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La Faim (Knut Hamsun)

Est-ce que le personnage de La Faim est Knut Hamsun ? Difficile à dire. D’abord parce que ce personnage est à la fois le narrateur du récit puisqu’il est fait à la première personne ; et bien sûr son personnage principal. Si l’on croit André Gide qui a écrit la préface de ce roman, de même qu’Octave Mirbeau qui en a écrit l’introduction, La Faim est une autobiographie, ou du moins un roman personnel, tant les éléments de la vie du personnage racontés ici rejoignent une partie de la vie de Knut Hamsun. Ecrivain qui, d’ailleurs, laisse planer le doute en ne mentionnant jamais le nom de son personnage. Logique certes quand on considère que la chose n’est absolument pas nécessaire dans un récit à la première personne, quoi qu’il en soit on peut noter que lorsqu’il s’agit de donner son nom, le personnage précise avoir menti ou se contente de dire : "nous échangeâmes nos noms".

C’est que ce personnage, quels que soient les sentiments qu’il exprime, bien qu’ils soient le plus souvent assez intimes, garde une très grande distance avec ce qu’il présente, ce qui évite de tomber dans le pathos. Voilà son histoire : cet homme a faim. Ecrivain qui tente par beaucoup d’efforts de faire accepter ses papiers dans des journaux pour toucher un peu d’argent ou désespère face à l’inspiration qui ne vient pas, il manque souvent d’argent pour se nourrir et passe par conséquent moult temps sans manger.

De là découle un comportement jugé par les autres assez étonnant. Ce personnage anonyme agit parfois bizarrement et l’intérêt est qu’on saisit les choses de l’intérieur, à partir de sa propre perception de ses actes qu’il juge comme étant tout à fait normaux. Souvent en proie à l’angoisse, il se laisse finalement envahir par ce comportement même lorsqu’il est repu, ce qui quoi qu’il en soit arrive assez rarement.

Et toujours le personnage garde une distance assez étonnante avec ce qu’il vit. Cela découle justement de la focalisation interne du récit. Car si l’on comprend que ce qu’il fait étonne les autres, lui prend tout cela naturellement et présente donc tout de cette façon. Ainsi jamais n’apparaissent les termes d’angoisse, de folie, car le lecteur est lui aussi tout à fait submergé dans cette situation et d’après la perception du personnage.

Son rapport aux mots revient sans cesse à travers son activité littéraire, aboutie ou non ; et renvoie inévitablement à l’écriture de Knut Hamsun qui maîtrise son récit jusqu’à la perfection. Ainsi alors que le récit est au passé apparaissent parfois des phrases entières au présent qui sont de cette façon mises en relief ou laissent le lecteur un peu perplexe par leur décalage ; qui accentue d’ailleurs le côté étonnant et implicite de l’attitude du personnage principal. Dans le même sens, l’écrivain brouille tout à fait la vision qu’il offre de la situation de cet homme puisque discours direct et indirect sont mélangés, empêchant ainsi toute neutralité, même dans les phrases énoncées par les autres personnages, sur lesquels d’ailleurs La Faim s’arrête très peu.


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