« Mieux protéger les petits propriétaires », c’est la motivation principale derrière la loi de protection des logements contre l’occupation illicite, votée début décembre 2022, dont vous avez sûrement entendu parler sous le nom de loi anti-squat.
Portée par le député Renaissance Guillaume Kasbarian, elle veut durcir les sanctions déjà existantes à l’égard des squatteurs. Occuper illégalement un logement pourrait donc être passible de trois ans de prison et de 45 000 euros d’amende, contre un an de prison et 15 000 euros d’amende à l’heure actuelle.
La loi anti-squat ne concerne pas que les occupations dites illégales, elle vise aussi les locataires, et plus précisément les mauvais payeurs. Guillaume Kasbarian entend donc, selon ses termes, restaurer la confiance des bailleurs envers les locataires, puisque la loi prévoit aussi une « clause de résiliation de plein droit » qui permettrait au propriétaire de mettre un terme au bail en cas d’impayés.
Une criminalisation dangereuse, selon les détracteurs de la loi anti-squat
Les critiques à l’égard de la loi étaient portées par plusieurs députés de la Nupes, à l’instar de François Piquemal qui a dénoncé une « criminalisation de tous les mal-logés ». C’est aussi une « régression sociale et démocratique » qui inquiète le parlementaire Aurélien Taché, pour qui ce texte « qui entend lutter contre les “squatteurs” fait entrer dans cette définition toutes les personnes occupant une propriété sans droit ni titre, y compris les bâtiments publics, mais aussi les locataires, qui, de bonne ou mauvaise foi, ont des impayés de loyer. »
Ce sont aussi des associations qui luttent contre le mal-logement qui sont montées au créneau. Pour Marie Rothan, chargée de la lutte contre la privation de droits sociaux à la Fondation Abbé Pierre, il s’agit d’une proposition de loi « scandaleuse » :
« Les ménages ont du mal à boucler leur budget avec la hausse de l’inflation, avec la hausse des coûts de l’énergie et on les enfonce encore plus au lieu de les aider à trouver une solution, en leur disant “vous allez être en impayé de loyer ? On va vous pénaliser encore plus, on va faire une procédure très courte, on va mettre à terre tous les dispositifs de prévention et en plus vous pourrez aller en prison”. »
Pour Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole de l’association Droit au logement sur LCP, l’aberration de ce texte réside notamment dans le fait de criminaliser les squatteurs de logements vides : « Or, on a 3,1 millions de logements vacants selon l’Insee. »
Le « petit propriétaire » existe-t-il vraiment ?
En 2021, 170 demandes d’expulsion ont été faites en préfecture par des propriétaires dont le logement était occupé. C’est somme toute assez peu. La question se pose donc d’être finalement face à un phénomène plutôt minoritaire.
D’autres chiffres sur le logement et la répartition des propriétaires et des locataires sont éclairants. Selon des statistiques de l’Insee révélées en 2021, un quart des ménages (24 %) sont multipropriétaires et 3,5 % des ménages détiennent la moitié des logements en location. Une concentration des biens immobiliers qui ne fait que renforcer les inégalités d’accès au logement. « Cette étude a permis de sortir de l’image du petit propriétaire français. Il existe bien sûr, mais en réalité, la propriété est extrêmement concentrée dans le très haut de la distribution des patrimoines » expliquait à France Info Pierre Madec, économiste à l’OFCE.
Un constat qui met à mal l’argumentaire des défenseurs de la loi anti-squat.
À cela s’ajoute, une médiatisation fréquente des cas de squats avec un narratif constant et manichéen, celui de pauvres propriétaires spoliés face à des indésirables qui occupent leur bien et qui abusent d’une législation forcément trop laxiste et permissive.
Adoptée en novembre en première lecture, la loi anti-squat devra passer par la case Sénat où elle sera discutée le 31 janvier 2023.
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Crédit photo : George Becker via Pexels
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