Catherine Meurisse est dessinatrice de bande dessinée.
Elle a signé des albums absolument géniaux comme Mes hommes de lettres (Sarbacane), Le Pont des arts (encore Sarbacane) ou Moderne Olympia (co-édition du Musée d’Orsay et Futuropolis) dans lesquels elle parle avec un humour à se rouler par terre de rire de l’art et de la littérature, à travers anecdotes et fiction.
Catherine Meurisse est aussi connue pour être depuis dix ans dessinatrice de presse chez Charlie Hebdo. Le 7 janvier 2015, elle a eu une panne de réveil et est arrivée en retard à la réunion de rédaction durant laquelle les frères Kouachi ont assassiné ses collègues et amis de Charlie Hebdo.
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Dans La Légèreté, paru chez Dargaud, Catherine Meurisse raconte sa reconstruction après l’horreur et le traumatisme.
Après le bouclage du numéro post-attentats, elle perd ses capacités d’imagination et craint de ne plus pouvoir dessiner, et donc de ne plus pouvoir continuer son métier.
Lors d’une escapade à Cabourg sur les traces de Proust, son « auxiliaire de vie » comme elle l’appelle, elle ne ressent plus rien, incapable de toute projection. Un vide l’habite. Sa mémoire lui échappe.
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Elle fait face à une profonde sidération suite au massacre par cette destruction de la vie et du langage : impossible de définir ce qui relève pour elle de l’indicible.
Bien entourée par ses ami•es et son psychologue, elle parvient tout de même à remonter progressivement à la surface. Mais lorsqu’elle prend connaissance des assauts mortels du 13 novembre 2015, c’est le déclencheur : elle ressent l’urgence de fuir.
Sa fuite est motivée par une obsession : celle de partir à la quête du Beau, de l’extase esthétique.
La dessinatrice dit qu’elle veut absolument vivre son « syndrome de Stendhal » (qui vient de cette histoire selon laquelle l’écrivain Stendhal se serait senti pris de vertige en étant entouré d’œuvres d’art). Elle part alors pour l’Italie, en résidence à la Villa Médicis à Rome.
Comment survivre à l’horreur ? En s’immergeant dans la beauté. La thérapie par le beau, en somme.
Comment survivre à l’horreur ? En s’immergeant dans la beauté. Telle est la solution de repli déployée par Catherine Meurisse. La Légèreté est une célébration poignante de l’art, non seulement comme refuge, mais aussi comme nécessité absolue d’expression à travers l’existence même de cette bande dessinée. La thérapie par le beau, en somme.
La virtuosité extraordinaire de Catherine Meurisse vient de cette même légèreté qui habite la bande dessinée. Si l’on se sent traversé•e par l’accablement, la tristesse et un profond sentiment de compassion, on parvient tout de même à rire.
Même dans les moments les plus graves, on sourit d’une boutade de la dessinatrice qui parvient à trouver de l’ironie même dans le chagrin — ce qui est d’autant plus bouleversant.
La maîtrise incontestable de l’expressivité des personnages nous fait éprouver une foule d’émotions contradictoires, comme pour mieux nous rappeler que nous sommes bien vivant•es.
Une légèreté dans l’humour donc, et une légèreté dans le rythme de la bande dessinée, comme si le temps se délitait. On passe d’un événement à un autre, d’une anecdote à un fantasme, d’un fait réel à une rêverie avec une simplicité saisissante. Le livre est une déambulation vaporeuse (légère !) dans un esprit en lutte pour son équilibre.
Le trait vif, sobre et direct de Catherine Meurisse ne manque pas de puissance. Sa maîtrise incontestable de l’expressivité des personnages, généralement mise à profit pour susciter le rire dans ses autres livres, nous fait éprouver ici une foule d’émotions contradictoires, comme pour mieux nous rappeler que nous sommes bien vivant•es.
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