C’est un poncif courant que d’affirmer que les « jeunes générations » sont plus ouvertes, ou plus engagées que celles qui les précèdent. Sur les questions d’égalité entre les genres, notamment, les 17-19 ans de 2022 sont-ils vraiment plus féministes que leurs parents ?
Un rapport très complet du Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes tente de dresser un état des lieux des perceptions et du vécu des stéréotypes par les jeunes de 17-19 ans… Et semble bien l’affirmer !
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La génération Z est plus sensible aux inégalités
« Les données recueillies […] indiquent que les jeunes gens ont une conscience plus importante des inégalités et des discriminations liées au genre que les générations qui les
précèdent », ouvre le rapport intitulé Égalité, stéréotypes, discriminations entre les femmes et les hommes : perceptions et vécus chez les jeunes générations en 2022.
On peut y lire que féministe n’est désormais plus un gros mot : tous genres confondus, 6 jeunes sur 10 se disent féministes. Chez les jeunes filles de 17 à 19 ans, cette proportion monte même à 83% ! Le mot est par ailleurs connoté de manière positive, y compris pour les garçons.
La majorité des interrogées et interrogés ne sont pas sensibles qu’aux inégalités de genre. En effet, 87% des 16-25 ans affirment porter un intérêt aux questions de discriminations. C’est même 89% des jeunes femmes qui trouvent que les discriminations en France ne sont pas suffisamment et efficacement combattues, contre 69% des jeunes hommes.
Les réseaux sociaux, un lieu de sensibilisation et de partage
Si cet engagement dans la lutte contre les inégalités est aussi vif, c’est en partie grâce aux informations qui circulent sur les réseaux sociaux. Le rapport souligne que c’est en ligne que se font une partie des combats des jeunes féministes :
« Les réseaux sociaux permettent d’offrir un forum d’expression à des personnes qui n’étaient pas habituellement écoutées ni interrogées par les grands médias :
“Les réseaux sociaux agissent comme levier des mobilisations et des revendications féministes fondé sur un empowerment permettant de donner la parole au point de vue des opprimé[. e]s, habituellement sous-représenté[.e]s dans les espaces médiatiques traditionnels.En passant par les réseaux sociaux, cette mobilisation féministe échappe (partiellement tout du moins) aux stratégies patriarcales de contrôle, permettant ainsi une autonomisation des individus qui composent le corps social et octroyant davantage de pouvoir aux femmes.“ »
La conclusion du rapport est claire : les nouveaux médias sensibilisent les jeunes générations grâce à de nouvelles personnes, jusqu’ici exclues de l’espace de parole, auxquelles elles peuvent s’identifier plus efficacement. Mais ce n’est pas tout ! Les réseaux sociaux sont aussi un espace où les luttes s’organisent, se coordonnent, et où la communication autour des évènements peut se faire avec fluidité.
La répartition des tâches
Le rapport s’intéresse à la question des inégalités de répartition des tâches au sein des foyers parentaux hétérosexuels, en s’appuyant sur les chiffres du confinement.
L’objectif du sondage cité était alors de voir si les jeunes gens qui « ont vu leurs mères prendre en charge travail, ménage, soins aux enfants […] ont pris la mesure de ce déséquilibre et s’orientent vers un meilleur partage des temps. »
Les chiffres montrent que garçons et filles perçoivent le déséquilibre genré dans la répartition des tâches et la charge mentale, mais les garçons sont moins nombreux à trouver cette répartition inéquitable.
On apprend ainsi que les filles sont 40% à considérer que les hommes sont mieux traités à la maison, tandis les garçons ne sont que 13% à l’affirmer.
Au sujet des tâches ménagères, les différences entre générations se perçoivent de manière marquée.
Chez la génération Z, 93% des filles et 87% des garçons prenant part au sondage affirment que les tâches domestiques doivent être réparties à parts égales dans un couple. En 2013, ce constat n’était partagé que par 80% des hommes de la génération Y.
Un changement qui semble installé depuis quelques générations, puisque, citant une étude de la Fondation Jean Jaurès, le rapport rappelle que :
« La remise en question de la répartition traditionnelle concerne davantage les plus jeunes : les disputes sont fréquentes à ce sujet chez 27 % des femmes de moins de 30 ans, trois fois plus que les seniors de plus de 60 ans. »
« Malgré leur conscience aiguë des stéréotypes, les jeunes continuent à les subir »
Mais cette génération qui semble plus consciente des stéréotypes de genre qui pèsent sur notre société en est elle aussi victime. Des propos de garçons rapportés dans le dossier expliquent ainsi se sentir obligés de faire des démonstration de leur virilité, notamment par leur comportements vis-à-vis des filles de leur âge.
L’un des sondages cités confirme que « Les garçons se sentent contraints de dépenser un maximum d’énergie afin d’entretenir leurs différences fondamentales par rapport aux filles. »
Une pratique de dégradation du féminin pour affirmer sa masculinité dont les augures sont loin d’être aussi positifs que les conclusions précédentes.
De l’engagement et des contradictions
Plus féministe, cette génération reste victime des mêmes problématiques misogynes de notre société. Le harcèlement de rue est pointé du doigt par une grande partie des jeunes filles interrogées, qui en sont les victimes. Chez les moins de 18 ans, elles sont 51% à déclarer avoir été confrontées à du harcèlement de rue entre six et neufs fois au cours des 12 derniers mois et 23% à l’avoir vécu dix fois ou plus.
Les garçons de la génération Z ne sont pas exempts de contradictions : ils sont 81% à considérer qu‘il est plus dangereux de sortir tard le soir pour une fille, mais quatre garçons sur dix ne pensent pas qu’il y a une différence de traitement entre les filles et les garçons dans l’espace public.
Et si 64% des garçons se retrouvant face à une situation où une fille est harcelée déclarent être prêts à s’interposer ou à lui venir en aide, 18% des garçons et 5% des filles continuent à penser que les filles qui s’habillent « sexy » le « cherchent bien ».
Un rapport riche en informations sur ces jeunes qui deviendront bientôt adultes, ou qui le sont depuis peu. Il semblerait qu’ils voient le monde différemment de leurs aînés — encore faut-il que le monde change avec eux !
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Crédit photo : Anna Shvets / Pexels
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