Ne pas y voir une décision purement politique parait difficile. Véritable carton critique et commercial ayant gagné la Palme d’Or au festival de Cannes, le sublime Anatomie d’une chute de la réalisatrice française Justine Triet a été exclu de la course aux Oscars 2024.
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Mais où est Anatomie d’une chute ?
Jusqu’ici, le film de Justine Triet était en lice aux côtés de Goutte d’or, du Règne animal, de Sur les chemins noirs et de La Passion de Dodin Bouffant. C’est ce dernier film qui a finalement été choisi pour la compétition américaine prévue en mars prochain.
Réalisé par le Français d’origine vietnamienne Trần Anh Hùng, ce drame historique situé dans la France bourgeoise de 1885 met en scène la préparation de plats par une cuisinière nommée Eugénie (Juliette Binoche) et Dodin (Benoît Magimel), un célèbre gastronome qu’elle admire et avec lequel elle entame une relation amoureuse. À Cannes, le film était reparti avec le prix de la mise en scène.
Un « film désuet et réactionnaire« , « une pub de deux heures pour le pot-au-feu » : un choix incompréhensible
Sur les réseaux, nombreuses sont les personnes s’interrogeant sur cette décision prise le 21 septembre par une commission composée de « producteurs, vendeurs internationaux et les distributeurs américains de chaque film présélectionné » (FranceInfo).
Ce choix interroge d’autant plus que lors de sa projection au festival de Cannes, le film de Trần Anh Hùng a reçu des premiers retours plutôt glacials, les critiques regrettant un film dont le thème est aussi morne et académique que sa mise en scène.
Du côté de Télérama, on qualifie le film de « pub de deux heures pour le pot-au-feu ». Quant à Jean-Marc Lalanne, le rédacteur en chef des Inrocks, il a même exprimé son étonnement de constater la présence en compétition à Cannes d’un film qu’il qualifie de :
désuet et réactionnaire (qui) s’inspire maladroitement du mythe français de la haute gastronomie.
Une réalisatrice trop féministe et engagée contre le gouvernement ?
Beaucoup soupçonnent une décision politique. De fait, lors de la tribune offerte par sa Palme d’or, Justine Triet a rendu hommage à la « contestation puissante, unanime, de la réforme des retraites », regrettant qu’elle ait « été niée, réprimée de façon choquante », par un « pouvoir dominateur de plus en plus décomplexé ». Elle a également poussé un cri d’alarme à propos de « la marchandisation de la culture […] en train de casser l’exception culturelle française » dont elle a confié être « vraiment le produit ».
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De surcroit, la mobilisation de Justine Triet s’incarne aussi dans un film aux puissants accents féministes. Dans les colonnes du Huffington Post en août dernier, la réalisatrice l’expliquait avec limpidité :
Je montre aussi un point de vue moral de la société qui juge cette femme parce qu’elle assume de prendre de la place sans demander l’autorisation. (…) Je pense qu’elle est un peu plus malmenée parce qu’elle est libre. C’est à mon avis malheureusement assez représentatif de notre société.
Justine Triet
La 95ème cérémonie des Oscars se tiendra le 10 mars 2024 à Los Angeles. En décembre 2023, l’Académie révèlera le titre des 15 films internationaux choisis en préselection, avant d’annoncer les cinq films finalistes le 23 janvier 2024. Pour rappel, le dernier Oscar du remporté par la France aux Oscars remonte à 31 ans : c’était en 1993, avec le film Indochine de Régis Wargnier.
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Les Commentaires
C'est peut-être le côté très "académique" de sa mise en scène qui a séduit cette commission, ou le fait que ça mette en avant quelque chose du patrimoine français ? Dans tous les cas, c'est dommage de ne pas mettre aussi en avant une réalisatrice qui a apparemment fait un bon film.