Article initialement publié le 15 août 2021.
Avant la pandémie, les mouvements #MeToo et #BalanceTonPorc ont servi d’élément déclencheur aux meilleures amies Domitille Raveau et Mathilde Neuville pour fonder ensemble en février 2018 l’association féministe française de lutte contre les violences sexistes et sexuelles en milieu festif, Consentis. Elles se souviennent pour Madmoizelle :
« On trouvait qu’il manquait de sensibilisation et de prévention concrète sur place, alors c’est ce qu’on tente de combler par différentes actions, tenues de stand d’informations, distributions d’affiche et ateliers de prévention dans des clubs, des bars, et des festivals. Puis la pandémie nous a poussé à repenser notre stratégie face à la fermeture du monde de la nuit. »
Durant la pandémie, la fête n’a pas totalement disparu, les violences sexuelles encore moins
Consentis a donc poursuivi son travail en investissant davantage les réseaux sociaux, prenant en compte les transformations de la fête, davantage tournées vers les free parties et soirées apparts, et donc la façon dont les violences sexuelles peuvent se reconfigurer aussi dans ce contexte de pandémie.
Le victim-blaming qu’on intériorise complique encore le dépôt de plainte en cas de violence sexuelle lors d’une soirée clandestine réunissant plus de 6 personnes ou après un premier date directement chez soi faute de bar, par exemple.
Ce serait un leurre de croire qu’avec les clubs, bars, et festivals officiellement fermés, les violences sexistes et sexuelles en milieu festif auraient soudainement disparu, attendant le déconfinement pour réapparaître, nous explique ainsi Domitille Raveau, co-fondatrice de l’asso Consentis :
« En France, les boîtes de nuit et festival ont cessé pendant tous les confinements, mais beaucoup de personnes ont continué à organiser des événements (illégaux, du coup). Mais ce genre de gros événements étaient assez exclusifs puisqu’il fallait vraiment déjà bien faire partie de ce genre de milieu pour avoir accès aux informations afin de pouvoir y accéder. En atteste la rave party du nouvel an 2021 à Lieuron, par exemple. »
En fait, même dans les soirées apparts, la question des violences sexuelles doit se poser, rappelle la psychologue sociale de formation :
« Quand on sait que dans 8 cas sur 10, la victime connaît son agresseur : ça peut donc évidemment se produire lors d’une petite soirée entre amis, avec la personne avec laquelle on est en couple, un pote, un pote de pote, etc.
Ce sont aussi des moments privés de prévention, puisque les acteurs et actrices de la réduction des risques n’y ont pas accès. Mais certains collectifs ont continué à œuvrer pour la réduction des risques dans ces espaces, comme Fêtez clairs autour de l’usage de drogue, et Réflexion collective sur les milieux sex-po [sex-positifs] autour de la santé sexuelle, par exemple. »
S’éduquer sur le consentement pour mieux revenir faire la fête
En s’inscrivant dans le sillage de #MeToo, la pandémie a peut-être permis une prise de conscience collective des violences sexistes et sexuelles : les violences conjugales ont explosé, et ce de façon relativement médiatisées (+40% lors du premier confinement, +60% lors du deuxième, d’après la plateforme gouvernementale ArretonsLesViolences.gouv.fr). Les violences intrafamiales aussi, comme en atteste le triste cas de nombreuses personnes trans, lesbienne, bi, ou gay que la précarité a forcé à retourner vivre au sein de leur famille LGBTIphobe, par exemple.
À mesure que la nuit se déconfine en France, tout le monde n’est donc pas forcément pressé de la retrouver, constate Domitille Raveau :
« Même depuis qu’on peut sortir à nouveau, et que les festivals reprennent par exemple, on constate que les places se vendent très peu, car l’anxiété sociale à l’idée de sortir, se mélanger, relationner, et donc prendre le risque de se contaminer subsiste encore. »
Ajoutez à cela les complications de pass sanitaire et de tests PCR à présenter afin de pouvoir rentrer dans la plupart des lieux de fête, et vous obtenez un milieu de la nuit qui redémarre au ralenti.
Des violences sexuelles, de nuit comme de jour ?
Se pourrait-il donc qu’on y retourne plus conscients de soi-même et des autres, davantage éduqués sur les enjeux de sexualités et de consentement ? C’est croire que la pandémie a été un espace-temps d’introspection personnelle et collective pour tout le monde. Or cela n’a sûrement été le cas que pour des personnes déjà privilégiées, a priori. C’est ce qui amène notamment Domitille Raveau à nuancer le fantasme d’un retour à la nuit dépourvue de violences sexuelles :
« En temps normal, la fête permet la rencontre et le mélange de personnes de milieux totalement différents. Durant la pandémie, les soirées étaient privées, donc rassemblaient des personnes qui se connaissaient déjà, ayant probablement accès au même type d’informations, au même stade de déconstruction. Or les confinements ont aussi isolé beaucoup de personnes.
À moins d’évoluer dans un milieu hyper militant et relativement privilégié, on n’a pas forcément pu prendre la pandémie comme un espace-temps de réflexion, afin de revenir à la fête plus conscient de soi et des autres. »
Et c’est pour ça que Consentis redouble d’effort pour former le plus de monde possible à ces enjeux, dans les lieux de fêtes et sur ses réseaux. Comme avec ces affiches libres de téléchargement et d’impression, ainsi que le guide ci-dessous en 5 étapes à destination des collectifs qui organisent des soirées, dont peuvent même s’inspirer des particuliers.
Puisque la fête ne peut pas finir, autant la rendre la plus accueillante possible pour tout le monde.
Vous pouvez devenir bénévole de l’association Consentis en leur écrivant à : contact [arobase] consentis [point] info
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Crédit photo : pexels-edoardo-tommasini-3249760
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