C’est la réponse de Gérald Darmanin pour faciliter le dépôt de plainte dans les commissariats : des files identifiées par un rond orange pour les personnes qui veulent porter plainte pour violences conjugales ou pour viol.
Imaginons déjà la force qu’il faut pour oser franchir la porte du commissariat. L’appréhension de devoir tout raconter à un inconnu. La peur de croiser quelqu’un que l’on connaît. La crainte de ne pas être comprise ou de ne pas être crue, de faire tout cela pour rien.
Et puis, on vous indique dès l’entrée une file d’attente pour votre cas particulier.
La voilà donc la solution pour que les victimes soient mieux traitées dans les commissariats ? Des files d’attentes identifiées par des gommettes de couleur ? Après les numéros verts, les files oranges pour les femmes battues ? Nous prend-on pour des enfants ?
Un accueil des victimes qui laisse DÉJÀ à désirer
Une trouvaille qui tombe à pic, au lendemain des révélations du Canard Enchaîné sur le policier qui le 15 mars dernier, avait enregistré la plainte de Chahinez Daoud pour violences contre son ex-mari. Plainte qui n’a pas servi à grand-chose puisque quelques semaines plus tard, le 4 mai, Chahinez Daoud était assassinée par lui.
Le policier en question venait donc d’être condamné, pour violences intra-familiales, à huit mois de prison avec sursis. Ces gommettes font donc doucement rigoler tant le problème de l’accueil des victimes est profond et nécessiterait des solutions à la hauteur.
Alors comment se sentir en sécurité dans un commissariat si la personne qui prend notre plainte est elle-même condamnée pour des faits similaires ? Une telle ironie pourrait prêter à rire si tout cela ne s’était pas soldé par un féminicide.
Un tollé sur les réseaux sociaux
Sur Twitter, l’annonce a provoqué un tollé au point que le ministre de l’Intérieur a tenté (mollement) de calmer le jeu et de justifier le bien fondé de son annonce.
Confidentialité, vous dites ? En voyant la photo du journal La République du Centre pour illustrer le dispositif, on se permet d’être dubitative sur le concept de confidentialité, tant les deux files sont distinctes, mais surtout très visibles et ne semblent pas permettre une quelconque discrétion pour les victimes :
Un dispositif ni fait ni à faire ?
Stigmatisant, infantilisant mais aussi dangereux : quid de la sécurité la plus élémentaire quand on vient porter plainte et que l’on s’expose à de potentielles représailles ? Et pourquoi pas un signe encore plus distinctif après tout ? Un badge, peut-être ? Ou alors un mégaphone pour annoncer dès l’entrée le motif de sa visite au commissariat, histoire que cela soit vite expédié ?
Alors c’est sûrement pratique : c’est facile à mettre en place pour peu que l’imprimante marche, et ça coûte moins cher que de la formation, ou du personnel supplémentaire.
Dans son article présentant le système dans un commissariat du Mans en mars dernier, Libération faisait état d’un nombre de plaintes en hausse, sans pour autant pouvoir affirmer que cela soit lié à ce dispositif d’accueil.
Toujours est-il que l’annonce de son extension reste tristement ironique et rageante quand celui qui annonce la mise en place d’une file adressée aux victimes de viols fait lui-même l’objet d’une plainte pour viol, harcèlement sexuel et abus de confiance.
Crédit photo de une : Pierrot75005, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons
À lire aussi : Un an après #MeToo : comment accompagner les victimes de viol lorsqu’elles portent plainte ?
Si vous ou quelqu’un que vous connaissez est victime de violences conjugales, ou si vous voulez tout simplement vous informer davantage sur le sujet :
- Le 3919 et le site gouvernemental Arrêtons les violences
- Notre article pratique Mon copain m’a frappée : comment réagir, que faire quand on est victime de violences dans son couple ?
- L’association En avant toute(s) et son tchat d’aide disponible sur Comment on s’aime ?
Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
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