Le rendez-vous était fixé à 14 heures, Place du Châtelet, au cœur de la capitale, pour frapper fort les esprits et faire enfin bouger les lignes en leur faveur. Samedi 17 juin, à l’initiative de Balance ton JAF (juge aux affaires familiales), de la Collective des mères isolées, de l’association Protégeons les enfants, de la militante Khadija la Combattante , et en partenariat avec le Collectif enfantiste, un rassemblement a été organisé pour venir en aide à celles qui se reconnaissent sous la bannière des « mères protectrices ».
Elles s’appellent Pauline Bourgoin, Sophie Abida ou encore Heidi Nomis et se sont vues, après avoir porté la parole de leur enfant, qui accusait leur père d’inceste, vues retirer la garde, alors qu’une plainte pour viol ou agression sexuelle est parfois en cours d’instruction.
Une inversion de la culpabilité qui était au cœur du rassemblement de ce samedi. « Ce sont des femmes qui ont cru leurs enfants, qui ont porté leur parole, et aujourd’hui, le système judiciaire se retourne contre elles, constate Clémence, la femme derrière le compte Instagram Balance ton JAF. La justice a considéré qu’il fallait qu’elles se taisent et que leur parole n’avait pas de valeur. À partir du moment où ces femmes ont dit qu’elles restaient convaincues que ce que leur enfant disait est vrai et qu’elles n’allaient pas le remettre au père qui est violent et incestueux, ce sont elles que l’on condamne. »
Les mères, toujours coupables
À la tribune, installée juste devant la monumentale fontaine de la Place du Châtelet, les mères se sont succédé au micro pour parler de leur histoire et de celle de leurs enfants, sous le regard des passants.
Derrière elles, étaient installées des pancartes portant leur colère et les injustices qu’elles ont vécues. « Ma mère a tenté de me protéger de l’inceste paternel, elle a été incarcérée », dit l’une d’elles portée par un nounours dont la bouche a été scotchée. « Nous les mères, quand nous ne dénonçons pas, nous sommes complices. Quand nous dénonçons, nous sommes manipulatrices », résume une autre pancarte accrochée à un arbre, qui reprend le constat émis par le Juge Édouard Durand, co-président de la Ciivise.
Les participantes ont aussi pu compter sur le soutien de Pauline Rongier, avocate, militante contre les violences faites aux femmes et aux enfants, et qui représente plusieurs de ces mères protectrices désenfantées, dont Sophie Abida, Heidi Nomis et Pauline Bourgoin. Cette double casquette, avocate et militante, Me Rongier la revendique pour provoquer un sursaut sociétal. « On en est plus à demander aux juges de protéger les enfants, mais à leur demander de laisser les mères protéger leurs enfants », a déclaré l’avocate devant l’assistance.
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Se rassembler pour faire changer les lois
Provoquer un sursaut sociétal et faire tomber le tabou qui entoure l’inceste : c’est aussi ce que souhaite Clémence, de Balance ton JAF.
« On veut soutenir ces mamans et soutenir ces enfants et dire qu’il y a un vrai problème dans la manière dont sont gérées les affaires judiciaires sur les violences sexuelles sur les enfants et, de manière plus générale, sur les affaires concernant les femmes, les mères, les enfants. »
L’objectif du rassemblement est aussi de mobiliser les associations et personnalités féministes. « Je veux entendre Nous Toutes, je veux entendre Osez le féminisme !, je veux entendre Anne-Cécile Mailfert sur France Inter. J’en veux plus parce que c’est un vrai problème de patriarcat de la possession des femmes et des enfants. La justice familiale en France est patriarcale, elle manque de bon sens et d’humanité et fait des dégâts terribles dans les familles. C’est de la vie des enfants dont il s’agit. »
Pour sensibiliser et mobiliser au-delà des cercles militants et « en finir avec les effets d’annonce », Balance ton JAF deviendra prochainement Justice des Familles. Objectif : réaliser un lobbying efficace pour les droits des femmes et des enfants grâce à « des comités de travail, de faire des propositions concrètes de changements de loi, de changements de procédures » et ainsi faire changer les mentalités.
Car il y a urgence. Selon la Ciivise, 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles chaque année en France. Moins de 7% des plaintes pour violences sexuelles sur mineur aboutissent aujourd’hui à une condamnation de l’auteur.
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