C’est non seulement l’une des rares femmes designers de premier plan dans l’industrie de la mode, mais il s’avère en plus qu’elle est noire. Et c’en est presque trop pour l’Italie, conservatrice, sexiste et raciste. Stella Jean, originaire d’Haïti, a longtemps été le seul talent noir à défiler au calendrier officiel de la Milan Fashion Week, où le racisme s’avère particulièrement décomplexé.
Stella Jean, fer de lance noir de la lutte contre le racisme en Italie
Là-bas, plusieurs maisons de luxe se sont déjà vautrées dans la production de pièces et/ou de campagnes de communication racistes, comme Dolce & Gabanna, Prada, ou encore Marni. Suite à la mort de George Floyd, la prise d’ampleur internationale du mouvement Black Lives Matter, et l’hypocrisie de la Camera Nazionale della Moda Italiana (CNMI : l’autorité de la mode italienne) qui n’a fait que de fausses promesses pour feindre de vouloir améliorer les choses, Stella Jean avait annoncé qu’elle ne défilerait plus à Milan tant qu’elle servirait de caution qui confirme l’exclusion.
Elle avait également fondé We Are Made in Italy (WAMI), collectif de personnes racisées de la mode italienne en réponse au manque d’inclusion dans le secteur. Mais voilà qu’elle entame une grève de la faim, pour contester le fait que la CNMI a abandonné WAMI, alors que la Milan Fashion Week se tient du 22 au 27 février 2023.
Depuis la mort de George Floyd en mai 2020, Stella Jean redouble d’effort pour faire bouger les lignes du racisme dans la mode en Italie, dans une violente indifférence. Bientôt trois ans qu’elle ne défile plus au calendrier officiel, donc. Si WAMI, composé de 5 designers (Gisèle Claudia Ntsama, Frida Kiza, Mokodu Fall, Karim Daoudi, Joy Meribe), a créé son propre événement mode en septembre 2022, cela reste insuffisant, comme l’a déclaré Stella Jean lors d’une conférence de presse le 8 février 2023, expliquant que la CNMI avait abandonné WAMI. D’après elle, les designers noirs du collectif recevraient même des menaces de mort anonymes.
La chambre syndicale de la mode italienne a cessé de soutenir financièrement les rares designers noirs d’Italie
Interrogé par Dazed, la CNMI explique qu’elle n’a pas retiré son soutien, seulement son aide économique qui ne devait être que ponctuelle :
« Le soutien économique aux marques pour la production de collections et d’événements ne fait pas partie du cœur des activités de CNMI : tout soutien économique complémentaire peut être exceptionnellement, ponctuel, mis à la disposition des nouvelles marques notamment au début de leur parcours. »
Le soutien économique de la CNMI accordée à WAMI était « dû à des financements extraordinaires, en raison de la pandémie de COVID », poursuit une porte-parole auprès du média britannique.
Stella Jean entame une grève de la faim contre le manque de soutien de l’Italie contre le racisme
Or, Stella Jean rapporte que l’arrêt de cette subvention met en péril économique plusieurs designers, ayant déjà avancé des frais qu’ils ne sauraient composer. C’est pourquoi Stella Jean se met en grève de la faim jusqu’à ce que le président de la CNMI ne garantisse des aides à plus long terme, argumente-t-elle auprès de Dazed :
« Lorsque ceux qui représentent la réalité d’un pays s’expriment, nous avons tous le devoir d’écouter. La vérité reste claire : une grande partie de l’implication des entreprises ne fournit pas une couverture accrue et un soutien économique aux minorités sous-représentées. C’est une occasion délibérément manquée d’aider les designers racisés et de les exploiter comme un gadget, tout en profitant de l’intérêt des consommateurs pour tout ce qui est multiculturel. Ce dont nous avons besoin, ce sont de véritables opportunités d’emploi, pas de cocktails. Nous devons créer des collections, les montrer et les vendre, pas des séances de photos. »
Crédit photo de Une : capture d’écran Instagram de Stella Jean.
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