Votée ce vendredi 23 juillet, elle est presque passée inaperçue tant l’attention est focalisée sur le pass sanitaire. La loi confortant le respect des principes de la République, plus communément appelée loi séparatisme, a été adoptée par 49 voix contre 19, et 5 abstentions.
L’islam régulièrement pris pour cible
La loi est discutée depuis le début de l’année 2021, mais dès son arrivée à l’Assemblée nationale, des associations ont alerté sur son contenu, comme Lallab qui qualifiait la loi de « menace pour les droits des musulman.e.s déjà lourdement discriminées sur le marché de l’emploi, dans leur accès à l’éducation et aux loisirs. »
À plusieurs reprises, ce sont en effet des amendements ou tentatives d’amendements contre le port du voile qui ont été discutés au Sénat et à l’Assemblée nationale, par exemple dans le cadre des sorties scolaires ou encore pour le personnel des bureaux de vote, notamment les assesseures. Ces deux amendements ne figurent finalement pas dans la loi qui a été votée. Mais ils ont montré à plusieurs reprises que l’islam était bien dans le viseur du gouvernement — en commençant par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin qui a porté ce projet de loi.
« En vérité, votre texte ne fait qu’alimenter les pires surenchères réactionnaires, de la présence de drapeaux étrangers lors des mariages de particuliers jusqu’à l’absurde polémique sur les accompagnatrices scolaires voilées, entre autres tenues vestimentaires visées », a justement dénoncé la députée France Insoumise Sabine Rubin lors de la séance publique précédant le vote final ce vendredi 23 juillet.
Les associations en danger ?
En juin dernier, des associations se sont rassemblées en une grande coalition pour demander aux parlementaires de saisir le conseil constitutionnel. ONG, associations de lutte contre le réchauffement climatique ou d’aide aux migrants, elles sont toutes inquiètes de voir arriver cette loi :
« Le projet de loi a été aggravé puisque visant initialement des comportements sectaires et minoritaires spécifiques, il instaure désormais des dispositions répressives susceptibles de s’appliquer au grand nombre et à l’ensemble du secteur associatif. »
Ce qui inquiète, c’est notamment ce « contrat d’engagement républicain » auquel devront s’engager les associations et qui mettra sous conditions leurs subventions. Un contrat aux contours flous qui pourrait menacer le fonctionnement des associations et surtout leur liberté d’actions.
«On pourrait imaginer que l’on nous retire l’agrément à cause de nos actions de désobéissance civile », expliquait dès février dernier auprès de Reporterre Clara Gonzales, juriste chez Greenpeace France.
« La création du contrat d’engagement républicain risque de fragiliser les associations en les plaçant à la merci d’interprétations arbitraires des valeurs qui y sont énoncées », a mis en effet en garde le député Parti Socialiste Alain David.
Des mesures contre la haine en ligne
Cette loi s’attaque aussi à la haine en ligne, avec l’article dit « Samuel Paty » — du nom du professeur assassiné le 16 octobre 2020 à Conflans-Sainte-Honorine — qui instaure le délit de mise en danger de la vie d’autrui par diffusions d’informations relatives à la vie privée ; il sera puni de trois ans d’emprisonnement et de 45.000€ d’amende.
Si ces mesures ont été présentées en réponse aux événements qui ont conduit à la mort de Samuel Paty, on y retrouve pourtant des dispositions similaires au très controversé article 24 de la loi Sécurité Globale (finalement censuré par le Conseil constitutionnel) qui visait à protéger les forces de l’ordre en pénalisant la diffusion dite malveillante de leur image.
Une loi contre les certificats de virginité
« Un professionnel de santé ne peut établir de certificat aux fins d’attester la virginité d’une personne », et ce sera désormais inscrit dans le code de la santé publique. La loi confortant le respect des principes de la République a donc aussi légiféré sur cet enjeu.
Une mesure qui va dans le bon sens ? C’est loin d’être si évident.
Ghada Hatem, fondatrice de la Maison des femmes et gynécologue engagée contre les violences sexuelles, avait estimé comme d’autres professionnels de santé que cette mesure est contre-productive : « Je pense qu’il vaudrait mieux punir les parents qui exigent ça que le médecin qui essaye d’aider sa patiente. Je pense qu’on prend le problème à l’envers », avait-elle affirmé auprès de LCI.
Car les demandes de ces certificats sont non seulement très rares, mais leur interdiction ne résoudra rien, maintenait-elle auprès de France Inter :
« La seule chose qui peut faire avancer ce sujet c’est l’éducation : l’éducation des garçons, des mères, pour que l’on arrête de considérer que la fille est la vitrine honorable de la famille. C’est tout cela qu’il faut déconstruire… et pas seulement empêcher les médecins de faire leur boulot »
Saisi par une soixantaine de députés, le Conseil constitutionnel devra se prononcer sur cette nouvelle loi.
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