Elle n’a remporté aucune médaille, et pourtant on ne parle que d’elle. Aux championnats d’Europe de Bâle du 21 au 25 avril 2021, la gymnaste allemande Sarah Voss a osé porter une combinaison intégrale, la couvrant jusqu’aux chevilles. Une tenue parfaitement autorisée par les règles de la fédération de la discipline en question, mais qu’aucune athlète n’avait encore jamais revêtue en compétition officielle.
« Inspirer celles qui ne se sentent pas à l’aise avec la tenue traditionnelle »
Seulement, après #MeToo, sa tenue paraît être un geste politique contre l’hypersexualisation des sportives, comme Sarah Voss l’explique elle-même à la radio allemande ZDF le 22 avril 2021 :
« Les autres nous regardaient avec mes coéquipières portant cette combinaison, à la fois étonnés et admiratifs, avec les pouces en l’air. Maintenant, j’espère que cela va inspirer celles qui ne se sentent pas à l’aise avec la tenue traditionnelle, qu’elles sachent que c’est possible, et surtout que c’est élégant. »
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Qu’importe leur tenue, les femmes sportives sont hypersexualisées
Qu’il s’agisse d’un justaucorps échancré ou d’une combinaison intégrale, une tenue ne justifie jamais d’être hypersexualisée, voire de subir des violences sexuelles. Car c’est bien là le fond du problème, poursuit Sarah Voss, toujours auprès de la radio ZDF :
« Nous, les femmes nous voulons simplement nous sentir bien dans notre peau. Or, en gymnastique, plus vous grandissez et quittez votre corps d’enfant, plus cela devient difficile. Quand j’étais petite, je n’avais aucun problème avec le justaucorps et sa coupe échancrée. Mais à la puberté, là j’ai senti un inconfort, un malaise croissant. »
Loin d’être individuel et isolé, ce malaise inquiète toute la discipline, car il provient d’un problème sûrement structurel, comme l’éclairent les commentaires libidineux sous des photos de sportives en tenues moulantes, et l’échange sur des forums douteux de ce genre d’images alors détournées pour un tout autre usage.
La championne absolue Simone Biles continue de lutter contre les violences sexuelles
Autre manifestation encore plus parlante et violente de cette hypersexualisation subie par les sportives, c’est l’affreuse affaire Larry Nassar. Depuis au moins 2015, plus de 265 femmes, dont beaucoup de gymnastes, souvent mineures au moment des faits, accusent d’agressions sexuelles cet ancien médecin, kinésithérapeute et ostéopathe de l’équipe nationale de gymnastique des États-Unis.
Parmi elles, le témoignage de la championne absolue de la discipline Simone Biles avait particulièrement retenu l’attention médiatique. La meilleure gymnaste de tous les temps (notamment quadruple championne olympique, quintuple championne du monde au concours général, quintuple championne du monde au sol, triple championne du monde à la poutre, et double championne du monde du saut de cheval) fait désormais figure de proue du mouvement de dénonciation des violences sexuelles dans la gymnastique.
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Simone Biles vient d’ailleurs de quitter son surpuissant sponsor Nike, dont elle était ambassadrice depuis 2015, pour rejoindre Athleta, marque féministe du groupe américain Gap. En plus d’y développer sa propre ligne de vêtements pour la salle de sport et en dehors, elle bénéficiera également d’une plateforme pour encourager la parole des femmes dans le sport et la société.
Exit les muses muettes qui rendent bien pour le feminisme-washing, l’engagement se passe désormais sur tous les terrains.
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