Mise à jour du 20 septembre 2021
Les critiques avaient été acides et elles ont été visiblement entendues.
Choquées par le concept de The Activist, de nombreuses militantes et nombreux militants avaient fait part de leur colère à l’annonce de cette nouvelle émission de la chaîne américaine CBS. Elle prévoyait de mettre en compétition plusieurs personnes œuvrant pour l’accès à l’éducation, la sauvegarde de l’environnement ou la santé et de désigner le ou la meilleure.
La production a annoncé en fin de semaine dernière un virage à 180 degrés, reconnaissant à demi-mot que l’idée de base n’était clairement pas la plus pertinente :
« Il était prévu que The Activist montre à un large public la passion et l’ingéniosité que des activistes mettent en œuvre pour changer le monde, et qu’elles en inspirent d’autres à faire la même chose. Néanmoins, il est apparu que le format de l’émission tel qu’elle était annoncée détourne du travail vital que font ces incroyables activistes dans leur communauté au quotidien.
L’impulsion pour un changement global n’est pas une compétition et requiert un effort global. Par conséquent, nous modifions le format en retirant la dimension compétitive et en réimaginant le concept en un documentaire spécial en primetime. »
L’actrice Priyanka Chopra, qui avait été annoncée comme juge dans l’émission, a déclaré qu’elle était satisfaite de la décision de CBS de modifier le concept de The Activist.
La danseuse Julienne Hough a elle aussi pris la parole, en réponse aux critiques sur sa participation à l’émission, mais aussi après que des photos d’elle datant de 2013 arborant un blackface ont fait de nouveau surface. Elle a présenté ses excuses :
« Après le communiqué de presse annonçant The Activist, je vous ai entendu dire que l’émission était performative, qu’elle promouvait un pseudo-activisme à la place du vrai activisme, qu’elle n’était pas à l’écoute, qu’elle ressemblait à Black Mirror, à Hunger Games, et que les hôtes n’étaient pas qualifiés pour évaluer l’activisme car nous sommes des célébrités.
Je vous ai entendus dire que c’était hypocrite car l’origine de l’activisme est un combat contre le capitalisme et les conséquences qu’il a sur tant de gens et que l’émission en elle-même ressemble à une tentative capitaliste clinquante. »
L’industrie de l’entertainment semblait avoir flairé l’intérêt du public pour les belles histoires et la soif de changer le monde… mais sans comprendre qu’en plaquant le concept de la télé-réalité sur le combat militant, elle risquant d’en dévoyer le sens et d’être complètement à côté de la plaque.
Article publié le 10 septembre 2021
Un The Voice sauce militante. C’est grosso modo ainsi qu’on pourrait résumer le concept de The Activist, une émission de télé-réalité qui sera diffusée à partir de fin octobre aux États-Unis sur CBS.
C’est le site Deadline qui dévoile les quelques grands noms de célébrités qui participeront aux côtés des candidats — le chanteur Usher, l’actrice Priyanka Chopra Jonas, et la danseuse Julianne Hough.
Le concept ? Accrochez-vous :
« Les activistes s’affronteront dans des défis pour promouvoir leurs causes, leur succès sera mesuré grâce à l’engagement en ligne, et les contributions des hôtes. Les équipes auront un but ultime : créer des mouvements efficaces pour amplifier leur message, alimenter l’action et leur permettre d’atteindre le sommet du G20 à Rome. Là-bas, ils rencontreront des leaders mondiaux dans l’espoir d’obtenir des financements et sensibiliser à leur cause.
L’équipe qui reçoit l’engagement le plus important sera désignée vainqueur à la finale, qui donnera lieu à des performances musicales par quelques-uns des artistes mondiaux les plus passionnés. »
Six personnes s’affronteront sur trois grandes thématiques : la santé, l’environnement et l’éducation.
L’avènement du philantainment ?
Cette émission est-elle la pire idée du siècle ? Sans hésitation, oui.
Peut-on juger l’activisme comme une performance de chant, façon American Idol ? Et surtout en faire un enjeu de compétition ? Militer, se battre pour une cause, que ce soit un enjeu de justice sociale, ou lié à la défense de l’environnement (entre autres exemples), n’est-ce pas quelque chose que l’on fait pour le bien commun, la société, et non pour soi et se mettre en avant ?
La journaliste Naomi Klein, autrice engagée de plusieurs ouvrages dont La Stratégie du choc, a fait part de son grand désarroi :
« Je suis perdue : est-ce une critique marxiste avancée visant à montrer comment la compétition pour de l’argent et de l’attention monte les activistes les uns contre les autres et affaiblit les changements en profondeur ? Ou c’est juste la fin du monde ? »
Selon l’activiste Stephanie Quilao, ce type de concept porte un nom : le philantainment, contraction de « philanthropie » et d’« entertainment » qui signifie divertissement.
« Ce n’est pas de l’activisme. C’est un show de télé-réalité sur qui sera le plus gros influenceur des réseaux sociaux déguisé en bon samaritain. »
La chercheuse Sahar Amarir s’interroge sur cette mise en scène de l’activisme, ce qui conduit à devoir s’engager pour défendre une cause, la nécessité… ou bien ici l’envie de notoriété :
« Les gens issus de régimes autoritaires deviennent malgré eux des activistes quand ils exigent des droits et sont opprimés pour cela. C’est une fatalité, pas une médaille. »
On ignore encore qui se prêtera à la mascarade de The Activist, quels militants joueront le jeu de ce grand cirque. Toujours est-il que ce glissement laisse voir une drôle de conception de l’engagement et des motivations qui poussent à militer.
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Crédit photo : Ehimetalor Akhere Unuabona via Unsplash
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