
Stickers anti-avortement sur des Vélib’ : la Mairie de Paris était-elle au courant ?
Ni la Mairie de Paris, ni la direction de Vélib’ n’ont validé cette campagne publicitaire. « C’est une campagne sauvage à l’opposé des valeurs de Vélib’ et des collectivités adhérentes. Par ailleurs, les garde-boue ne sont pas des espaces publicitaires », a confirmé Sylvain Raifaud à Madmoizelle.
Les stickers sont actuellement retirés par des agents, et Vélib’ invite tous les riverains qui le souhaitent à les accompagner dans cette démarche : « Notre priorité est que cette campagne disparaisse » a ajouté Sylvain Raifaud, annonçant que Vélib’ porterait plainte pour la dégradation des vélos et de son image. « La police mènera l’enquête afin de préciser les circonstances de cette action et nous ferons en sorte que les auteurs soient punis. »
Qui sont Les Survivants ?
Les Survivants se décrivent comme « une tribu solidaire réunissant des jeunes nés après 1975 » (date de la loi Veil qui encadre alors une dépénalisation de l’avortement en France). Sur leur site, ils résument leurs convictions ainsi : « Être survivant, ce n’est pas seulement souffrir de l’avortement au quotidien, c’est également partager une même révolte face à l’inacceptable. »
Le mouvement mène régulièrement des actions « de guérilla marketing » anti-IVG. Ils justifient leur campagne Vélib’ ainsi : « À l’heure où une proposition de loi vise à inscrire l’avortement dans la Constitution, les Survivants ont décidé d’agir au nom de tous ceux qui nous manquent. Nous ne tolérerons pas une norme suprême dichotomique où l’avortement, au même titre que le droit à la Vie deviendrait un droit fondamental. »
Les Survivants ont été créés en 2016 par Émile Duport, militant anti-IVG au CV bien fourni : porte-parole de la Marche pour la vie, proche de la Manif Pour tous, fondateur de la Life Parade… Une de ses actions nauséabondes la plus connue remonte à 2017, lors de la cérémonie d’hommage à Simone Veil aux Invalides :
Il a révélé que le site simoneveil.com, partagé plus de 50 000 fois sur les réseaux sociaux était l’une de ses créations. Derrière un visuel apparemment neutre et féministe et une courte biographie en honneur de la grande dame, le portail dédié à la survivante de la Shoah était, en fait, l’antichambre de la mouvance des Survivants, l’émanation traditionaliste et réac de la nouvelle génération anti-IVG. (…) C’est au moment où le président annonçait sa panthéonisation qu’ils ont tombé les masques en publiant, sur la page d’accueil : « La vérité sur Simone Veil, celle d’une femme trahie dans ses intentions puisque sa loi n’existe plus tant elle a été modifiée et parce que la légalisation de l’avortement n’a pas amélioré la santé des femmes bien au contraire. »
L’Obs, « Emile Duport, un croisé anti-IVG dans un costume de hipster », 7 JUILLET 2017.
Est-ce la première fois qu’une campagne du genre est déployée sur les Vélibs ?
« Il arrive fréquemment que nous découvrions des stickers sur les garde-boues. Mais il s’agit d’initiatives isolées. C’est la première fois que nous sommes face à une action aussi structurée », explique le Président de Vélib’ à Madmoizelle. « Les stickers épousent parfaitement la forme de nos garde-boues, ce qui indique que la coordination de cette action a probablement nécessité un financement significatif. »
Le Planning Familial a commenté l’action dans un tweet lourd de sens : « Nous sommes choqué.e.s et en même temps pas surpris.e.s dans un contexte de paroles conservatrices et d’extrême droite. »
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